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qu’après un certain nombre d’années révolues, comme les jeux capitolins qui ne se célebroient que tous les cinq ans, les jeux séculaires qu’on ne renouvelloit qu’au bout de cent ans, & d’autres fêtes qui recommençoient tous les dix, vingt, ou trente ans, & qui étoient généralement observées. (G)

Fêtes des Mahométans. La fête des Mahométans par chaque semaine est le vendredi : ce jour est pour eux ce qu’est pour nous le dimanche, & ce qu’étoit pour les Juifs le sabbat, c’est-à-dire le jour de la priere publique. Ils ont outre cela deux fêtes solennelles : la premiere appellée la fête des victimes, qui se fait le dixieme jour du dernier mois de leur année ; la seconde est celle du bairam, qui termine le ramadhan ou carême. Voy. Bairam & Ramadhan.

Fêtes des Chinois. Ces peuples célebrent deux fêtes solennelles dans l’année, en mémoire de Confucius, & d’autres moins solennelles en d’autres jours de l’année. Ils offrent aussi deux fois l’an des sacrifices solennels aux esprits de leurs ancêtres défunts, & d’autres moins solennels chaque mois dans la nouvelle & dans la pleine lune, le premier jour de l’an, & dans les solstices. Le quinzieme jour de la premiere lune de leur année, ils allument, en signe de fête, un grand nombre de feux & de lanternes. Le cinquieme jour de la cinquieme lune, & le quinzieme jour de la huitieme, sont encore pour eux des jours de fêtes. Voyez Chinois. Les Indiens orientaux font aussi des solennités, tant en autonne que dans les autres saisons, en l’honneur de leurs idoles. Les sauvages d’Amérique ont aussi les leurs. Voyez Fêtes des Morts. Enfin il n’est point de peuple qui n’ait eu ses fêtes, pour peu qu’il ait professé quelque religion. (G)

Fêtes des Chrétiens, (Hist. ecclés.) Les fêtes prises en général & dans leur institution, sont proprement des jours de réjoüissance établis dans les premiers tems pour honorer les princes & les héros, ou pour remercier les dieux de quelque évenement favorable. Telles étoient les fêtes chez les peuples policés du paganisme, & telle est à-peu-près l’origine des fêtes parmi les Chrétiens : avec cette différence néanmoins, que, dans l’institution de nos fêtes, les pasteurs ont eu principalement en vûe le bien de la religion & le maintien de la piété.

En révérant par des fêtes des hommes qu’une vie sainte & mortifiée a rendus recommandables, ils ont voulu nous proposer leur exemple, & nous rappeller le souvenir de leurs vertus ; mais sur-tout en instituant leurs fêtes, ils ont voulu consacrer les grands évenemens de la religion ; évenemens par lesquels Dieu nous a manifesté ses desseins, sa bonté, sa puissance Telles sont dans le Christianisme la naissance du Sauveur, & sa résurrection ; telles sont encore l’ascension, la descente du S. Esprit, &c.

Les fêtes, qui n’étoient pas d’abord en grand nombre, se multiplierent dans la suite à l’excès ; à la fin tout le monde en a tenti l’abus. Ce fut l’un des premiers objets de réforme parmi les Protestans. On a de même supprimé bien des fêtes parmi les Catholiques ; & il semble que l’usage soit aujourd’hui de les retrancher presque partout. Ces changemens au reste se font tous les jours par les évêques, sans que l’église ni le gouvernement ayent rien déterminé là-dessus ; ce qui seroit néanmoins beaucoup plus convenable, pour établir l’uniformité du culte dans les différens diocèses.

Quand l’esprit de piété n’anime point les fideles dans la célébration des fêtes, ce qui n’est que trop ordinaire aujourd’hui parmi nous, il est certain quelles nuisent sensiblement à la religion ; c’est une vérité que Dieu a pris soin d’annoncer lui-même par la bouche d’Isaïe, & que M. Thiers, entr’autres modernes, a bien développée de nos jours.

On n’a pas démontré de même, quant à l’intérêt national, à quel point le public étoit lésé dans la cessation des travaux, prescrite aux jours de fêtes. C’est là néanmoins une discussion des plus intéressantes ; & c’est à quoi cet article est principalement destiné.

Les biens physiques & réels, je veux dire les fruits de la terre & toutes les productions sensibles de la nature & de l’art, en un mot les biens nécessaires pour notre subsistance & notre entretien, ne se produisent point d’eux-mêmes, sur-tout dans ces climats ; la providence les a comme attachés & même proportionnés au travail effectif des hommes. Il est visible que si nous travaillons davantage, nous augmenterons par cela même la quantité de nos biens ; & cette augmentation sera plus sensible encore, si nous faisons beaucoup moins de dépense. Or je trouve qu’en diminuant le nombre des fêtes, on rempliroit tout-à-la-fois ces deux objets ; puisque multipliant par-là les jours ouvrables, & par conséquent les produits ordinaires du travail, on multipliroit à proportion toutes les especes de biens, & de plus on sauveroit des dépenses considérables, qui sont une suite naturelle de nos fêtes ; sur quoi je fais les observations suivantes.

On compte environ trente-sept fêtes à Paris, mais il y en a beaucoup moins en plusieurs provinces. Après une suppression qui s’est faite dans quelques diocèses, il s’y en trouve encore vingt-quatre : partons de ce point-là, & supposons vingt-quatre fêtes actuellement chommées dans tout le royaume. Maintenant je suppose qu’on ne réserve que le lundi de Pâque, l’Ascension, la Notre-dame d’Août, la Toussaint, & le jour de Noël, je suppose ; dis-je, qu’on laisse ces cinq fêtes telles à-peu-près qu’elles sont à présent, & qu’on transporte les autres au dimanche.

On sait qu’il est consacré par-tout aux plus grandes fêtes de l’année, telles que Pâque, la Pentecôte, la Trinité : les autres fêtes les plus solennelles, comme Noel, la Circoncision, l’Epiphanie, l’Assomption, la Toussaint, se chomment également le dimanche, quand elles tombent ce jour-là, sans qu’on y trouve aucun inconvénient.

Je m’imagine donc que les plus religieux ne désapprouveront pas l’arrangement proporé, sur-tout si l’on se rappelle que la loi d’un travail habituel & pénible fut la premiere & presque la seule imposée à l’homme prévaricateur, & qu’elle entre ainsi beaucoup mieux que les fêtes dans le système de la vraie piété. Maledicta terra in opere tuo ; in laboribus comedes ex eâ cunctis diebus vitæ tuæ… in sudore vultûs tui vesceris pane. Genese, 3. 17. 19. En effet, l’établissement arbitraire de nos fêtes n’est il pas une violation de la loi divine qui nous assujettit à travailler durant six jours, sex diebus operaberis ? Exod. 20. 9. Et peut-il être permis à l’homme de renverser un ordre que Dieu a prescrit lui-même, ordre d’ailleurs qui tient essentiellement à l’économie nationale ? ce qui est au reste si notoire & si constant, que si les supérieurs ecclésiastiques instituoient de nos jours de nouvelles fêtes, de même que des jeûnes, des abstinences, &c. le ministere public, plus éclairé qu’autrefois, ne manqueroit pas d’arrêter ces entreprises, qui ne peuvent avoir lieu qu’après une discussion politique, & de l’aveu du gouvernement ; & qui ne se sont formées pour la plûpart que dans les premiers accès d’une ferveur souvent mal ordonnée, ou dans ces siecles d’ignorance & de barbarie, qui n’avoient pas de justes notions de la piété.

Au surplus, il est certain qu’en considérant les abus inséparables des fêtes, la transposition que je propose est à desirer pour le bien de la religion ; attendu que ces saints jours consacrés par l’Eglise à la piété, deviennent dans la pratique des occasions de