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lieu de sa sortie, il reculera sa main droite pour tenir son brochoir par le bout du manche ; il soûtiendra la lame avec un des côtés du manche de ses tricoises, & la chassera hardiment jusqu’à ce qu’elle ait entierement pénétré, & que l’affilure se montre totalement en-dehors. Il est ici plusieurs choses à observer attentivement. La premiere est que la lame ne soit point coudée, c’est-à-dire qu’elle n’ait point fléchi en conséquence d’un coup de brochoir donné à faux ; alors la coudure est extérieure & s’apperçoit aisément : ou en conséquence d’une résistance trop forte que la pointe de la lame aura rencontrée, & qu’elle n’aura pu vaincre ; & souvent alors la coudure est intérieure, & ne peut être soupçonnée que par la claudication de l’animal dont elle presse & serre le pié. La seconde considération à faire est de ne point casser cette même lame dans le pié en retirant ou en poussant le clou ; de l’extraire sur le champ, ainsi que les pailles ou les brins de lame qui peuvent s’être séparés de la lame même (Voyez Retraite), & de chasser la retraite avec le repoussoir, si cela se peut. Voyez Tablier, Repoussoir. On ne sauroit encore se dispenser de prendre garde de brocher trop haut ; en brochant bas, on ne court point le hasard d’encloüer. Le quartier de dedans demande, attendu sa foiblesse naturelle, une brochure plus basse que celui de dehors : c’est un précepte que les Maréchaux ont consacré par ce proverbe misérable & trivial, adopté par tous les écuyers qui ont écrit : madame ne doit pas commander à monsieur. Les lames doivent être chassées, de façon qu’elles ne pénetrent point de côté, & que leur sortie réponde à leur étampure. Il faut de plus qu’elles soient sur une même ligne, c’est-à-dire qu’elles regnent également autour des parois du sabot, les rivets se trouvant tous à une même hauteur, & l’un n’étant pas plus bas que l’autre ; ce qui est encore recommandé dans les boutiques, & ce que l’on y enseigne en débitant cet autre proverbe, il ne faut pas brocher en musique.

Les étampures fixant le lieu où l’on doit brocher, il seroit sans doute inutile de rapporter ici celui que renferment ces expressions, pince devant, talon derriere, & qui ne signifient autre chose, si ce n’est que les fers de devant doivent être assujettis en pince, & les fers de derriere en talon. La routine seule suffit pour graver de tels principes dans l’esprit des maréchaux : il en est cependant plusieurs dans les campagnes qui n’adoptent point celui-ci ou qui l’ignorent, & qui sans égard à la foiblesse de la pince des piés de derriere & des talons des piés de devant, brochent indifféremment par-tout, après avoir indifféremment étampé leurs fers selon leur caprice & leurs idées. Il est facile de prévoir les malheurs qui peuvent en arriver.

Revenons à notre opération. Dès que chaque lame est brochée, l’opérateur doit par un coup de brochoir sur l’affilure, abattre la portion de la lame qui saillit en-dehors le long de l’ongle, ensorte que la pointe soit tournée en-dessous ; & tous les clous étant posés, il doit avec ses triquoises rompre & couper toutes les affilures qui ont été pliées & qui excedent les parois du sabot. Il coupe ensuite avec le rogne-pié toute la portion de l’ongle qui outrepasse les fers, ainsi que les éclats que les clous ont pû occasionner : mais il ne frappe pour cet effet avec son brochoir sur le rogne-pié, que modérément & à petits coups. De-là il rive les clous en en adressant d’autres moins ménagés, sur ce qui paroît encore des affilures coupées ou rompues : mais comme ces mêmes coups sur les affilures pourroient rechasser les clous par la tête, il oppose les triquoises sur chaque caboche, à l’effet de maintenir & d’assûrer les lames dont la tête s’éleveroit au-dessus du fer, & s’éloigneroit de l’étampure sans cette précaution. Il en prend encore une au-

tre ; les affilures frappées, ou, quoi qu’il en soit, ce

qu’il en reste se trouve seulement émoussé. Il enleve donc avec le coin tranchant du rogne-pié, une legere partie de la corne qui environne chaque clou ; & alors au lieu de cogner sur la pointe des affilures, il cogne sur les parties latérales, & insere cette même pointe dans l’ongle, de façon qu’elle ne surmonte point, & que les rivets sont tels qu’ils ne peuvent point blesser l’animal, & occasionner ce que nous nommons entretaillure. Voyez Ferrure.

Il ne reste plus ensuite au maréchal qu’à unir avec la râpe (Voyez Rape, Tablier) tout le tour du sabot, lorsque le palefrenier a remis le pié à terre ; & quelques coups legers redonnés sur les rivets, terminent toute l’opération.

Il seroit superflu de parler des clous à glace & des clous à grosse tête, que l’on employe pour empêcher les chevaux de glisser ; il n’est personne qui ne connoisse la forme de ces sortes de clous : mais je ne puis en finissant cet article, trop faire sentir la nécessité de ferrer les chevaux un peu plus souvent que l’on ne fait communément. Il est nombre de personnes qui se persuadent qu’il est bon d’attendre que les fers soient entierement usés pour en mettre de nouveaux, & il en est d’autres qui veulent épargner les relevées ou les rassis (Voyez Relevées, Rassis), convaincus que l’action de parer ou de rafraîchir l’ongle, n’est nullement utile & ne profite qu’au maréchal : ce préjugé nuit à ceux qu’il aveugle & qu’il séduit, car insensiblement les piés de l’animal se ruinent & dépérissent s’ils sont ainsi négligés. Il seroit à propos de les visiter & d’y retoucher au moins tous les mois, ce qui n’arrive point aux maréchaux avec lesquels on a traité pour l’année entiere ; ils attendent en effet la derniere extrémité pour réparer des piés qu’ils endommagent la plûpart & par leur ignorance & par l’abandon dans lequel ils les laissent. (e)

Ferrer, (Serrurerie.) c’est poser toutes les pieces de fer dont les ouvrages, tant en bois que d’une autre matiere, excepté le fer, doivent être garnis. Quand on dit ferrer une porte de bois de pieces de fer, ce mot enferme les fiches, verrouils, pentures, serrures, boutons, élons, &c. dont elle doit être garnie. Il en est de même d’une croisée ; la ferrer, c’est la garnir de ses fiches, épagnolettes, &c.

FERRET, s. m. en termes d’Aiguilletier, c’est une petite plaque de laiton ou de cuivre, mince, taillée en triangle isocele, tronqué, dans laquelle on embrasse & serre, sur les crénelures d’un petit enclumeau & avec le marteau, un bout ou même les deux bouts d’un cordon, d’un lacet, &c. pour en faciliter le passage dans les trous ou œillets qui lui sont destinés. Il y a des ferrets simples, à clavier, & à embrasser.

Les simples prennent un ruban sur sa longueur, le serrent, & vont en diminuant vers leur extrémité.

Les ferrets à embrasser sont des especes de fers fort courts, assez semblables à l’anneau dont on se sert pour retenir la tresse des aiguillettes & à autres usages.

Ceux à bandages sont des fers montés sur des rubans de fil, servant dans les bandages pour les descentes.

Les ferrets de caparasson sont montés sur des gances de fil ou de soie, dont on se sert pour attacher un harnois. Il y a une infinité d’autres ferrets.

Ferret, en termes de Cirier, c’est un petit tuyau de fer-blanc, dans lequel on introduit la tête d’une meche de bougie, pour l’empêcher de prendre-de la cire, ce qui la rendroit difficile à allumer. Il s’appelle ferret, parce qu’en effet il ressemble parfaitement au ferret d’un lacet.

* Ferret, (Verrerie.) canne de fer plus menue que la fele, & moins longue, armée de même d’une