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les fermes des champs, mais elle ne se supplée point si elle n’y est pas exprimée ; & les femmes veuves ou filles ne peuvent point s’obliger par corps, même dans ces sortes de baux.

Un fermier n’est pas reçû à faire cession de biens, parce que c’est une espece de larcin de sa part, de consumer les fruits qui naissent sur le fonds sans payer le propriétaire.

On peut faire résilier le bail quand le fermier est deux ans sans payer : il dépend néanmoins de la prudence du juge de donner encore quelque tems. Le fermier peut aussi être expulsé, lorsqu’il dégrade les lieux & les héritages : mais le propriétaire ne peut pas expulser le fermier pour faire valoir sa ferme par ses mains ; comme il peut expulser un locataire de maison pour occuper en personne.

Le fermier doit joüir en bon pere de famille, cultiver les terres dans les tems & saisons convenables, les fumer & ensemencer, ne les point dessoler, & les entretenir en bon état, chacune selon la nature dont elles sont ; il doit pareillement faire les réparations portées par son bail.

Il ne peut pas demander de diminution sur le prix du bail, sous prétexte que la récolte n’a pas été si abondante que les autres, quand même les fruits ne suffiroient pas pour payer tout le prix du bail ; car comme il profite seul des fertilités extraordinaires, sans que le propriétaire puisse demander aucune augmentation sur le prix du bail, il doit aussi supporter les années stériles.

Il supporte pareillement seul la perte qui peut survenir sur les fruits après qu’ils ont été recueillis.

Mais si les fruits qui sont encore sur pié sont entierement perdus par une force majeure, ou que la terre en ait produit si peu qu’ils n’excedent pas la valeur des labours & semences ; en ce cas le fermier peut demander pour cette année une diminution sur le prix de son bail, à moins que la perte qu’il souffre cette année ne puisse être compensée par l’abondance des précédentes ; ou bien, s’il reste encore plusieurs années à écouler du bail, on peut en attendre l’évenement pour voir si les fruits de ces dernieres années ne le dédommageront pas de la stérilité précédente ; & en ce cas on peut suspendre le payement du prix de l’année stérile, ou du moins d’une partie, ce qui dépend de la prudence du juge & des circonstances.

S’il étoit dit par le bail que le fermier ne pourra prétendre aucune diminution pour quelque cause que ce soit, cela n’empêcheroit pas qu’il ne pût en demander pour raison des vimaires ou forces majeures ; parce qu’on présume que ce cas n’a pas été prévû par les parties : mais si le bail portoit expressément que le fermier ne pourra prétendre aucune diminution, même pour force majeure & autres cas prévûs ou non-prévûs, alors il faudroit suivre la clause du bail.

Dans les baux à moison, c’est-à-dire où le fermier au lieu d’argent rend une certaine portion des fruits, comme la moitié ou le tiers, il ne peut prétendre de diminution sous prétexte de stérilité, n’étant tenu de donner des fruits qu’à proportion de ce qu’il en a recueilli : mais s’il étoit obligé de fournir une certaine quantité fixe de fruits, & qu’il n’en eût pas recueilli suffisamment pour acquitter la redevance, alors il pourroit obtenir une diminution, en observant néanmoins les mêmes regles que l’on a expliquées ci-devant par rapport aux baux en argent.

Suivant l’article 142 de l’ordonnance de 1629, les fermiers ne peuvent être recherchés pour le prix de leur ferme cinq années après le bail échû : mais cette loi est peu observée, sur-tout au parlement de Paris ; & il paroît plus naturel de s’en tenir au principe général, que l’action personnelle résultante d’un bail à ferme dure 30 ans.

La tacite reconduction pour les baux à ferme, est ordinairement de trois ans, afin que le fermier ait le tems de recueillir de chaque espece de fruits que doit porter chaque sole ou saison des terres ; ce qui dépend néanmoins de l’usage du pays pour la distribution des terres des fermes.

Le premier bail à ferme étant fini, la caution ne demeure point obligée, soit au nouveau bail fait au même fermier, soit pour la tacite reconduction s’il continue de joüir à ce titre. Perezius, ad cod. de loc. cond. n. 14. Voyez au ff. le titre locati conducti, & au code celui de locato conducto ; les instit. d’Argou, tom. II. liv. III. ch. xxvij. les maximes journalieres, au mot Fermier. (A)

Ferme, dans quelques coûtumes, signifie l’affirmation ou serment que le demandeur fait en justice pour assûrer son bon droit, en touchant dans la main du baile ou du juge ; c’est proprement juramentum calumniæ præstare, affirmer la vérité de ses faits.

Le serment que le demandeur fait de sa part pour attester la vérité de sa demande, est appellé contre-ferme.

Il est parlé de ces fermes & contre-fermes dans les coûtumes d’Acqs, tit. xvj. art. 3. 4. & 5. & de Saint-Sever, tit. j. art. 2. 8. 9. 10. 12. 13. 15. 18.

M. de Lauriere en sa note sur le mot ferme (gloss. de Ragueau), dit que ces sermens se faisoient presque dans chaque interlocutoire ; que le baile prenoit pour chaque ferme & contre-ferme 11 sous 3 den. tournois, ce qui est aboli. (A)

Ferme des Amendes, est un bail que le Roi ou quelque seigneur ayant droit de justice, fait à quelqu’un de la perception des amendes qui peuvent être prononcées dans le courant du bail. Voyez Amendes & Fermes du Roi. (A)

Ferme blanche, alba firma ou album ; c’est une ferme dont le loyer se paye en monnoie blanche ou argent, à la différence de celles dont les fermages se payent en blé, ou autres provisions en nature, qu’on appelle simplement fermes. Cette distinction est encore usitée en Normandie.

En Angleterre, ferme blanche étoit une rente annuelle qui se payoit au seigneur suzerain d’une gundred : on l’appelloit ainsi, parce qu’elle se payoit en argent ou monnoie blanche, & non pas en blé, comme d’autres rentes qu’on appelloit par opposition aux premieres, le denier noir, black-mail. (A)

Ferme d’une, deux, ou trois charrues, est celle dont les terres ne composent que la quantité que l’on peut labourer annuellement avec une, deux, ou trois charrues. Cette quantité de terre est plus ou moins considérable, selon que les terres sont plus ou moins fortes à labourer. Voyez Charrue. (A)

Ferme de Droit, juris firma ; c’étoit le serment décisoire que l’on déféroit à l’accusé ou défendeur ; il en est parlé dans l’ancien for d’Arragon, liv. XII. fol. 16. où il est appellé firma juris, & la réception de ce serment, receptio juris firmæ. (A)

Ferme-Fief ou Fieffe. Voyez ci-après aux mots Fief & Fieffe. (A)

Ferme générale, est celle qui comprend l’universalité des terres, héritages, & droits de quelqu’un ; elle est souvent composée de plusieurs fermes particulieres, & quelquefois de plusieurs sous-fermes. Voyez ci-après Fermes (Finances). (A)

Ferme-main, voyez au mot Main. (A)

Ferme à Moison, est celle dont le bail est à moison, c’est-à-dire qu’au lieu d’argent pour prix de la ferme, le fermier doit donner annuellement une certaine quantité de grains, ou autres fruits. Voyez Bail à Moison & Moison. (A)

Ferme à moitié Fruits, est celle dont le fermier rend au propriétaire la moitié des fruits en nature, au lieu de redevance en argent. Voy. ci-devant