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une seconde fois vers le même peuple, & prononçoit publiquement les paroles suivantes : « Ecoutez, Jupiter, & vous Junon ; écoutez Quirinus, écoutez dieux du ciel, de la terre, & des enfers : je vous prens à témoin qu’un tel peuple (il le nommoit) refuse à tort de nous rendre justice ; nous délibérerons à Rome dans le sénat sur les moyens de l’obtenir ».

En arrivant à Rome il prenoit avec lui ses collegues, & à la tête de son corps il alloit faire son rapport au sénat. Alors on mettoit la chose en délibération ; & si le plus grand nombre de suffrages étoit pour déclarer la guerre, le fécial retournoit une troisieme fois sur les frontieres du même pays, ayant la tête couverte d’un voile de lin, avec une couronne de verveine par-dessus ; là il prononçoit en présence au moins de trois témoins, la formule suivante de déclaration de guerre. « Ecoutez Jupiter, & vous Junon ; écoutez Quirinus, écoutez dieux du ciel, de la terre, & des enfers : comme ce peuple a outragé le peuple romain, le peuple romain & moi, du consentement du sénat, lui déclarons la guerre ». Après ces mots, il jettoit sur les terres de l’ennemi un javelot ensanglanté & brûlé par le bout, qui marquoit que la guerre étoit déclarée ; & cette cérémonie se conserva long-tems chez les Romains.

On voit par cette derniere formule que nous a conservé Tite-Live, que le roi n’y est point nommé, & que tout se faisoit au nom & par l’autorité du peuple, c’est-à-dire de tout le corps de la nation.

Les historiens ne s’accordent point sur l’institution des féciaux ; mais soit qu’on la donne à Numa, comme le prétendent Denys d’Halicarnasse & Plutarque, soit qu’on aime mieux l’attribuer à Ancus Martius, conformément à l’opinion de Tite-Live & d’Aulugelle, il est toûjours très-vraissemblable que l’un ou l’autre de ces deux princes ont tiré l’idée de cet établissement des anciens peuples du Latium ou de ceux d’Ardée ; & l’on ne peut guere douter qu’il n’ait été porté en Italie par les Pelasges, dont les armées étoient précédées par des hommes sacrés, qui n’avoient pour armes qu’un caducée avec des bandelettes.

Au reste, Varron remarque que de son tems les fonctions des fécialiens étoient entierement abolies, comme celles des hérauts d’armes le sont parmi nous.

Celui qui sera curieux de recourir sur ce sujet aux sources mêmes, peut se satisfaire dans Tite-Live, déc. 1. liv. I. c. xxjv. Cicéron, liv. II. des lois ; Aulugelle, liv. XVI. ch. jv. Denys d’Halicarnasse, l. II. Plutarque, vie de Numa ; Ammien Marcellin, l. XIX. ch. j. Diodore de Sicile, liv. VII. ch. ij. & parmi les modernes, Rosinus Ant. Rom. lib. III. c. xxj. Struvius Ant. Rom. synt. chap. xiij. Pitisci, lexicon, &c. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

FÉCOND, adj. (Littérature.) est le synonyme de fertile quand il s’agit de la culture des terres : on peut dire également un terrein fécond & fertile ; fertiliser & féconder un champ. La maxime qu’il n’y a point de synonymes, veut dire seulement qu’on ne peut se servir dans toutes les occasions des mêmes mots. Voyez Dictionnaire, Encyclopédie, & Synonyme. Ainsi une femelle de quelqu’espece qu’elle soit n’est point fertile, elle est féconde. On féconde des œufs, on ne les fertilise pas. La nature n’est pas fertile, elle est féconde. Ces deux expressions sont quelquefois également employées au figuré & au propre. Un esprit est fertile ou fécond en grandes idées. Cependant les nuances sont si délicates qu’on dit un orateur fécond, & non pas un orateur fertile ; fécondité, & non fertilité de paroles ; cette méthode, ce principe, ce sujet est d’une grande fécondité, & non pas d’une grande fertilité. La raison en est qu’un principe, un

sujet, une méthode, produisent des idées qui naissent les unes des autres comme des êtres successivement enfantés, ce qui a rapport à la génération. Bienheureux Scuderi, dont la fertile plume ; le mot fertile est-là bien placé, parce que cette plume s’exerçoit, se répandoit sur toutes sortes de sujets. Le mot fécond convient plus au génie qu’à la plume. Il y a des tems féconds en crimes, & non pas fertiles en crimes. L’usage enseigne toutes ces petites différences. Article de M. de Voltaire.

FÉCONDATION, s. f. (Économie animale.) on appelle ainsi la faculté prolifique, la fécondité réduite en acte, le moment de la conception, celui où toutes les conditions requises de la part de l’animal mâle & de la femelle, respectivement, concourent dans celle-ci & commencent à y opérer les changemens, les mouvemens, en un mot, les effets nécessaires pour la génération. Voyez Génération.

Ainsi la fécondation regarde proprement l’animal femelle, dans lequel se fait la conception, la formation du fœtus, du petit animal ordinairement de la même espece que celle du mâle & de la femelle qui ont coopéré pour sa génération. Voyez Grossesse, pour les femmes, Imprégnation, pour les autres animaux. Voyez aussi Fœtus. (d)

FÉCONDITÉ, s. f. (Mythol. Médaill. Littérat.) divinité romaine, qui n’étoit autre que Junon : les femmes l’invoquoient pour avoir des enfans, & se soûmettoient volontiers pour en obtenir, à une pratique également ridicule & obscene. Lorsqu’elles alloient à ce dessein dans le temple de la déesse, les prêtres du temple les faisoient deshabiller, & les frappoient sur le ventre avec un foüet qui étoit fait de lanieres de peau de bouc.

Quelquefois on confond la fécondité avec la déesse Tellus, & alors elle est représentée nue jusqu’à la ceinture, & à demi-couchée par terre, s’appuyant du bras gauche sur un panier plein d’épis & autres fruits, auprès d’un arbre ou sep de vigne qui l’ombrage, & de son bras droit elle embrasse un globe ceint du zodiaque, orné de quelques étoiles ; c’est ainsi qu’elle est représentée dans quelques médailles de Julia Domna ; dans d’autres, c’est seulement une femme assise, tenant de la main gauche une corne d’abondance, & tendant la droite à un enfant qui est à ses genoux ; enfin, dans d’autres médailles c’est une femme qui a quatre enfans, deux entre ses bras & deux debout à ses côtés : voilà sans doute le vrai symbole de la fécondité.

Au reste, Tacite rapporte que les Romains pousserent la flaterie envers Néron jusqu’à ériger un temple à la fécondité de Poppée ; mais cet historien nous raconte lui-même bien d’autres traits de flaterie ; c’est un vice qui n’a point de bornes sous les tyrans & les despotes. Voyez Flaterie. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Fécondité, s. f. (Économ. anim.) c’est la faculté prolifique, la disposition dans l’homme & dans les animaux mâles & femelles à satisfaire à toutes les conditions requises (respectivement au sexe de chaque individu) pour l’ouvrage de la génération, pour la production de son semblable.

Comme il est nécessaire en traitant de cette disposition entant que lésée, d’exposer en quoi elle consiste dans l’état de perfection ; il est jugé convenable, pour éviter la répétition, de renvoyer aux articles où il sera question du défaut de fécondité, ce qu’il y a à dire sur cette faculté, & les conditions qu’elle exige pour être réduite en acte : ainsi voyez Impuissance, pour ce qui regarde le sexe maseulin ; Stérilité, pour ce qui est du féminin. Voyez surtout Génération. (d)

FÉCULE, s. f. (Pharmacie.) On appelle fécule, une poudre blanche assez semblable à l’amydon, qui