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ajoûter quelque chose à une piece véritable en elle-même, pour en induire autre chose que ce qu’elle contenoit : du reste l’une & l’autre action est également un faux. Voyez ci-après Faux. (A)

FALSTER, (Géog.) petite île de la mer Baltique, au royaume de Danemark, & abondante en grains ; Nicopingue en est la capitale. Long. 28. 50-29. 26. lat. 55. 50-56. 50. (D. J.)

FALTRANCK, (Medecine.) mot allemand que nous avons adopté, & qui signifie boisson contre les chûtes : c’est ce que nous appellons vulnéraires suisses.

Le faltranck est un mélange des principales herbes & fleurs vulnéraires que l’on a ramassées, choisies, & fait secher pour s’en servir en infusion : ces herbes sont les feuilles de pervenche, de sanicle, de véronique, de bugle, de pié-de-lion, de mille-pertuis, de langue de cerf, de capillaire, de pulmonaire, d’armoise, de bétoine, de verveine, de scrophulaire, d’aigre-moine, de petite centaurée, de piloselle, &c. On y ajoûte des fleurs de pié-de-chat, d’origanum, de vulnéraire rustique, de brunelle, &c. Chacun peut le faire à sa volonté : la classe des herbes vulnéraires est immense.

Ce faltranck nous vient de Suisse, d’Auvergne, des Alpes. Il est estimé bon dans les chûtes, dans l’asthme & la phthysie, pour les fievres intermittentes, pour les obstructions, pour les regles supprimées, pour les rhumes invétérés, pour la jaunisse : on y ajoûte de l’absinthe, de la racine de gentiane pour exciter l’appétit, de la petite sauge, de la primevere pour le rendre céphalique ; enfin on peut remplir avec ce remede mille indications : on peut couper l’infusion des herbes vulnéraires avec du lait, & le prendre à la façon du thé avec du sucre : cette infusion, lorsque les herbes ont été bien choisies, est fort agréable au goût, & bien des personnes la préferent au thé, si-tôt qu’elles y sont habituées. (b)

* FALUNIERES, s. m. (Hist. nat. Minéralog.) c’est un amas considérable formé, ou de coquilles entieres, qui ont seulement perdu leur luisant & leur vernis, ou de coquilles brisées par fragmens & réduites en poussiere, ou de débris de substances marines, de madrépores, de champignons de mer, &c.… & l’on donne le nom de falun à la portion des coquilles qui est la plus divisée, & à celle qui n’est plus qu’une poussiere. Les falunieres de Touraine ont trois grandes lieues & demie de longueur sur une largeur moins considérable, mais dont les limites ne sont pas si précisément connues : cette étendue comprend depuis la petite ville de Sainte-Maure, jusqu’au Mantelan, & renferme les paroisses circonvoisines de Sainte-Catherine de Fierbois, de Louan, de Bossée.

Le falun n’est point une matiere épaisse ; c’est un massif, dont l’épaisseur n’est pas déterminée : on sait seulement qu’il a plus de vingt piés de profondeur.

Voilà donc un banc de coquilles d’environ neuf lieues quarrées de surface, sur une épaisseur au moins de vingt piés. D’où vient ce prodigieux amas dans un pays éloigné de la mer de plus de trente-six lieues ? comment s’est-il formé ?

Les paysans, dont les terres sont en ce pays naturellement stériles, exploitent les falunieres, ou creusent leurs propres terres, enlevent le falun, & le répandent sur leurs champs : cet engrais les rend fertiles, comme ailleurs la marne & le fumier.

Mais on n’exploite d’entre les falunieres, que celles qu’on peut travailler avec profit. On commence donc à chercher à quelle profondeur est le falun : il se montre quelquefois à la surface ; mais ordinairement, il est recouvert d’une couche de terre de quatre piés d’épaisseur. Si la couche de terre a plus de huit à neuf piés, il est rare qu’on fasse la fouille : les endroits bas, aquatiques, peu couverts d’herbes, promettent du falun proche de la terre.

Quand on a percé un trou, on en tire dans le jour tout ce qu’on en peut tirer. Le travail demande de la célérité, l’eau se présentant de tout côté pour remplir le trou à mesure qu’on le rend profond ; on l’épuise, à mesure qu’on travaille.

Il est rare qu’on employe moins de quatre-vingts ouvriers à la fois ; on en assemble souvent plus de cent cinquante.

Les trous sont à-peu-près quarrés ; les côtés en ont jusqu’à trois ou quatre toises de longueur : la premiere couche de terre enlevée, & le falun qui peut être tiré, jetté sur les bords du trou, le travail se partage ; une partie des travailleurs creuse, l’autre épuise l’eau.

A mesure qu’on creuse, on laisse des retraites en gradins, pour placer les ouvriers : on répand des ouvriers sur ces gradins, depuis le bord du trou jusqu’au fond de la miniere, où les uns puisent l’eau à seau, & d’autres le falun. L’eau & le falun montent de main en main : l’eau est jettée d’un côté du trou, & le falun d’un autre.

On commence le travail de grand matin : on est forcé communément de l’abandonner sur les trois ou quatre heures après-midi.

On ne revient plus à un trou abandonné : on trouve moins pénible ou plus avantageux d’en percer un second, que d’épuiser le premier de l’eau qui le remplit. Cette eau filtrée à-travers les lits de coquille est claire, & n’a point de mauvais goût.

Jamais on n’a abandonné un trou faute de falun, quoiqu’on ait pénétré jusqu’à vingt piés.

Le lit de falun n’est mêlé d’aucune matiere étrangere : on n’y trouve ni sable, ni pierre, ni terre. Il seroit sans doute très-intéressant de creuser en plus d’endroits, & le plus bas qu’il seroit possible, afin de connoître la profondeur de la faluniere.

On ouvre communément les falunieres vers le commencement d’Octobre : on craint moins l’affluence des eaux ; & c’est le tems des labours. On fouille quelquefois au printems ; mais cela est rare.

Quand le falun a été tiré, & qu’il est égoutté, on l’étend dans les champs. Il y a des terres qui en demandent jusqu’à trente à trente-cinq charretées par arpent : il y en a d’autres pour lesquelles quinze à vingt suffisent. On ne donne aux terres aucune préparation particuliere : on laboure comme à l’ordinaire, & l’on étend le falun comme le fumier

Il y a de la marne dans les environs des falunieres ; mais elle ne vaut rien pour les terres auxquelles le falun est bon.

Ces dernieres ne produisent naturellement que des brieres ; les herbes y naissent à peine : on les appelle dans le pays des bornais ; la moindre pluie les bat & les affaisse ; le falun répandu les soûtient. Voilà le principe de la fertilisation qu’elles en reçoivent.

Sur l’observation que le falun & la marne ne fertilisoient pas également les terres, M. de Reaumur a conclu que la nature de ces engrais étoit entierement différente. Mais il en devoit seulement conclure qu’il y avoit des terres qui s’affaissant plus ou moins facilement, demandoient un engrais qui écartât plus ou moins leurs molécules ; & c’est l’effet que doivent produire des débris de coquilles plus ou moins divisées & détruites, comme elles le sont dans le falun, dans la marne & dans la craie, qui n’ont, selon toute apparence, que cette seule différence relative à leur action sur les terres qu’elles fertilisent ou ne fertilisent point.

Une terre une fois falunée, l’est pour trente ans : son effet est moins sensible la premiere année ; que dans les suivantes ; alors le falun est répandu plus uniformément. Les terres falunées deviennent très-fertiles.