d’oublier que ces vieillards sont des hommes ; & que nous ne saurons jamais de leurs lumieres & de leur véracité, que ce que d’autres hommes nous en diront ou nous en ont dit, & ce que nous en éprouverons nous-mêmes. Nous rassemblerons scrupuleusement tout ce qui déposera pour ou contre leur témoignage ; nous examinerons les faits avec impartialité, & dans toute la variété de leurs circonstances ; & nous chercherons dans le plus grand espace que nous puissions embrasser sur la terre que les hommes ont habitée, & dans toute la durée qui nous est connue, combien il est arrivé de fois que nos vieillards interrogés en des cas semblables, ont dit la vérité ; & combien de fois il est arrivé qu’ils ont menti. Ce rapport sera l’expression de notre certitude ou de notre incertitude.
Ce principe est incontestable. Nous arrivons dans ce monde, nous y trouvons des témoins oculaires, des écrits & des monumens ; mais qu’est-ce qui nous apprend la valeur de ces témoignages, sinon notre propre expérience ?
D’où il s’ensuit que puisqu’il n’y a pas deux hommes sur la terre qui se ressemblent, soit par l’organisation, soit par les lumieres, soit par l’expérience, il n’y a pas deux hommes sur lesquels ces symboles fassent exactement la même impression ; qu’il y a même des individus entre lesquels la différence est infinie : les uns nient ce que d’autres croyent presque aussi fermement que leur propre existence ; entre ces derniers il y en a qui admettent sous certaines dénominations, ce qu’ils rejettent opiniâtrément sons d’autres noms ; & dans tous ces jugemens contradictoires ce n’est point la diversité des preuves qui fait toute la différence des opinions, les preuves & les objections étant les mêmes, à de très petites circonstances près.
Une autre conséquence qui n’est pas moins importante que la précédente, c’est qu’il y a des ordres de faits dont la vraissemblance va toûjours en diminuant, & d’autres ordres de faits dont la vraissemblance va toûjours en augmentant. Il y avoit, quand nous commençames à interroger les vieillards, cent mille à présumer contre un qu’ils nous en imposoient en certaines circonstances, & nous disoient la vérité en d’autres. Par les expériences que nous avons faites, nous avons trouvé que le rapport varioit d’une maniere de plus en plus défavorable à leur témoignage dans le premier cas, & de plus en plus favorable à leur témoignage dans le second ; & en examinant la nature des choses, nous ne voyons rien dans l’avenir qui doive renverser les expériences, ensorte que celles de nos neveux attestent le contraire des nôtres : ainsi il y aura des points sur lesquels nos vieillards radoteront plus que jamais, & d’autres sur lesquels ils conserveront tout leur jugement, & ces points feront toûjours les mêmes.
Nous connoissons donc sur quelques faits, tout ce que notre raison & notre condition peuvent nous permettre de savoir ; & nous devons dès aujourd’hui rejetter ces faits comme des mensonges, ou les admettre comme des vérités, même au péril de notre vie, lorsqu’ils seront d’un ordre assez relevé pour mériter ce sacrifice.
Mais qui nous apprendra à discerner ces sublimes vérités pour lesquelles il est heureux de mourir ? la foi. Voyez l’article Foi.
Fait, (Jurisprud.) Ce terme a dans cette matiere plusieurs significations différentes, que l’on va expliquer dans les articles suivans.
De fait est opposé à de droit ; par exemple, être en possession de fait, c’est avoir la simple détention de quelque chose ; au lieu qu’être en possession de droit, c’est avoir l’esprit de propriété ; être en pos-
Il y a des excommunications qui sont encourues par le seul fait, ipso facto. Voyez ci-devant Excommunication. (A)
Faits d’un acte : on entend par-là les objets d’une convention. On évalue à une certaine somme les faits d’un acte, c’est-à-dire les objets qui n’ont pas par eux-mêmes de valeur déterminée, comme une servitude, ou autre droit réel ou personnel. Cette évaluation a pour but de servir à fixer les droits d’insinuation & centieme denier. (A)
Faits et Articles, appellés dans les anciens registres du parlement, articuli, sont des faits posés par écrit, & dont une partie se soûmet de faire preuve, ou sur lesquels elle entend faire interroger sa partie adverse, pour se procurer par ce moyen quelques éclaircissemens sur les faits dont il s’agit. Voyez Enquête, Interrogatoire sur Faits et Articles, & Preuve testimoniale. (A)
Fait articulé, est celui qu’une des parties contestantes, ou son défenseur, pose spécialement, soit en plaidant, soit dans des écritures. C’est un fait sur lequel on insiste comme étant décisif, & que l’on articule, c’est-à-dire dont on forme un article que l’on met en-avant, & dont on se soûmet à faire la preuve, soit que cette preuve soit expressément offerte, ou que l’on s’y soûmette tacitement en articulant le fait. Voyez Articuler. (A)
Fait avéré, est celui dont la vérité est prouvée & reconnue, soit par titres, ou par témoins, ou par la déclaration, ou le silence de la partie intéressée : lorsque l’on interpelle quelqu’un de répondre ou s’expliquer sur des faits, & qu’il refuse de le faire, on demande que les faits soient tenus pour confesses & avérés. Voyez le titre de l’ordonnance de 1667, article 4. (A)
Fait d’autrui, est tout ce qui est fait, dit, ou écrit par quelqu’un, relativement à une autre personne : c’est ce que l’on appelle communément en Droit, res inter alios acta. Il est de maxime que le fait d’autrui ne préjudicie point à un autre. L. 5. §. ff. lib. XXXIX. tit. j. Cette regle reçoit néanmoins quelques exceptions ; savoir lorsque celui qui a agi pour autrui, avoit le pouvoir de le faire, comme un tuteur pour son mineur ; un associé qui agit tant pour lui que pour son associé. (A)
Fait d’une Cause, Mémoire, piece d’Ecriture, ou d’un Procès, c’est l’exposition de l’espece & des circonstances qui donnent lieu à la contestation dans les plaidoyers, mémoires & écritures. Le fait ou récit du fait, suit immédiatement l’exorde, & précede les moyens. (A)
Fait et Cause, se prend pour le droit & intérêt de quelqu’un. Prendre fait & cause pour quelqu’un, ou prendre son fait & cause, c’est intervenir en justice pour le garantir de l’évenement d’une contestation, & même le tirer hors de cause. En garantie formelle, les garants peuvent prendre le fait & cause du garanti, lequel, en ce cas, est mis hors de cause, s’il le requiert avant contestation : mais en garantie simple, les garants ne peuvent prendre le fait & cause, mais seulement intervenir si bon leur semble. Voyez le titre viij. de l’ordonnance de 1667, article 9. & 12. & Garantie formelle, & Garantie simple. (A)
Fait de Charge, est une malversation ou une omission frauduleuse, commise par un officier public dans l’exercice de ses fonctions, ou une dette par lui contractée pour dépôt nécessaire fait en ses mains à cause de son office ; ou enfin quelqu’autre fait, où il a excédé son pouvoir, & pour lequel il est desavoüé valablement.
La réparation du dommage résultant d’un fait de