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ques terres. Quand ces faisances ne sont pas fournies en nature, on les estime en argent. L’estimation en est quelquefois faite par le bail même ; lorsque ces faisances ne sont pas dûes purement & simplement, mais que le propriétaire a seulement la faculté de les demander chaque année, elles ne tombent point en arrérages ni estimation. Voyez ce qui a été dit de toutes ces sortes de prestations, au mot Corvées. (A)

FAISANDER (se), v. passif. Cuisine, c’est s’attendrir, se mortifier, & prendre avec le tems le fumet du faisan. Le faisan veut être gardé avant que d’être mangé ; & c’est la raison pour laquelle on a transporté aux autres viandes le mot de faisandé, lorsqu’il étoit à-propos de les garder avant que de les faire apprêter, ou qu’on les avoit trop gardées.

FAISANDERIE, s. f. c’est un lieu où l’on éleve familierement des faisans & des perdrix de toute espece.

Cette éducation domestique du gibier est le meilleur moyen d’en peupler promptement une terre, & de réparer la destruction que la chasse en fait. Ce n’est que par-là que l’on est parvenu à répandre les faisans & les perdrix rouges dans des endroits que la nature ne leur avoit pas destinés. Les faisans étant le gibier qu’ordinairement on desire le plus, & que l’on sait le moins se procurer, nous donnerons ici en détail la méthode la plus sûre pour en élever dans une faisanderie. Cette méthode peut d’ailleurs s’appliquer aussi aux perdrix rouges & grises ; s’il y a quelques différences, elles sont legeres, & nous aurons soin de les marquer.

Une faisanderie doit être un enclos fermé de murs assez hauts pour n’être pas insultés par les renards, &c. & d’une étendue proportionnée à la quantité de gibier qu’on y veut élever. Dix arpens suffisent pour en contenir le nombre dont un faisandier peut prendre soin ; mais plus une faisanderie est spatieuse, meilleure elle est. Il est nécessaire que les bandes du jeune gibier qu’on éleve soient assez éloignées les unes des autres, pour que les âges ne puissent pas se confondre. Le voisinage de ceux qui sont forts est dangereux pour les plus foibles : cet espace doit d’ailleurs être disposé de maniere que l’herbe croisse dans la plus grande partie, & qu’il y ait un assez grand nombre de petits buissons épais & fourrés, pour que chaque bande en ait un à portée d’elle ; ce secours leur est nécessaire pendant le tems de la grande chaleur.

Pour se procurer aisément des œufs de faisans, il faut nourrir pendant toute l’année un certain nombre de poules : on les tient enfermées, au nombre de sept, avec un coq, dans de petits enclos séparés, auxquels on a donné le nom de parquets. L’étendue la plus juste d’un parquet est de cinq toises en quarré, & il doit être gasonné. Dans les endroits exposés aux foüines, aux chats, &c. on couvre les parquets d’un filet : dans les autres, on se contente d’éjointer les faisans pour les retenir. Ejointer, c’est enlever le foüet même d’une aile en serrant fortement la jointure avec un fil. Il faut que ce qui fait séparation entre deux parquets soit assez épais, pour que les faisans de l’un ne voyent pas ceux de l’autre. Au défaut de murs, on peut employer des roseaux, ou de la paille de seigle. La rivalité troubleroit les coqs, s’ils se voyoient, & elle nuiroit à la propagation. On nourrit les faisans dans un parquet, comme des poules de basse-cour, avec du blé, de l’orge, &c. Au commencement de Mars, il n’est pas inutile de leur donner un peu de blé noir, que l’on appelle sarrasin, pour les échauffer & hâter le tems de l’amour. Il faut qu’ils soient bien nourris ; mais il seroit dangereux qu’ils fussent engraissés. Les poules trop grasses pondent moins, & la coquille de leurs œufs est souvent si molle, qu’ils courent risque

d’être écrasés dans l’incubation. Au reste, les parquets doivent être exposés au midi, & défendus du côté du nord par un bois, ou par un mur élevé qui y fixe la chaleur.

Les faisans pondent vers la fin d’Avril : il faut alors ramasser les œufs avec soin tous les soirs dans chaque parquet ; sans cela ils seroient souvent cassés & mangés par les poules même. On les met, au nombre de dix-huit, sous une poule de basse-cour, de la fidélité de laquelle on s’est assûré l’année précédente ; on l’essaye même quelques jours auparavant sur des œufs ordinaires. L’incubation doit se faire dans une chambre enterrée, assez semblable à un cellier, afin que la chaleur y soit modérée, & que l’impression du tonnerre s’y fasse moins sentir : Les œufs de faisan sont couvés pendant vingt-quatre & quelquefois vingt-cinq jours, avant que les faisandeaux viennent à éclore. Lorsqu’ils sont éclos, on les laisse encore sous la poule pendant vingt-quatre heures sans leur donner à manger. Une caisse de trois piés de long sur un pié & demi de large, est d’abord le seul espace qu’on leur permette de parcourir ; la poule y est avec eux, mais retenue par une grille qui n’empêche pas la communication que les faisandeaux doivent avoir avec elle. Cet endroit de la caisse que la poule habite, est fermé par le haut ; le reste est ouvert ; & comme il est souvent nécessaire de mettre le jeune gibier à l’abri, soit de la pluie, soit d’un soleil trop ardent, on y ajuste au besoin un toit de planches legeres, au moyen duquel on leur ménage le degré d’air qui leur convient. De jour en jour on donne plus d’étendue de terrein aux faisandeaux, & après quinze jours, on les laisse tout-à-fait libres ; seulement la poule qui reste toûjours enfermée dans la caisse, leur sert de point de ralliement, & en les rappellant sans cesse, elle les empêche de s’écarter.

Les œufs de fourmis de pré devroient être, pendant le premier mois, la principale nourriture des faisandeaux. Il est dangereux de vouloir s’en passer tout-à-fait ; mais la difficulté de s’en procurer en assez grande abondance, contraint ordinairement à chercher des moyens d’y suppléer. On se sert pour cela d’œufs durs hachés & mêlés avec de la mie de pain & un peu de laitue. Les repas ne sauroient être trop fréquens pendant ces premiers tems ; on ne peut aussi mettre trop d’attention à ne donner que peu à la fois : c’est le seul moyen d’éviter aux faisandeaux des maladies qui deviennent contagieuses, & qui sont incurables. Cette méthode, outre que l’expérience lui est favorable, a encore cet avantage qu’elle est l’imitation de la nature. La poule faisande, dans la campagne, promene ses petits pendant presque tout le jour, quand ils sont jeunes, & ce continuel changement de lieu leur offre à tous momens de quoi manger, sans qu’ils soient jamais rassasiés. Les faisandeaux étant âgés d’un mois, on change un peu leur nourriture, & on en augmente la quantité. On leur donne des œufs de fourmis de bois, qui sont plus gros & plus solides ; on y ajoûte du blé, mais très peu d’abord : on met aussi plus de distance entre les repas.

Ils sont sujets alors à être attaqués par une espece de poux qui leur est commune avec la volaille, & qui les met en danger. Ils maigrissent ; ils meurent à la fin, si l’on n’y remédie. On le fait en nettoyant avec grand soin leur caisse, dans laquelle ils passent ordinairement la nuit. Souvent on est obligé de leur retirer cette caisse même qui recele une partie de cette vermine ; on leur laisse seulement ce toît leger dont nous avons parlé sous lequel ils passent la nuit, & on attache la couveuse à côté, exposée à l’air & à la rosée.

A mesure que les faisandeaux avancent en âge