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fité de quelques-unes de ses réflexions sur la fable, & nous renvoyons encore le lecteur à son discours, comme à un morceau de poétique excellent à beaucoup d’égards. Mais avec la même sincérité nous avons crû devoir observer ses erreurs dans la théorie, & ses fautes dans la pratique, ou du moins ce qui nous a paru tel ; c’est au lecteur à nous juger.

Comme Lafontaine a pris d’Esope, de Phedre, de Pilpay, &c. ce qu’ils ont de plus remarquable, & que deux exemples nous suffisoient pour développer nos principes, nous nous en sommes tenus aux deux fabulistes françois. Si l’on veut connoître plus particulierement les anciens qui se sont distingués dans ce genre de poésie, on peut consulter l’article Fabuliste. Article de M. Marmontel.

Fable, (Belles-Lettr.) fiction morale. Voyez Fiction.

Dans les poëmes épique & dramatique, la fable, l’action, le sujet, sont communément pris pour synonymes ; mais dans une acception plus étroite, le sujet du poëme est l’idée substantielle de l’action : l’action par conséquent est le développement du sujet, l’intrigue est cette même disposition considérée du côté des incidens qui nouent & dénouent l’action.

Tantôt la fable renferme une vérité cachée, comme dans l’Iliade ; tantôt elle présente directement des exemples personnels & des vérités toutes nues, comme dans le Télémaque & dans la plûpart de nos tragédies. Il n’est donc pas de l’essence de la fable d’être allégorique, il suffit qu’elle soit morale, & c’est ce que le P. le Bossu n’a pas assez distingué.

Comme le but de la Poésie est de rendre, s’il est possible, les hommes meilleurs & plus heureux, un poëte doit sans doute avoir égard dans le choix de son action, à l’influence qu’elle peut avoir sur les mœurs ; &, suivant ce principe, on n’auroit jamais dû nous présenter le tableau qui entraîne Œdipe dans le crime, ni celui d’Electre criant au parricide Oreste : frappe, frappe, elle a tué notre pere.

Mais cette attention générale à éviter les exemples qui favorisent les méchans, & à choisir ceux qui peuvent encourager les bons, n’a rien de commun avec la regle chimérique de n’inventer la fable & les personnages d’un poëme qu’après la moralité ; méthode servile & impraticable, si ce n’est dans de petits poëmes, comme l’apologue, où l’on n’a ni les grands ressorts du pathétique à mouvoir, ni une longue suite de tableaux à peindre, ni le tissu d’une intrigue vaste à former. Voyez Epopée.

Il est certain que l’Iliade renferme la même vérité que l’une des fables d’Esope, & que l’action qui conduit au développement de cette vérité, est la même au fond dans l’une & dans l’autre ; mais qu’Homere, ainsi qu’Esope, ait commencé par se proposer cette vérité ; qu’ensuite il ait choisi une action & des personnages convenables, & qu’il n’ait jetté les yeux sur la circonstance de la guerre de Troye, qu’après s’être décidé sur les caracteres fictifs d’Agamemnon, d’Achille, d’Hector, &c. c’est ce qui n’a pû tomber que dans l’idée d’un spéculateur qui veut mener, s’il est permis de le dire, le génie à la lisiere. Un sculpteur détermine d’abord l’expression qu’il veut rendre, puis il dessine sa figure, & choisit enfin le marbre propre à l’exécuter ; mais les évenemens historiques ou fabuleux, qui sont la matiere du poëme héroïque, ne se taillent point comme le marbre : chacun d’eux a sa forme essentielle qu’il n’est permis que d’embellir ; & c’est par le plus ou le moins de beautés qu’elle présente ou dont elle est susceptible ; que se décide le choix du poëte : Homere lui-même en est un exemple.

L’action de l’Odyssée prouve, si l’on veut, qu’un état ou qu’une famille souffre de l’absence de son chef ; mais elle prouve encore mieux qu’il ne faut

point abandonner ses intérêts domestiques pour se mêler des intérêts publics, ce qu’Homere certainement n’a pas eu dessein de faire voir.

De même on peut conclure de l’action de l’Enéïde, que la valeur & la piété réunies sont capables des plus grandes choses ; mais on peut conclure aussi qu’on fait quelquefois sagement d’abandonner une femme après l’avoir séduite, & de s’emparer du bien d’autrui quand on le trouve à sa bienséance ; maximes que Virgile étoit bien éloigné de vouloir établir.

Si Homere & Virgile n’avoient inventé la fable de leurs poëmes qu’en vûe de la moralité, toute l’action n’aboutiroit qu’à un seul point ; le dénouement seroit comme un foyer où se réuniroient tous les traits de lumiere répandus dans le poëme, ce qui n’est pas : ainsi l’opinion du pere le Bossu est démentie par les exemples mêmes dont il prétend l’autoriser.

La fable doit avoir différentes qualités, les unes particulieres à certains genres, les autres communes à la Poésie en général. Voyez pour les qualités communes, les articles Fiction, Intérêt, Intrigue, Unité, &c. Voyez pour les qualités particulieres, les divers genres de Poésie, à leurs articles.

Sur-tout comme il y a une vraissemblance absolue & une vraissemblance hypothétique ou de convention, & que toutes sortes de poëmes ne sont pas indifféremment susceptibles de l’une & de l’autre, voyez, pour les distinguer, les articles Fiction, Merveilleux & Tragédie. Article de M. Marmontel.

FABLIAUX, s. m. (Littérat. franç.) Les anciens contes connus sous le nom de fabliaux, sont des poëmes qui, bien exécutés, renferment le récit élégant & naïf d’une action inventée, petite, plus ou moins intriguée, quoique d’une certaine proportion, mais agréable ou plaisante, dont le but est d’instruire ou d’amuser.

Il nous reste plusieurs manuscrits qui contiennent des fabliaux : il y en a dans différentes bibliotheques, & sur-tout dans celle du Roi ; mais un manuscrit des plus considérables en ce genre, est celui de la bibliotheque de saint Germain des Prés, n°. 1830. Les auteurs les moins anciens dont on y trouve les ouvrages, paroissent être du regne de S. Louis.

Ces sortes de poésies du xij. & xiij. siecles, prouvent que dans les tems de la plus grande ignorance, non-seulement on a écrit, mais qu’on a écrit en vers : le manuscrit de l’abbaye de S. Germain en contient plus de 150 mille. M. le comte de Caylus en a extrait quelques morceaux dans son mémoire sur les fabliaux, inséré au tome XX. du recueil de l’académie des Inscript. & Belles-Lettres. Cependant le meilleur des fabliaux de ce manuscrit, ainsi que ceux dont le plan est le plus exact, sont trop libres pour être cités ; & en même tems, au milieu des obscénités qu’ils renferment, on y trouve de pieuses & longues tirades de l’ancien Testament. Une telle simplicité fait-elle l’éloge de nos peres ? Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

* FABRICATION, s. f. terme d’Art méchan. c’est l’action par laquelle on exécute certains ouvrages selon les regles prescrites. Il s’applique plus fréquemment aux arts qui employent la laine, le fil, le coton, &c. qu’aux autres. On dit la fabrication d’une étoffe ; ainsi faire est plus général que fabriquer.

Fabrication, s. m. à la Monnoie, est l’exécution d’une ordonnance qui prescrit la fonte & le monnoyage d’une quantité de métal. Voyez Monnoie.

FABRICIEN, s. m. (Hist. mod.) officier ecclésiastique ou laïc, chargé du soin du temporel des églises. C’est dans les paroisses la même chose que le marguillier. Dans les chapitres, c’est un chanoine chargé des réparations de l’église, de celle des biens, fermes, &c. & de leur visite, dont il perçoit les revenus & en compte au chapitre. On le nomme en quel-