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qu’exerce le fluide sur chacune des faces des deux cubes, & qui fait équilibre avec l’action de la force comprimante sur ces mêmes faces, est égale au nombre des particules qui agissent immédiatement sur ces faces, multiplié par la force de chaque particule. Or chaque particule presse la surface contiguë avec la même force avec laquelle elle fuit la particule voisine : car ici Newton suppose que chaque particule agit seulement sur la particule la plus prochaine ; il a soin, à la vérité, d’observer en même tems que cette supposition ne pourroit avoir lieu, si l’on regardoit la force répulsive comme une loi mathématique dont l’action s’étendît à toutes les distances, comme celle de la pesanteur, sans être arrêtée par les corps intermédiaires. Car dans cette hypothèse il faudroit avoir égard à la force répulsive des particules les plus éloignées, & la force comprimante devroit être plus considérable pour produire une égale condensation ; la force avec laquelle chaque particule presse la surface du cube, est donc la force même déterminée par la loi de répulsion, & par la distance des particules entr’elles ; c’est donc cette force qu’il faut multiplier par le nombre des particules, pour avoir la pression totale sur la surface, ou la force comprimante. Or ce nombre à condensation égale seroit comme les surfaces ; à surfaces égales, il est comme les quarrés des racines cubiques du nombre des particules, ou de la quantité du fluide contenu dans chaque cube, c’est-à-dire comme les quarrés des racines cubiques des condensations ; ou, ce qui est la même chose, en raison inverse du quarré des distances des particules, puisque les distances des particules sont toûjours en raison inverse des racines cubiques des condensations. Donc la pression du fluide sur chaque face des deux cubes, ou la force comprimante, est toûjours le produit du quarré des racines cubiques des condensations, ou du quarré inverse de la distance des particules, par la fonction quelconque de la distance, à laquelle la répulsion est proportionnelle.

Donc, si la répulsion suit la raison inverse de la distance des particules, la pression suivra la raison inverse des cubes de ces distances, ou, ce qui est la même chose, la raison directe des condensations. Si la répulsion suit la raison inverse des quarrés des distances, la force comprimante suivra la raison inverse des quatriemes puissances de ces distances, ou la raison directe des quatriemes puissances des racines cubiques des condensations ; & ainsi dans toute hypothèse, en ajoûtant toûjours à l’exposant quelconque n de la distance, qui exprime la loi de répulsion, l’exposant du quarré ou le nombre 2.

Et réciproquement pour connoître la loi de la répulsion, il faut toûjours diviser la force comprimante par le quarré des racines cubiques des condensations ; ou, ce qui est la même chose, soustraire toûjours 2 de l’exposant qui exprime le rapport de la force comprimante à la racine cubique des condensations : car on aura par-là le rapport de la répulsion avec les racines cubiques des condensations, & l’on sait que la distance des centres des particules suit la raison inverse de ces racines cubiques.

D’après cette regle, il sera toûjours aisé de connoître la loi de la répulsion entre les particules d’un fluide, lorsque l’expérience aura déterminé le rapport de la condensation à la force comprimante : ainsi les particules de l’air, dont on sait que la condensation est proportionnelle au poids qui le comprime (voyez Air), se fuient avec une force qui suit la raison inverse de leurs distances.

Il y a pourtant une restriction nécessaire à mettre à cette loi : c’est qu’elle ne peut avoir lieu que dans une certaine latitude moyenne entre l’extrème compression & l’extrème expansion. L’extrème compres-

sion a pour bornes le contact, où toute proportion cesse, quoiqu’il y ait encore quelque distance entre les centres des particules. L’expansion, à la vérité, n’a point de bornes mathématiques ; mais si elle est l’effet d’une cause méchanique interposée entre les particules du fluide, & dont l’effort tend à les écarter, on ne peut guere supposer que cette cause agisse à toutes les distances ; & la plus grande distance à laquelle elle agira, sera la borne physique de l’expansibilité. Voilà donc deux points où la loi de la répulsion ne s’observe plus du tout : l’un à une distance très courte du centre des particules, & l’autre à une distance très-éloignée ; & il n’y a pas d’apparence que cette loi n’éprouve aucune irrégularité aux approches de l’un ou de l’autre de ces deux termes.

Quant à ce qui concerne le terme de la compression ; si l’attraction de cohésion a lieu dans les petites distances, comme les phénomenes donnent tout lieu de le croire (voyez Tuyaux capillaires, Réfraction de la Lumiere, Cohésion, Induration, Glace, Crystallisation des Sels, Rapports chimiques, &c.) ; il est évident au premier coup-d’œil que la loi de la répulsion doit commencer à être troublée, dès que les particules en s’approchant atteignent les limites de leur attraction mutuelle, qui agissant dans un sens contraire à la répulsion, en diminue d’abord l’effet & le détruit bientôt entierement, même avant le contact ; parce que croissant dans une proportion plus grande que l’inverse du quarré des distances, tandis que la répulsion n’augmente qu’en raison inverse des distances simples, elle doit bientôt surpasser beaucoup celle-ci. De plus, si, comme nous l’avons supposé, la répulsion est produite par une cause méchanique, interposée entre les particules, & qui fasse également effort sur les deux particules voisines pour les écarter, cet effort ne peut avoir d’autre point d’appui que la surface des particules ; les rayons, suivant lesquels son activité s’étendra, n’auront donc point un centre unique, mais ils partiront de tous les points de cette surface ; & les décroissemens de cette activité ne seront relatifs aux centres mêmes des particules, que lorsque les distances seront assez grandes pour que leur rapport, avec les dimensions des particules, soit devenu inassignable ; & lorsqu’on pourra sans erreur sensible, regarder la particule toute entiere comme un point. Or, dans la démonstration de la loi de l’expansibilité, nous n’avons jamais considéré que les distances entre les centres des particules, puisque nous avons dit qu’elles suivoient la raison inverse des racines cubiques des condensations. La loi de la répulsion, & par conséquent le rapport des condensations avec les forces comprimantes, doit donc être troublée encore par cette raison, dans le cas où la compression est poussée très-loin. Et je dirai en passant, que si l’on peut porter la condensation de l’air jusqu’à ce degré, il n’est peut-être pas impossible de former d’après cette idée des conjectures raisonnables sur la tenuité des parties de l’air, & sur les limites de leur attraction mutuelle.

Quant aux altérations que doit subir la loi de la répulsion aux approches du dernier terme de l’expansion, quelle que soit la cause qui termine l’activité des forces répulsives à un certain degré d’expansion, peut-on supposer qu’une force dont l’activité décroît suivant une progression qui par sa nature n’a point de dernier terme, cesse cependant tout-à-coup d’agir sans que cette progression ait été altérée le moins du monde dans les distances les plus voisines de cette cessation totale ? & puisque la Physique ne nous montre nulle part de pareils sauts, ne seroit-il pas bien plus dans l’analogie de penser que ce dernier terme a été préparé dès long-tems par une espece de correction à la loi