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& mal dirigées, se heurtent & s’entre-détruisent. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Etat accessoire, (Droit nat.) état moral où l’on est mis en conséquence de quelqu’acte humain, soit en naissant, ou après être né. Voyez Etat moral.

Un des premiers états accessoires, est celui de famille. Voyez Famille.

La propriété des biens, autre établissement très important, produit un second état accessoire. Voyez Propriété.

Mais il n’y a point d’état accessoire plus considérable que l’état civil, ou celui de la société civile & du gouvernement. Voyez Société civile & Gouvernement.

La propriété des biens & l’état civil ont encore donné lieu à plusieurs établissemens qui décorent la société, & d’où naissent de nouveaux états accessoires, tels que sont les emplois de ceux qui ont quelque part au gouvernement, comme des magistrats, des juges, des ministres de la religion, &c. auxquels l’on doit ajoûter les diverses professions de ceux qui cultivent les Arts, les Métiers, l’Agriculture, la Navigation, le Commerce, avec leurs dépendances, qui forment mille autres états particuliers dans la vie.

Tous les états accessoires procedent du fait des hommes ; cependant comme ces différentes modifications de l’état primitif sont un effet de la liberté, les nouvelles relations qui en résultent, peuvent être envisagées comme autant d’états naturels, pourvû que leur usage n’ait rien que de conforme à la droite raison. Mais ne confondez point les états naturels, dans le sens que je leur donne ici, avec l’état de nature. Voyez Etat de Nature. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Etat, (Droit polit.) terme générique qui désigne une société d’hommes vivant ensemble sous un gouvernement quelconque, heureux ou malheureux.

De cette maniere l’on peut définir l’état, une société civile, par laquelle une multitude d’hommes sont unis ensemble sous la dépendance d’un souverain, pour joüir par sa protection & par ses soins, de la sureté & du bonheur qui manquent dans l’état de nature.

La définition que Cicéron nous donne de l’état, revient à-peu près à la même chose, & est préférable à celle de Puffendorf, qui confond le souverain avec l’état. Voici la définition de Cicéron : Multitudo, juris consensu, & utilitatis communione sociata : « une multitude d’hommes joints ensemble par des intérêts & des lois communes, auxquelles ils se soûmettent d’un commun accord ».

On peut considérer l’état comme une personne morale, dont le souverain est la tête, & les particuliers les membres : en conséquence on attribue à cette personne certaines actions qui lui sont propres, certains droits distincts de ceux de chaque citoyen, & que chaque citoyen, ni plusieurs, ne sauroient s’arroger.

Cette union de plusieurs personnes en un seul corps, produite par le concours des volontés & des forces de chaque particulier, distingue l’état, d’une multitude : car une multitude n’est qu’un assemblage de plusieurs personnes, dont chacune a sa volonté particuliere, au lieu que l’état est une société animée par une seule ame qui en dirige tous les mouvemens d’une maniere constante, relativement à l’utilité commune. Voilà l’état heureux, l’état par excellence.

Il falloit pour former cet état, qu’une multitude d’hommes se joignissent ensemble d’une façon si particuliere, que la conservation des uns dépendit de la conservation des autres, afin qu’ils fussent dans la nécessité de s’entre-secourir ; & que par cette union de forces & d’intérêts, ils pussent aisément repousser

les insultes dont ils n’auroient pû se garantir chacun en particulier ; contenir dans le devoir ceux qui voudroient s’en écarter, & travailler plus efficacement au bien commun.

Ainsi deux choses contribuent principalement à maintenir l’état. La premiere, c’est l’engagement même, par lequel les particuliers se sont soûmis à l’empire du souverain ; engagement auquel l’autorité divine & la religion du serment ajoûtent beaucoup de poids. La seconde, c’est l’établissement d’un pouvoir supérieur, propre à contenir les méchans par la crainte des peines qu’il peut leur infliger. C’est donc de l’union des volontés, soûtenue par un pouvoir supérieur, que résulte le corps politique, ou l’état ; & sans cela on ne sauroit concevoir de société civile.

Au reste, il en est du corps politique comme du corps humain : on distingue un état sain & bien constitué, d’un état malade. Ses maladies viennent ou de l’abus du pouvoir souverain, ou de la mauvaise constitution de l’état ; & il faut en chercher la cause dans les défauts de ceux qui gouvernent, ou dans les vices du gouvernement.

Nous indiquerons ailleurs la maniere dont les états ou les société, civiles se sont formées pour subsister sous la dépendance d’une autorité souveraine. Voyez Société civile, Gouvernement, Souverain, Souveraineté ; & les différentes formes de souveraineté, connues sous les noms de République, Démocratie, Aristocratie, Monarchie, Despotisme, Tyrannie, &c. qui sont tous autant de gouvernemens divers, dont les uns consolent ou soütiennent, les autres détruisent & font fremir l’humanité. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Etats composés, (Droit politiq.) On appelle ainsi ceux qui se forment par l’union de plusieurs états simples. On peut les définir avec Puffendorf, un assemblage d’états étroitement unis par quelque lien particulier, ensorte qu’ils semblent ne faire qu’un seul corps, par rapport aux choses qui les intéressent en commun, quoique chacun d’eux conserve d’ailleurs la souveraineté pleine & entiere, indépendamment des autres.

Cet assemblage d’états se forme ou par l’union de deux ou de plusieurs états distincts, sous un seul & même roi ; comme étoient, par exemple, l’Angleterre, l’Ecosse & l’Irlande, avant l’union qui s’est faite de nos jours de l’Ecosse avec l’Angleterre ; ou bien lorsque plusieurs états indépendans se conféderent pour ne former ensemble qu’un seul corps : telles sont les Provinces-unies des Pays-bas, & les Cantons suisses.

La premiere sorte d’union peut se faire, ou à l’occasion d’un mariage, ou en vertu d’une succession, ou lorsqu’un peuple se choisit pour roi un prince qui étoit déjà souverain d’un autre royaume ; ensorte que ces divers états viennent à être réunis sous un prince qui les gouverne chacun en particulier par ses lois fondamentales.

Pour les états composés qui se forment par la confédération perpétuelle de plusieurs états, il faut remarquer que cette confédération est le seul moyen par lequel plusieurs petits états, trop foibles pour se maintenir chacun en particulier contre leurs ennemis, puissent conserver leur liberté.

Ces états confédérés s’engagent les uns envers les autres à n’exercer que d’un commun accord certaines parties de la souveraineté, sur-tout celles qui concernent leur défense mutuelle contre les ennemis du dehors ; mais chacun des confédérés retient une entiere liberté d’exercer comme il le juge à propos les parties de la souveraineté dont il n’est pas mention dans l’acte de confédération, comme devant être exercée en commun.