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l’intégrité. Il fut mis au nombre de ce qu’on appelle dans les écoles les six choses non-naturelles. Voyez Hygiène & Gymnastique.

Le moyen le plus efficace pour favoriser les excrétions, c’est sans doute le mouvement du corps opéré par l’exercice ou le travail, parce qu’il ne peut pas avoir lieu sans accélérer le cours des humeurs, sans augmenter les causes de leur fluidité & de la chaleur naturelle : d’où doit s’ensuivre une élaboration, une coction plus parfaite, qui disposent chaque humeur particuliere à se séparer du sang, à se distribuer & à couler avec plus de facilité dans ses propres conduits ; ensorte que les humeurs excrémentitielles étant portées dans leurs couloirs, & ensuite jettées hors de ces conduits ou du corps même, en quantité proportionnée au mouvement qui en a facilité la sécrétion (sur-tout celle de la transpiration insensible, par le moyen de laquelle la masse des humeurs se purifie & se décharge des ruines de tous les recrémens, de la sérosité surabondante, dégénérée, lixivielle, plus que par toute autre excrétion), l’excrétion en général se fait avec d’autant plus de regle, qu’elle a été davantage préparée par le mouvement du corps, entant qu’il a empêché ou corrigé l’épaississement vicieux que les humeurs animales, pour la plûpart, & le sang sur-tout, sont disposés naturellement à contracter, dès qu’elles sont moins agitées que la vie saine ne le requiert ; entant qu’il a déterminé tous les fluides artériels à couler plus librement du centre à la circonférence (ce qui rend aussi leur retour plus facile), d’où doit résulter un plus grand abord de la sérosité excrémentitielle vers toute l’habitude du corps où elle doit être évacuée.

Ainsi l’exercice & le travail procurent la dissipation de ce qui, au grand détriment de l’économie animale, resteroit dans le corps par le défaut de mouvement.

L’exercice contribue pareillement à favoriser l’ouvrage de la nutrition. L’observation journaliere prouve que la langueur dans le mouvement circulaire, empêche que l’application du suc nourricier des parties élémentaires ne se fasse comme il faut pour la réparation des fibres simples, qui ont perdu plus qu’elles ne peuvent recouvrer. C’est ce dont on peut se convaincre, si l’on considere ce qui arrive à l’égard de deux jeunes gens nés de mêmes parens, avec la même constitution apparente, qui embrassent deux genres de vie absolument opposés ; dont l’un s’adonne à des occupations de cabinet, à l’étude, à la méditation, mene une vie absolument sédentaire, tandis que l’autre prend un parti entierement opposé, se livre à tous les exercices du corps, à la chasse, aux travaux militaires. Quelle différence n’observe-t-on pas entre ces deux freres ? celui-ci est extrèmement robuste, résiste aux injures de l’air, supporte impunément la faim, la soif, les fatigues les plus fortes, sans que sa santé en souffre aucune altération ; il est fort comme un Hercule : le premier au contraire est d’un tempérament très-foible, d’une santé toûjours chancelante, qui succombe aux moindres peines de corps ou d’esprit ; il devient malade à tous les changemens de saison, de la température de l’air même : c’est un homme aussi délicat qu’une jeune fille valétudinaire. Cette différence dépend absolument de l’habitude contractée pour le mouvement dans l’un, & pour le repos dans l’autre.

Cependant l’exercice & le travail produisent de très-mauvais effets dans l’économie animale, lorsqu’ils sont pratiqués avec excès ; ils ne peuvent pas augmenter le mouvement circulaire du sang, sans augmenter le frotement des fluides contre les solides, & de ceux-ci entr’eux. Ces effets, dès qu’ils sont produits avec trop d’activité ou d’une maniere trop durable, disposent toutes les humeurs à l’alkalescen-

ce, à la pourriture. Lorsque quelqu’un a fait une

course violente, & assez longue pour le fatiguer beaucoup, sa transpiration, sa sueur, sont d’une odeur fétide ; l’urine qu’il rend ensuite est extrèmement rouge, puante, âcre, brûlante, par conséquent semblable à celle que l’on rend dans les maladies les plus aiguës. Le repos du corps & de l’esprit, & le sommeil, étoient les remedes que conseilloient dans ce cas les anciens medecins, dit le commentateur des aphorismes de Boerhaave.

L’exercice continu, sans être même excessif, contribue beaucoup à hâter la vieillesse, en produisant trop promptement l’oblitération des vaisseaux nourriciers, en faisant perdre leur fluidité aux humeurs plastiques qu’ils contiennent, en desséchant les fibres musculaires, en ossifiant les tuniques des gros vaisseaux : tous ces effets sont aisés à concevoir.

Ainsi les mouvemens du corps trop continués pouvant nuire aussi considérablement à l’économie animale saine, il est aisé de conclure qu’ils doivent produire le même effet, même sans être excessifs, dans le cas où il y a trop d’agitation dans le corps par cause de maladie.

L’exercice ne doit donc pas être employé comme remede dans les maladies qui sont aiguës de leur nature, ou dans celles qui deviennent telles : tant qu’elles subsistent dans cet état, où il y a toûjours trop de mouvement absolu ou respectif aux forces des malades, il ne faut pas ajoûter à ce qui est un excès.

Mais lorsque l’agitation causée par la maladie, cesse, que la convalescence s’établit ; & même dans les fievres lentes, hectiques, qui ne dépendent souvent que de legers engorgemens habituels dans les extrémités artérielles, qui forment de petites obstructions dans les visceres du bas-ventre, des tubercules peu considérables dans les poumons ; l’exercice est très-utile dans ces différens cas, pourvû que l’on en choisisse le genre convenable à la situation du malade ; qu’il soit réglé à proportion des forces, & varié suivant les besoins. Voyez dans les œuvres de Sydenham, les grands éloges qu’il donne, d’après une longue expérience dans la pratique, à l’exercice employé pour la curation de la plûpart des maladies chroniques, & particulierement à l’équitation. Voyez aussi Equitation.

Les moyens d’exercer le corps de différentes manieres, se réduisent à-peu-près aux suivans ; mais en les désignant il convient d’en distinguer les différens genres : les uns sont actifs, d’autres sont purement passifs, & d’autres mixtes. Dans les premiers le mouvement est entierement produit par les personnes qui s’exercent : dans les seconds le mouvement est entierement procuré par des causes qui agissent sur les personnes à exercer. Dans les derniers, ces personnes operent différens mouvemens de leur corps, & en reçoivent en même tems des corps sur lesquels ils sont portés.

Parmi les exercices du premier genre, il y en a qui sont propres à exercer toutes les parties du corps, comme les jeux de paume, du volant, du billard, de la boule, du palet ; la chasse, l’action de faire des armes, de sauter par amusement. Dans tous ces exercices on met en mouvement tous les membres ; on marche, on agit des bras ; on plie, on tourne le tronc, la tête en différens sens ; on parle avec plus ou moins de véhémence ; on crie quelquefois, &c. Il y en a qui ne mettent en action que quelques parties du corps seulement, comme la promenade, l’action de voyager à pié, de courir, qui exercent principalement les extrémités inférieures ; l’action de ramer, de joüer du violon, d’autres instrumens à corde, qui mettent en action les muscles des extrémités supérieures ; les différens exercices de la voix & de la respiration, qui renferment l’action de parler beaucoup, de déclamer, de chanter, de joüer des diffé-