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ferme sans qu’il y ait lieu de rien répéter dans la suite ; à la différence de l’exécution provisoire qui peut être révoquée par le jugement définitif. Mais si ce jugement confirme ce qui avoit été ordonné par provision, on ordonne en ce cas que l’exécution provisoire demeurera définitive, c’est-à-dire qu’elle demeurera sans retour. (A)

Exécution des Jugemens, voyez Jugemens.

Exécution de Meubles, voyez Gagerie, Saisie & Exécution, Saisie gagerie.

Exécution parée, parata executio, c’est-à-dire celle qui est toute prête, & que l’on peut faire en vertu de l’acte tel qu’il est, sans avoir besoin d’autre formalité ni d’autre titre.

En vertu d’un titre qui emporte exécution parée, on peut faire un commandement, & ensuite saisir & exécuter, saisir réellement.

Ces contrats & jugemens qui sont en forme exécutoire emportent exécution parée contre l’obligé ou le condamné ; mais ils n’ont pas d’exécution parée contre leurs héritiers légataires, biens tenans, & autres ayant cause, qu’on n’ait fait déclarer ce titre exécutoire contre eux. C’est pourquoi on dit ordinairement que le mort exécute le vif, mais que le vif n’exécute pas le mort.

L’usage est pourtant contraire en Normandie, suivant l’art. 129 du reglement de 1666. Voyez le recueil de quest. de M. Bretonnier, avec les additions au mot grosse de contrat. (A)

Exécution provisoire, est celle qui est faite par provision seulement, en vertu d’un jugement provisoire, & en attendant le jugement définitif. Voyez ce qui est dit ci-dessus à l’article . (A)

Exécution-Saisie, voyez Saisie.

Exécution testamentaire, c’est l’accomplissement qui est fait par l’exécuteur testamentaire des dernieres volontés d’un défunt portées par son testament ou codicille. Voyez ce qui est dit ci-dessus à l’article Exécuteur testamentaire. (A)

Exécution tortionnaire, Voyez Saisie tortionnaire.

Exécution militaire, c’est le massacre d’une ville ou le ravage d’un pays, qu’on permet à des soldats lorsque la ville ou le pays ont refusé de payer les contributions. Voyez Contribution. (Q)

Exécution, s. f. (Opera) on se sert de ce terme pour exprimer la façon dont la musique vocale & instrumentale sont rendues. Il est difficile de bien connoître une composition musicale de quelque espece qu’elle soit, si on n’en a pas entendu l’exécution. C’est de cet ensemble que dépend principalement l’impression de plaisir, ou d’ennui. La meilleure composition en musique paroît desagréable, insipide, & même fatigante, avec une mauvaise exécution.

En 1669 l’abbé Perrin & Cambert rassemblerent tout ce qu’ils pûrent trouver de musiciens à Paris, & ils firent venir des voix du Languedoc pour former l’établissement de l’opera. Lulli qui par la prévoyance de M. Colbert, fut bientôt mis à leur place, se servit de ce qu’il avoit sous sa main. Le chant & l’orchestre étoient dans ces commencemens ce que sont tous les Arts à leur naissance. L’opera italien avoit donné l’idée de l’opera françois : Lulli qui étoit Florentin, étoit musicien comme l’étoient de son tems les célebres compositeurs de delà les monts, & il ne pouvoit pas l’être davantage. Les exécutans qui lui auroient été nécessaires, s’il l’avoit été plus, étoient encore loin de naître. Ses compositions furent donc en proportion de la bonne musique de son tems, & de la force de ceux qui devoient les exécuter.

Comme il avoit beaucoup de génie & de goût,

l’art sous ses yeux, & par ses soins, faisoit toûjours quelques progrès ; & à mesure qu’il le voyoit avancer, son génie aussi faisoit de nouvelles découvertes, & créoit des choses plus hardies. Despotique sur son théatre & dans son orchestre, il récompensoit les efforts, & punissoit à son gré le défaut d’attention & de travail. Tout plioit sous lui : il prenoit le violon des mains d’un exécutant qu’il trouvoit en faute, & le lui cassoit sur la tête sans que personne osât se plaindre ni murmurer.

Ainsi l’exécution de son tems fut poussée aussi loin qu’on devoit naturellement l’attendre ; & la distance étoit immense de l’état où il trouva l’orchestre & le chant, à l’état où il les laissa.

Cependant ce que nous nommons très-improprement le récitatif (voyez Récitatif), fut la seule partie de l’exécution qu’il porta & qu’il pouvoit porter jusqu’à une certaine perfection ; il forma à son gré les sujets qu’il avoit, dans un genre que personne ne pouvoit connoître mieux que lui ; & comme il avoit d’abord saisi une sorte de déclamation chantante qui étoit propre au genre & à la langue, il lui fut loisible de rendre suffisante pour son tems l’exécution de cette partie, sur un théatre dont il étoit le maître absolu, & avec des sujets qu’il avoit formés, qui tenoient tout de lui, & dont il étoit à la fois le créateur & l’oracle suprème.

Mais l’exécution de la partie instrumentale & du chant devoit s’étendre dans la suite aussi loin que pouvoit aller l’art lui-même ; & cet art susceptible de combinaisons à l’infini, ne faisoit alors que de naître. Par conséquent l’orchestre de Lulli, quoiqu’aussi bon qu’il fût possible, n’étoit encore lorsqu’il mourut qu’aux premiers élémens. On a beau quelquefois sur cet article employer la charlatanerie pour persuader le contraire, tout le monde sait que du vivant de Lulli, les violons avoient besoin de recourir à des sourdines pour adoucir dans certaines occasions ; il leur falloit trente répétitions, & une étude pénible, pour joüer passablement des morceaux qui paroissent aujourd’hui aux plus foibles écoliers sans aucune difficulté. Voyez Orchestre.

Qu’on ne m’oppose point les sourdines dont on se sert quelquefois dans les orchestres d’Italie. Ce n’est point pour faire les doux qu’on y a recours. C’est pour produire un changement de son, qui fait tableau dans certaines circonstances, comme lorsqu’on veut peindre l’horreur d’un cachot sombre, d’une caverne obscure, &c.

De même le chant brillant, leger, de tableau, de grande force, les chœurs de divers desseins, & à plusieurs parties enchaînées les unes aux autres, qui produisent de si agréables effets, ces duo, ces trio savans & harmonieux, ces ariettes qui ont presque tout le saillant des grands aria d’Italie, sans avoir peut-être aucuns des défauts qu’on peut quelquefois leur reprocher ; toutes ces différentes parties enfin de la musique vocale trouvées de nos jours, ne pouvoient venir dans l’esprit d’un compositeur qui connoissoit la foiblesse de ses sujets. Le récitatif d’ailleurs, la grande scene suffisoit alors à la nation à laquelle Lulli devoit plaire. Les poëmes immortels de Quinault étoient tous coupés pour la déclamation : la cour & la ville étoient contentes de ce genre ; elles n’avoient ni ne pouvoient avoir l’idée d’un autre.

L’art s’est depuis développé : les progrès qu’il a faits en France sont en proportion avec ceux qu’il a faits en Italie, où l’on a naturellement une plus grande aptitude à la musique ; & comme les compositions de Pergolese, de Hendel, de Leo, &c. sont infiniment au-dessus de celles du Carissimi, de Corelli, &c. de même celles de nos bons maîtres françois d’aujourd’hui sont fort supérieures à celles qu’on