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obligé d’éviter dès qu’on sait qu’ils ont commis ce crime ; au lieu que le concile de Bâle veut qu’on évite tous ceux qui sont excommuniés notoires, quoiqu’ils n’ayent pas été publiquement dénoncés. Cet article du concile de Bâle a été inséré dans la pragmatique sans aucune modification, & repété mot pour mot dans le concordat. Cependant on a toûjours observé en France de n’obliger d’éviter les excommuniés que quand ils ont été nommément dénoncés, même par rapport à ceux dont l’excommunication est connue de tout le monde, comme celle des personnes qui font profession d’hérésie. Voyez Concordat & Pragmatique.

Avant que de dénoncer excommunié celui qui a encouru une excommunication latæ sententiæ, il faut le citer devant le juge ecclésiastique, afin d’examiner le crime qui a donné lieu à l’excommunication, & d’examiner s’il n’y auroit pas quelque moyen légitime de défense à proposer. Au reste, ceux qui communiquent avec un excommunié dénoncé, soit pour le spirituel, soit pour le temporel, n’encourent qu’une excommunication mineure.

Dès qu’un excommunié dénoncé entre dans l’Eglise, on doit faire cesser l’office divin ; en cas que l’excommunié ne veuille pas sortir, le prêtre doit même abandonner l’autel ; cependant s’il avoit commencé le canon, il devroit continuer la sacrifice jusqu’à la communion inclusivement, après laquelle il doit se retirer à la sacristie pour y réciter le reste des prieres de la messe : tous les canonistes conviennent qu’on doit en user ainsi.

Dans la primitive Eglise, la forme d’excommunication étoit fort simple : les évêques dénonçoient aux fideles les noms des excommuniés, & leur interdisoient tout commerce avec eux. Vers le jx. siecle, on accompagna la fulmination de l’excommunication d’un appareil propre à inspirer la terreur : douze prêtres tenoient chacun une lampe à la main, qu’ils jettoient à terre & fouloient aux piés : après que l’évêque avoit prononcé l’excommunication, on sonnoit une cloche, & l’évêque & les prêtres proféroient des anathèmes & des malédictions. Ces cérémonies ne sont plus guere en usage qu’à Rome, ou tous les ans le jeudi-saint, dans la publication de la bulle in cæna Domini (voyez Bulle), l’on éteint & l’on brise un cierge : mais l’excommunication en soi n’est pas moins terrible & n’a pas moins d’effet, soit qu’on observe ou qu’on omette ces formalités.

L’absolution de l’excommunication étoit anciennement réservée aux évêques : maintenant il y a des excommunications dont les prêtres peuvent relever : il y en a de réservées aux évêques, d’autres au pape. L’absolution du moins solennelle de l’excommunication est aussi accompagnée de cérémonies. Lorsqu’on s’est assûré des dispositions du pénitent, l’évêque à la porte de l’église, accompagné de douze prêtres en surplis, six à sa droite & six à sa gauche, lui demande s’il veut subir la pénitence ordonnée par les canons, pour les crimes qu’il a commis ; il demande pardon, confesse sa faute, implore la pénitence, & promet de ne plus tomber dans le desordre : ensuite l’évêque assis & couvert de sa mitre récite les sept pseaumes avec les prêtres, & donne de tems en tems des coups de verge ou de baguette à l’excommunié, puis il prononce la formule d’absolution qui a été déprécative jusqu’au xiij. siecle, & qui depuis ce tems là est impérative ou conçue en forme de sentence ; enfin il prononce deux oraisons particulieres, qui tendent à rétablir le pénitent dans la possession des biens spirituels dont il avoit été privé par l’excommunication. A l’égard des coups de verges sur le pénitent, le pontifical qui prescrit cette cérémonie, comme d’usage à Rome, avertit qu’elle n’est pas reçue par-tout, & ce fait est justifié par plusieurs rituels

des églises de France, tels que celui de Troyes en 1660, & celui de Toul en 1700.

Lorsqu’un excommunié a donné avant sa mort des signes sinceres de repentir, on peut lui donner après sa mort l’absolution des censures qu’il avoit encourues.

Comme un excommunié ne peut ester en jugement, on lui accorde une absolution indicielle ou absolutio ad cautelam, pour qu’il puisse librement poursuivre une affaire en justice : cette exception n’est pourtant pas reçue en France dans les tribunaux séculiers. C’est à celui qui a prononcé l’excommunication, ou à son successeur, qu’il appartient d’en donner l’absolution. Sur toute cette matiere de l’excommunication, on peut consulter le pere Morin, de pœnit. Eveillon, traité des censures ; M. Dupin, de antiq. eccles. discipl. dissert. de excomm. l’excellent ouvrage de M. Gibert, intitulé, usage de l’église gallicane, contenant les censures ; les lois ecclésiast. de France, par M. d’Héricourt, premiere part. chap. xxij. & le nouvel abregé des mémoires du clergé, au mot censures. (G)

Lisez aussi le traité des excommunications, par Collet, Dijon 1689, in-12. & qui a été réimprimé depuis à Paris. Cette matiere est digne de l’attention des souverains, des sages, & des citoyens. On ne peut trop refléchir sur les effets qu’ont produit les foudres de l’excommunication, quand elles ont trouvé dans un état des matieres combustibles, quand les raisons politiques les ont mises en œuvre, & quand la superstition des tems les ont souffertes. Grégoire V. en 998, excommunia le roi Robert, pour avoir épousé sa parente au quatrieme degré ; mariage en soi légitime, & des plus nécessaires au bien de l’état. Tous les évêques qui eurent part à ce mariage, allerent à Rome faire satisfaction au pape : les peuples, les courtisans mêmes se séparerent du roi ; & les personnes qui furent obligées de le servir, purifierent par le feu, toutes les choses qu’il avoit touchées.

Peu d’années après en 1092, Urbain II. excommunia Philippe I. petit-fils de Robert, pour avoir quitté sa parente. Ce dernier prononça sa sentence d’excommunication dans les propres états du roi, à Clermont en Auvergne, où sa sainteté venoit chercher un asyle ; dans ce même concile où elle prêcha la croisade, & où pour la premiere fois le nom de pape fut donné au chef de l’Eglise, à l’exclusion des évêques qui le prenoient auparavant. Tant d’autres monumens historiques, que fournissent les siecles passés sur les excommunications, & les interdits des royaumes, ne seroient cependant qu’une connoissance bien stérile, si on n’en chargeoit que sa mémoire. Mais il faut envisager de pareils faits d’un œil philosophique, comme des principes qui doivent nous éclairer, & pour me servir des termes de M. d’Alembert, comme des recueils d’expériences morales faites sur le genre humain. C’est de ce côté là que l’histoire devient une science utile & précieuse. Voy. Histoire. Addition de M. le Chevalier de Jaucourt.

EXCOMPTE ou ESCOMPTE, s. m. pecuniæ remissio, (Jurisp.) est la remise que fait le porteur d’une lettre ou billet de change d’une partie de la dette, lorsqu’il en demande le payement avant l’échéance, ou que la dette est douteuse & difficile à exiger. L’excompte differe du change en ce que celui-ci se paye d’avance, au lieu que l’escompte se paye à mesure que l’on s’acquitte : l’escompte est souvent un détour que l’on prend pour colorer l’usure.

On appelle aussi excompte dans le Commerce, lorsqu’un marchand prend de la marchandise à crédit pour trois, six, neuf, douze ou quinze mois, à la charge d’en faire l’excompte à chaque payement, c’est-à-dire de rabattre sur le billet deux & demi pour cent, qui tiennent lieu d’intérêt, à-proportion qu’il paye.