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Utile, lex, humile, res ignorata, necesse.


qui signifie que la défense n’a point de lieu entre le mari & la femme, entre les parens, entre les sujets & le prince ; & qu’on peut communiquer avec un excommunié si l’on ignore qu’il le soit, ou qu’il y ait lieu d’espérer qu’en conversant avec lui, on pourra le convertir ; ou enfin quand les devoirs de la vie civile ou la nécessité l’exigent. C’est ainsi que François premier communiqua toûjours avec Henri VIII. pendant plus de dix ans, quoique ce dernier souverain eût été solennellement excommunié par Clément VII.

De-là le concile de Paris, en 829, confirme une ordonnance de Justinien, qui défend d’excommunier quelqu’un avant de prouver qu’il est dans le cas où, selon les canons, on est en droit de procéder contre lui par excommunication. Les troisieme & quatrieme conciles de Latran & le premier concile de Lyon, en 1245, renouvellent & étendent ces reglemens. Selon le concile de Trente, sess. 25. c. iij. de reform. l’excommunication ne peut être mise en usage qu’avec beaucoup de circonspection, lorsque la qualité du délit l’exige, & après deux monitions. Les conciles de Bourges en 1584, de Bordeaux en 1583, d’Aix en 1585, de Toulouse en 1590, & de Narbonne en 1609, confirment & renouvellent le decret du concile de Trente, & ajoûtent qu’il ne faut avoir recours aux censures, qu’après avoir tenté inutilement tous les autres moyens. Enfin la chambre ecclésiastique des états de 1614, défend aux évêques ou à leurs officiaux, d’octroyer monitions ou excommunications, sinon en matiere grave & de conséquence. Mém. du clergé, tom. VII. pag. 990. & suiv. 1107. & suiv.

Le cas de l’excommunication contre le prince pourroit avoir lieu dans le fait, & jamais dans le droit ; car par la Jurisprudence reçûe dans le royaume, & même par le clergé, les excommunications que les papes décernent contre les rois & les souverains, ainsi que les bulles qui les prononcent, sont rejettées en France comme nulles. Mém. du clergé, tom. VI. pag. 998. & 1005.

Elles n’auroient par conséquent nul effet, quant au temporel. C’est la doctrine du clergé de France, assemblé en 1682, qui dans le premier de ses quatre fameux articles, déclara que les princes & les rois ne peuvent être, par le pouvoir des clés, directement ou indirectement déposés, ni leurs sujets déliés du serment de fidélité. Doctrine adoptée par tout le clergé de France, & par la faculté de Théologie de Paris. Libert. de l’église gallic. art. 15.

« On ne peut excommunier les officiers du roi, dit M. d’Héricourt, lois ecclésiast. de France, part. I. ch. xxij. art. 27. pour tout ce qui regarde les fonctions de leurs charges. Si les juges ecclésiastiques contreviennent à cette loi, on procede contre eux par saisie de leur temporel. Le seul moyen qu’ils puissent prendre, s’ils se trouvent lésés par les juges royaux inférieurs, c’est de se pourvoir au parlement ; si c’est le parlement dont les ecclésiastiques croyent avoir quelque sujet de se plaindre, ils doivent s’adresser au roi ; ce qui n’auroit point de lieu, si un juge royal entreprenoit de connoître des choses de la foi, ou des matieres purement spirituelles, dont la connoissance est reservée en France aux tribunaux ecclésiastiques : car dans ce cas les juges d’église sont les vengeurs de leur jurisdiction, & peuvent se servir des armes que l’Eglise leur met entre les mains ».

Comme nous ne nous proposons pas de donner ici un traité complet de l’excommunication, nous nous contenterons de rapporter les principes les plus généraux, les plus sûrs, & les plus conformes aux usages du royaume sur cette matiere.

Lorsque dans une loi ou dans un jugement ecclésiastique on prononce la peine de l’excommunication, la loi ou le jugement doivent s’entendre de l’excommunication majeure qui retranche de la communion des fideles.

L’excommunication est prononcée ou par la loi qui déclare que quiconque contreviendra à ses dispositions, encourra de plein droit la peine de l’excommunication, sans qu’il soit besoin qu’elle soit prononcée par le juge ; ou elle est prononcée par une sentence du juge. Les canonistes appellent la premiere excommunication, latæ sententiæ ; & la seconde, excommunication ferendæ sententiæ. Il faut néanmoins observer que comme on doit toûjours restraindre les lois pénales, l’excommunication n’est point encourue de plein droit, à moins que la loi ou le canon ne s’exprime sur ce sujet d’une maniere si précise, que l’on ne puisse douter que l’intention du législateur n’ait été de soûmettre par le seul fait à l’excommunication ceux qui contreviendront à la loi.

Les excommunications prononcées par la loi, n’exigent point de monitions préalables ou monitoires ; mais les excommunications à prononcer par le juge, en exigent trois, faites dans des intervalles convenables. Voyez Monitoire.

On peut attaquer une excommunication, ou comme injuste, ou comme nulle : comme injuste, quand elle est prononcée pour un crime dont on est innocent, ou pour un sujet si leger, qu’il ne mérite pas une peine si grave : comme nulle, quand elle a été prononcée par un juge incompétent, pour des affaires dont il ne devoit pas prendre connoissance, & quand on a manqué à observer les formalités prescrites par les canons & les ordonnances. Néanmoins l’excommunication, même injuste, est toûjours à craindre ; & dans le for extérieur, l’excommunié doit se conduire comme si l’excommunication étoit légitime.

Le premier effet de l’excommunication est que l’excommunié est séparé du corps de l’Eglise, & qu’il n’a plus de part à la communion des fideles. Les suites de cette séparation sont que l’excommunié ne peut ni recevoir ni administrer les sacremens, ni même recevoir après sa mort la sépulture ecclésiastique, être pourvû de bénéfices pendant sa vie ou en conférer, ni être élû pour les dignités, ni exercer la jurisdiction ecclésiastique. On ne peut même prier pour lui dans les prieres publiques de l’Eglise : & de-là vient qu’autrefois on retranchoit des dyptiques les noms des excommuniés. Voy. Dyptiques. Il est même défendu aux fideles d’avoir aucun commerce avec les excommuniés : mais comme le grand nombre des excommunications encourues par le seul fait avoient rendu très-difficile l’exécution des canons qui défendent de communiquer avec des excommuniés, le pape Martin V. fit dans le concile de Constance une constitution qui porte, qu’on ne sera obligé d’éviter ceux qui sont excommuniés par le droit, ou par une sentence du juge, qu’après que l’excommunication aura été publiée, & que l’excommunié aura été dénoncé nommément. On n’excepte de cette regle que ceux qui sont tombés dans l’excommunication pour avoir frappé un clerc, quand le fait est si notoire qu’on ne peut le dissimuler, ni le pallier par aucune excuse quelque qu’elle puisse être. La dénonciation des excommuniés nommément, doit se faire à la messe paroissiale pendant plusieurs dimanches consécutifs ; & les sentences d’excommunication doivent être affichées aux portes des églises, afin que ceux qui ont encouru cette peine soient connus de tout le monde. Depuis la bulle de Martin V. le concile de Bâle renouvella ce decret, avec cette différence que, suivant la bulle de Martin V. on n’excepte de la loi, pour la dénonciation des excommuniés, que ceux qui ont frappé notoirement un clerc, qu’on est