L’Encyclopédie/1re édition/MONITOIRE

◄  MONITION

MONITOIRE, subst. & adj. (Jurisp.) sont des lettres qui s’obtiennent du juge d’Église, & que l’on publie-au prône des paroisses, pour obliger les fideles de venir déposer ce qu’ils savent des faits qui y sont contenus, & ce sous peine d’excommunication. L’objet de ces sortes de lettres est de découvrir ceux qui sont les auteurs de crimes qui ont été commis secretement.

L’usage des monitoires est fort ancien dans l’Église. En effet, nous trouvons dans le titre, de testibus cogendis, divers decrets par lesquels il est ordonné que l’on contraindra, par des censures, des témoins à déposer dans des matieres criminelles. Dans le chapitre, cum contrà, Innocent III. mande à un archidiacre de Milan, qu’il emploie des censures pour obliger des témoins à rendre témoignage contre un homme qui avoit falsifié des lettres apostoliques. Clément III. dans le chapitre per emit. ij. ordonne pareillement qu’on usera de censures pour avoir preuve des injures atroces qui avoient été faites à des clercs par des laïques. Honoré III. en use de même dans le dernier chapitre de ce titre, pour découvrir les auteurs d’une conjuration d’une ville contre leur prélat.

Le concile de Basle, tit. xxj. de excommunicatis, & xxij. de interdictis, reçu & autorisé par la pragmatique sanction, de même que le concile de Trente, sess. xxv. chap. xxiij. marquent le tems, la maniere & la retenue avec laquelle on doit user des monitoires, & des censures qui y sont employées.

Les monitoires ne peuvent être accordés que par les évêques, leurs grands-vicaires, ou leurs officiaux ; & pour l’obtention de ces monitoires on est obligé de garder l’ordre des jurisdictions ecclésiastiques ; de maniere que l’on ne peut s’adresser pour cet effet au pape, sinon dans le cas où l’appel lui est dévolu.

Autrefois les papes donnoient des lettres monitoriales ou lettres de monitoires qu’on appelloit de significavit, parce qu’elles commençoient par ces mots, significavit nobis dilectus filius. Le pape mandoit à l’évêque diocésain d’excommunier ceux qui ayant connoissance des faits expliqués par l’impétrant, ne viendroient pas les révéler. Les officiers de la cour de Rome s’étoient aussi mis en possession d’accorder à des créanciers des monitoires ou excommunications, avec la clause satisfactoire qu’on appelloit de nisi, par lesquelles le pape excommunioit leurs débiteurs, s’ils ne les satisfaisoient pas dans le tems marqué par le monitoire ; mais les parlemens ont déclaré tous ces monitoires abusifs, non seulement parce que l’absolution de l’excommunication y est réservée au pape, mais encore parce qu’ils donnent au pape un degré de jurisdiction, omisso medio : ils sont d’ailleurs abusifs en ce qu’ils attribuent au juge d’Église la connoissance des affaires temporelles, & qu’ils n’ordonnent qu’une seule monition.

Le juge d’Église ne peut faire publier aucun monitoire sans la permission du juge séculier dans le district duquel il est établi.

Les monitoires ne peuvent être décernés que pour des matieres graves ; & quand on a de la peine à découvrir par une autre voie les faits dont on cherche à s’éclaircir.

Quand le juge séculier a permis d’obtenir monitoire, l’official est obligé de l’accorder à peine de saisie de son temporel, sans qu’il lui soit permis d’entrer dans l’examen des raisons qui ont déterminé le juge à donner cette permission.

Les officiaux sont même tenus, en cas de duel, de décerner des monitoires sur la simple réquisition des procureurs-généraux ou de leurs substituts sur les lieux, sans attendre l’ordonnance du juge.

Ceux qui forment opposition à la publication des monitoires, doivent élire domicile dans le lieu de la jurisdiction du juge qui a permis d’obtenir le monitoire, afin qu’on puisse les assigner à ce domicile.

Les moyens d’opposition sont ordinairement que la cause est trop légere, ou que celui qui a obtenu monitoire n’étoit pas partie capable.

Les jugemens qui interviennent sur ces oppositions sont exécutoires, nonobstant opposition ou appel ; & l’on ne donne point de defenses que sur le vû des informations.

L’appel de ces jugemens va devant le juge supérieur, excepté quand l’appel est qualifié comme d’abus, auquel cas il est porté au parlement.

Les monitoires ne doivent contenir d’autres faits que ceux compris dans le jugement qui a permis de les obtenir, à peine de nullité : on ne doit y désigner personne, car ce seroit une diffamation.

Les curés & vicaires doivent publier les monitoires à la messe paroissiale, sur la premiere réquisition qui leur en est faite, à peine de saisie de leur temporel ; en cas de refus, le juge royal peut commettre un autre prêtre pour faire cette publication.

Les révélations reçues par les curés ou vicaires, doivent être envoyées par eux au greffe de la jurisdiction où le procès est pendant.

Quand le monitoire a été publié, ceux qui ont connoissance du fait doivent le révéler, autrement ils sont excommuniés par le seul fait. Il en faut néanmoins excepter ceux qui ne peuvent pas rendre témoignage, comme les parens jusqu’au quatrieme degré inclusivement ; ceux qui ont commis le crime ; le prêtre qui les a entendus en confession ; enfin l’avocat ou le procureur auxquels l’accusé s’est adressé pour prendre conseil.

Avant de prononcer l’excommunication contre ceux que le monitoire regarde, on doit leur faire les trois monitions canoniques.

Quand l’excommunication est lancée, on publie aussi quelquefois d’autres monitoires pour l’aggrave & le réaggrave, qui étendent les effets extérieurs de l’excommunication.

Voyez aux decrétales le titre de testibus cogendis vel non, les Lois ecclésiastiques, les Mémoires du clergé, la Jurisdict. ecclés. de Ducasse, & le Recueil de l’officialité, de Décombes. (A)