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une réunion dont Théodoret a raconté les circonstances. Dict. de Trév. & Chambers. (G)

Eustathiens, est aussi le nom donné à des hérétiques qui s’éleverent dans le quatrieme siecle, & qui tirerent leur nom d’un moine appellé Eustathius, si follement entêté de son état, qu’il condamnoit tous les autres états de vie. Baronius croit que c’est le même qu’un moine d’Arménie que S. Epiphane appelle Eutactus.

Les erreurs & les pratiques de cet hérésiarque que Socrate, Sozomene, & M. Fleury sur leur autorité, ont confondu avec Eustathe, évêque de Sébaste, qui vivoit aussi dans le quatrieme siecle, sont rapportées à ces chefs par les peres du concile de Gangres en Paphlagonie, tenu l’an 376. Eustathe & ses sectateurs y sont accusés ; 1°. de condamner le mariage, & de séparer les femmes d’avec leurs maris ; 2°. de quitter les assemblées publiques de l’Eglise, pour en tenir de particulieres ; 3°. de se reserver les oblations à eux seuls ; 4°. de séparer les serviteurs de leurs maîtres & les enfans de leurs parens, sous prétexte de leur faire mener une vie plus austere ; 5°. de permettre aux femmes de s’habiller en hommes ; 6°. de mépriser les jeûnes de l’Eglise, & d’en pratiquer d’autres à leur fantaisie, même le jour du dimanche ; 7°. de croire qu’il étoit défendu en tout tems de manger de la viande ; 8°. de rejetter les oblations des prêtres mariés ; 9°. de mépriser les chapelles bâties en l’honneur des martyrs, leurs tombeaux, & les assemblées pieuses qu’y tenoient les fideles ; 10°. de soûtenir qu’on ne peut être sauvé sans renoncer effectivement à la possession de tous ses biens. Le concile fit contre ces erreurs & superstitions, vingt canons qui ont été insérés dans le code des canons de l’Eglise universelle. Dupin, Bibliot. des auteurs ecclésiast. du quatrieme siecle. Fleury, Hist. ecclésiast. tom. IV. liv. XVII. tit. xxxv. (G)

EUSTYLE, s. m. (Architect.) est une espece d’édifice dont les colonnes sont placées à la distance la plus convenable l’une de l’autre ; l’intervalle entre les deux colonnes étant précisément deux diametres & un quart d’une colonne, excepté celles qui sont dans le milieu des faces devant & derriere, qui sont éloignées les unes des autres de trois diametres.

Ce mot est grec & composé de εὖ, benè, bien, & de στύλος, colonne.

L’eustyle tient le milieu entre le picnostyle & l’aréostyle. Voyez Picnostyle, &c.

Vitruve, liv. III. chap. ij. observe que l’eustyle est de toutes les manieres de placer les colonnes celle qu’on approuve le plus, & qu’elle surpasse toutes les autres en commodité, en beauté, & en force. Voy. le Dictionn. de Trév. & Chambers. (P)

EUSUGAGUEN, (Géog. mod.) ville de la province d’Héa, au royaume de Maroc, en Afrique.

* EUTERPE, s. f. (Mythol.) celle des muses qui présidoit aux instrumens à vent ; on la représentoit couronnée de fleurs, joüant de la double flûte, & ayant l’amour à ses genoux. On lui attribue l’invention de la tragédie ; & en conséquence, on ajoûte à ses attributs un masque & une massue.

EUTHANASIE, s. f. (Théol.) mort heureuse, ou passage doux & tranquille, sans douleur, de ce monde en l’autre. Voyez Mort.

Ce mot est formé du grec εὖ, benè, bien, & de θάνατος, mort. (G)

* EUTHENIE, s. f. (Mythol.) c’est ainsi que les Grecs appelloient l’abondance qu’ils avoient divinisée, mais qui n’eut jamais chez eux ni de temple ni d’autel.

EUTIM, (Géog. mod.) ville du Holstein en Allemagne.

EUTYCHIENS, s. m. pl. (Hist. ecclés.) hérétiques qui refusoient d’admettre deux natures en Jesus-Christ,

& qui tirerent leur nom d’Eutychès, archimandrite

ou abbé d’un monastere célebre de Constantinople, & qui vivoit dans le cinquieme siecle.

L’aversion qu’Eutychès avoit pour le Nestorianisme le précipita dans un excès opposé & non moins dangereux. On croit que quelques passages de S. Cyrille d’Alexandrie, qui soûtint vivement l’unité de personne contre Nestorius, engagerent Eutychès à soûtenir l’unité de nature ; mais ces passages bien entendus ne lui sont nullement favorables, comme on peut voir dans M. Witasse. Traité de l’incarnation, part. II. quæst. vj. art. 1. sect. 3.

Cet hérésiarque soûtint d’abord que le Verbe, en descendant du ciel, avoit apporté son corps qui n’avoit fait que passer dans celui de la sainte Vierge, comme par un canal ; ce qui approchoit de l’hérésie d’Apollinaire. Mais il retracta cette proposition dans le synode de Constantinople, où sa doctrine fut d’abord condamnée par Flavien : mais on ne put le faire convenir que le corps de Jesus-Christ fût de même substance que les nôtres ; au contraire, il paroît qu’il n’en admettoit qu’un phantastique, comme les Valentiniens & les Marcionites. Il n’étoit pas ferme & conséquent dans ses opinions, car il sembla qu’il reconnoissoit en Jesus-Christ deux natures, même avant l’union hypostatique ; conséquence qu’il tiroit apparemment des principes de la philosophie de Platon, qui suppose la préexistence des ames : aussi Eutychès croyoit-il que l’ame de Jesus-Christ avoit été unie à la divinité avant l’incarnation. Mais il ne voulut jamais admettre de distinction de natures en Jesus-Christ après l’incarnation, disant que la nature humaine avoit été alors absorbée par la nature divine, comme une goutte de miel qui tombant dans la mer ne périroit pas, mais seroit engloutie. Voyez la dissertation du pere Hardoüin de sacramento altaris, dans laquelle cet auteur développe très-nettement tous les sentimens des Eutychiens.

Quoique cette hérésie eût été condamnée dans le synode qui fut tenu à Constantinople en 448, & dont nous avons déjà parlé, Eutychès ne laissa pas que de trouver des partisans & des défenseurs : soûtenu du crédit de Chrysaphe, premier eunuque du palais impérial, de l’activité de Dioscore son ami, patriarche d’Alexandrie, & des fureurs d’un archimandrite syrien nommé Barsumas, il fit convoquer en 449 un concile à Ephese, qui n’est connu dans l’Histoire que sous le nom de brigandage, à cause des violences qu’y exercerent les Eutychiens, dont le chef y fut justifié ; mais son erreur fut examinée de nouveau & anathématisée dans le concile général de Chalcédoine tenu en 451 : les légats du pape S. Léon qui y assisterent, soûtinrent que ce n’étoit point assez de définir qu’il y a deux natures en Jesus-Christ ; mais ils insisterent fortement à ce que, pour ôter tout équivoque, on ajoûtât ces mots, sans être changées, confondues, ni divisées.

Mais cette décision du concile de Chalcédoine, quoiqu’elle fût l’ouvrage de plus de cinq à six cents évêques, n’arrêta pas les progrès de l’Eutychianisme : quelques évêques d’Egypte qui avoient assisté à ce concile, publierent ouvertement à leur retour, que S. Cyrille y avoit été condamné & Nestorius absous ; ce qui causa de grands desordres : plusieurs, par attachement à la doctrine de S. Cyrille, refusoient de se soûmettre aux decrets du concile de Chalcédoine, qu’ils y croyoient faussement opposés.

Cette hérésie qui fit de grands ravages dans tout l’Orient, se divisa à la longue en plusieurs branches. Nicéphore n’en compte pas moins de 12 ; les uns étoient appellés schematici ou apparentes, parce qu’ils attribuoient à Jesus-Christ un corps phantastique ; d’autres Théodosiens, du nom de Théodose, évêque d’Alexan-