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l’auteur de l’esprit des lois, elle est parvenue à un si haut degré de puissance, que l’histoire n’a presque rien à lui comparer là-dessus, si l’on considere l’immensité des dépenses, la grandeur des engagemens, le nombre des troupes, & la continuité de leur entretien, même lorsqu’elles sont le plus inutiles & qu’on ne les a que pour l’ostentation.

D’ailleurs il importe peu que l’Europe soit la plus petite des quatre parties du monde par l’étendue de son terrein, puisqu’elle est la plus considérable de toutes par son commerce, par sa navigation, par sa fertilité, par les lumieres & l’industrie de ses peuples, par la connoissance des Arts, des Sciences, des Métiers, & ce qui est le plus important, par le Christianisme, dont la morale bienfaisante ne tend qu’au bonheur de la société. Nous devons à cette religion dans le gouvernement un certain droit politique, & dans la guerre un certain droit des gens que la nature humaine ne sauroit assez reconnoître ; en paroissant n’avoir d’objet que la félicité d’une autre vie, elle fait encore notre bonheur dans celle-ci.

L’Europe est appellée Celtique dans les tems les plus anciens. Sa situation est entre le 9 & le 93 degré de longitude, & entre le 34 & le 73 de latitude septentrionale. Les Géographes enseigneront les autres détails au lecteur. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

EUROPÉEN, adj. heures européennes, en Chronologie & Astronomie. Voyez Heure.

EUROTAS, (Géog. & Hist. anc.) riviere du Péloponese, ou de la Morée de nos jours, fameuse à plusieurs égards, & en particulier pour avoir baigné les murs de Sparte. On l’appelle aujourd’hui Vasilipotamos.

Les Lacédémoniens publierent que la déesse Vénus, après avoir passé ce fleuve, y avoit jetté ses brasselets & autres ornemens de femme dont elle étoit parée, & avoit pris ensuite la lance & le bouclier pour se montrer en cet état à Lycurgue, & se conformer à la magnanimité des dames de Sparte.

Ce fleuve est toûjours tellement semé de roseaux magnifiques, qu’il ne faut pas s’étonner qu’Euripide dans son Helene le surnomme Callidonax. Les jeunes Spartiates en faisoient usage pour coucher dessus, & même on les obligeoit d’aller les cueillir avec leurs mains sans couteau & sans autre instrument : c’étoit là leurs matelas & leurs lits de plume.

L’Eurotas est encore, comme dans les beaux jours de la Grece, couvert de cygnes d’une si grande beauté, qu’on ne peut s’empêcher d’avoüer que c’est avec raison que les Poëtes lui ont donné l’épithete d’olorifer :

Taygetique phalanx, & oloriferi Eurotæ
Dura manus. . . . . dit Stace.

Autrefois cette riviere se partageoit en plusieurs bras ; mais aujourd’hui on seroit bien embarrassé de discerner celui qui s’appelloit Euripe, c’est-à-dire ce canal où se donnoit tous les ans le combat des Ephebes ; car le Vasilipotamos n’est guere plus gros en été près de Misitra, que ne l’est la riviere des Gobelins à Paris.

Mais admirons sur-tout la destinée de ce fleuve, par ce qu’en a dit Séneque. Hanc Spartam Eurotas amnis circumfluit, qui pueritiam indurat, ad futuræ militiæ patientiam : les Lacédémoniens y plongeoient leurs enfans, pour les endurcir de bonne-heure aux fatigues de la guerre, & les Turcs s’y baignent dans l’espérance de gagner le royaume des cieux. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

* EURYALÉ, s. f. (Myth.) une des trois gorgones, fille de Phorcys & sœur de Meduse ; elle n’étoit sujette ni à la vieillesse ni à la mort.

* EURYNOME, s. f. (Myth.) un des dieux infer-

naux ; il se repaissoit des cadavres. Il étoit représenté

dans le temple de Delphes, par une statue noire, assise sur la peau d’un vautour, & montrant les dents.

* EURYSTERNON, adj. pris subst. (Myth.) qui a la poitrine large ; surnom de la Terre. Elle avoit un temple dans l’Achaïe, proche d’Egé. Sa prêtresse étoit veuve d’un seul mari, & ne pouvoit en épouser un autre.

EURYTHMIE, (Arts lib.) c’est, en Architecture, Peinture, & Sculpture, selon Vitruve, une certaine majesté & élégance qui frappe dans la composition des différens membres ou parties d’un bâtiment, ou d’un tableau, qui résulte des justes proportions qu’on y a gardées. Voyez Proportion.

Ce mot est grec, & signifie littéralement une harmonie dans toutes les parties ; il est composé de εὐ, bien, & ῥυθμός, rhythmus, cadence ou convenance des nombres, sons, & autres choses semblables. V. Rhythmus.

Cet auteur met l’eurithmie au nombre des parties essentielles de l’Architecture ; il la décrit comme une chose qui consiste dans la beauté de la construction, ou l’assemblage des différentes parties de l’ouvrage qui en rendent l’aspect agréable : par exemple, quand la hauteur répond à la largeur, & la largeur à la longueur, &c. Dict. de Trév. & Chambers.

* EUSEBIE, s. f. (Myth.) c’est ainsi que les Grecs appelloient la Piété qu’ils avoient divinisée.

EUSEBIENS, s. m. pl. (Hist. ecclés.) nom qu’on donna dans le jv. siecle à une faction d’Ariens, à cause de la faveur & de la protection que leur obtint de l’empereur Constance, Eusebe d’abord évêque de Béryte, puis de Nicomédie, & enfin patriarche de Constantinople ; qu’il ne faut pas confondre avec Eusebe évêque de Césarée, que plusieurs écrivains ont aussi accusé d’Arianisme, mais que plusieurs autres ont tâché d’en justifier, mais qui ne fut jamais chef de parti. Voyez Arianisme & Ariens. (G)

EUSTACHE, (l’Ile de Saint-) Géog. mod. île de l’Amérique septentrionale : c’est la plus forte des Antilles, par sa situation. Long. 17. 40. lat. 16. 40.

EUSTATHIENS, s. m. plur. (Hist. ecclés.) est un nom que l’on donna aux catholiques d’Antioche, dans le quatrieme siecle, à l’occasion du refus qu’ils firent de ne recevoir aucun autre évêque que Saint Eustathe, que les Ariens avoient déposé.

Ce nom leur fut donné pendant l’épiscopat de Paulin, que les Ariens substituerent à S. Eustathe vers l’an 330, lorsqu’ils commencerent à tenir des assemblées particulieres. Vers l’an 350, Léontius de Phrygie appellé l’Eunuque, qui étoit Arien, & qui fut installé sur le siége d’Antioche, desira que les Eustathiens fissent leur service dans son église ; ce qui fut accepté : & ainsi l’église d’Antioche servit indifféremment aux Ariens & aux Catholiques.

Ce que nous venons de dire donna lieu à deux établissemens, qui ont toûjours subsisté depuis dans l’Eglise. Le premier fut la psalmodie à deux chœurs ; cependant M. Baillet croit que s’ils instituerent la psalmodie à deux chœurs, ce fut à deux chœurs de Catholiques, & non pas par maniere de réponse au chœur des Ariens. Le second fut la doxologie, Gloria Patri & Filio, & Spiritui sancto. Voyez Doxologie.

Cette conduite qui sembloit renfermer une espece de communion avec les Ariens, choqua beaucoup de Catholiques, qui commencerent à tenir des assemblées particulieres, & formerent ainsi le schisme d’Antioche.

S. Flavien évêque d’Antioche en 381, & Alexandre un de ses successeurs en 482, procurerent entre les Eustathiens & le corps de l’église d’Antioche,