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vera quelques-uns à la suite de cet article. Le plus universel est en poterie d’étain. Voyez l’artic. qui suit, Etain (Potiers-d’étain). On en fait des assiettes, des plats, des pots, des pintes, & toutes sortes d’ustensiles de ménage. Mais une chose que bien des gens ignorent, c’est que l’usage des vaisseaux d’étain peut être très-pernicieux, non-seulement lorsque ce métal est allié avec du plomb, mais encore lorsqu’il est sans alliage. M. Margraff a fait voir dans les mém. de l’acad. royale des Scienc. de Berlin, année 1747, que tous les acides des végétaux agissoient sur l’étain, & en dissolvoient une partie : pour cet effet il a laissé séjourner du vinaigre, du vin du Rhin, du jus de citron, &c. dans des vaisseaux d’étain d’Angleterre, d’étain de Malaque, & d’étain d’Allemagne, & toûjours il a trouvé qu’il se dissolvoit une portion d’étain. Ce savant chimiste prouve dans le même mémoire, que l’étain contient presque toûjours de l’arsenic, non que cette substance soit de l’essence de ce métal, puisqu’il a obtenu de l’étain qui n’en contenoit point du tout, mais parce que souvent les mines d’étain contiennent ce dangereux demi-métal, qui dans l’opération de la fusion s’unit très-facilement avec l’étain, & ne s’en sépare plus que très-difficilement. M. Margraff conclud de-là que l’usage journalier des vaisseaux d’étain doit être très-pernicieux à la santé, sur-tout si l’on y laisse séjourner des liqueurs aigres ou acides. Voyez l’article Etamer.

A l’égard des usages medicinaux de l’étain, par ce que nous avons dit, on voit qu’ils doivent être très suspects ; cependant on le fait entrer dans celui qu’on appelle l’anti-hectique de potier, qui n’est autre chose que de l’étain & du régule d’antimoine détonnés avec trois parties de nitre : mais les gens sensés savent que c’est un fort mauvais remede, & qui doit être par conséquent banni de la Medecine. Pour les autres usages de l’étain, nous renvoyons aux articles Etamer, Facteur d’Orgue, Fer-blanc, Glaces, Miroirs métalliques, &c. (—)

Etain, (Potiers-d’étain.) Tout ce que nous allons ajoûter sur l’étain a été tiré du dictionnaire du Commerce & du dictionnaire de Chambers. La distinction des différens étains, ainsi que les autres opérations qui se font dans la boutique du potier-d’étain, se sont trouvées assez exactes, pour que l’artiste qui s’est chargé de cette partie n’ait eu besoin d’y faire ni addition, ni changement. Il faut bien distinguer cette partie de l’article Etain de la partie qui précede. Je crois qu’on eût aisément reconnu qu’elles étoient de deux mains différentes, quand nous n’eussions pas pris la precaution d’en avertir. Les Potiers d’étain distinguent l’étain doux qui est le plus fin d’avec l’étain aigre qui ne l’est pas tant. L’étain doux étant fondu & coulé, puis refroidi, est uni, reluisant, & maniable comme le plomb. Celui qu’on appelle du Pérou, qu’on nomme petits chapeaux, est le plus estimé : c’est de cet étain doux que les Facteurs-d’orgue font les tuyaux de montre de buffet, & les Miroitiers le battent en feuilles pour donner le teint aux glaces avec le vif-argent.

Pour employer de l’étain doux en vaisselle, les Potiers-d’étain y mettent de l’aloi. Cet aloi est du cuivre rouge, qu’on nomme cuivre de rosette, fondu à part, & que l’on incorpore dans l’étain étant aussi fondu. La dose est d’environ cinq livres de cuivre par cent d’étain doux : quelques-uns n’y en mettent que trois livres, & une livre d’étain de glace ou bismuth, & pour lors il perd sa qualité molle, & devient ferme, dur, & plus sonnant qu’il n’étoit. A l’égard de l’étain aigre on y met moins de cuivre, selon qu’il l’est plus ou moins, & quelquefois point du tout, principalement si on veut l’employer en poterie d’étain, & qu’on en ait du vieux qui ait servi pour le mêlanger, & qui l’adoucit.

Pour connoître le titre ou la qualité de l’étain, on en fait essai. Voyez Essai, & la suite de cet article.

Les étains qui nous viennent d’Angleterre sont sous plusieurs formes différentes. Les uns sont en lingots, les autres en saumons, & les autres en lames qu’on nomme verges. Les lingots pesent depuis trois livres jusqu’à 35 ; les saumons depuis deux cents cinquante livres jusqu’à environ quatre cents ; & les lames environ une demi-livre. Les saumons sont d’une figure quarrée, longue & épaisse comme une auge de Maçon ; mais tous pleins. Les lingots sont de la même forme, & les lames sont étroites & minces.

Il se tire des Indes espagnoles une sorte d’étain très doux qui vient en saumons fort plats, du poids de cent vingt à cent trente livres. Il en vient aussi de Siam par masses irrégulieres, que les Potiers-d’étain nomment lingots, quoiqu’ils soient bien différens de ceux d’Angleterre. L’étain d’Allemagne qui se tire de Hambourg est en saumons de deux cents jusqu’à deux cents cinquante livres, ou en petits lingots de huit à dix livres, qui ont la figure d’une brique ; ce qui les fait appeller de l’étain en brique. L’étain d’Allemagne est estimé le moins bon, à cause qu’il a déjà servi à blanchir le fer en feuille ou fer-blanc.

Etain de glace, que les droguistes appellent bismuth ; voyez Bismuth. Il sert à faire de la soudure légere. Voyez Souder.

Une matiere qui ressemble assez à l’étain de glace, mais qui est plus dure, qu’on appelle du zinc (voyez Zinc), sert aux Potiers d’étain pour décrasser l’étain lorsqu’il est fondu, avant de l’employer pour le jetter en moule, sur-tout si c’est de la vaisselle ; il faut prendre garde d’en mettre trop, car il occasionne des soufflures aux pieces. Ces soufflures sont des petits trous cachés dans l’intérieur des pieces, sur-tout si elles sont fortes, & ces trous ne se découvrent qu’en les tournant sur le tour. Une once ou environ de zinc suffit pour décrasser quatre à cinq cents livres d’étain fondu. Les Chauderonniers ne pourroient faire leur soudure sans zinc, &c.

L’étain en feuille est de l’étain neuf du plus doux, qu’on a battu au marteau sur une pierre de marbre bien unie. Il sert aux Miroitiers à appliquer derriere les glaces des miroirs, par le moyen du vif-argent qui a la propriété de l’attacher à la glace ; ce sont les maîtres Miroitiers qui travaillent cette sorte d’étain pour le réduire en feuilles, ce qui leur fait donner dans leurs statuts le nom de Batteurs d’étain en feuille. Il se tire de Hollande une autre espece d’étain battu dont les feuilles sont très-minces & ordinairement roulées en cornet ; elles sont ou toutes blanches, ou mises en couleur seulement d’un côté. Les couleurs qu’on leur donne le plus communément sont le rouge, le jaune, le noir, & l’aurore ; ce n’est qu’un vernis appliqué sur l’étain : c’est de cette sorte d’étain que les marchands Epiciers-ciriers appellent de l’appeau, dont ils mettent sur les torches & autres ouvrages de cire qu’ils veulent enjoliver, & dont les Peintres se servent dans les armoiries, cartouches, & autres ornemens, pour les pompes funebres ou pour le fêtes publiques.

Etain en treillis ou en grilles. On nomme ainsi certains ronds d’étain à claire voie, que l’on voit attachés aux boutiques des Potiers d’étain, & qui leur servent comme de montre ou d’étalage. Ces treillis sont pour l’ordinaire d’étain neuf doux sans aloi, c’est-à-dire qui est tel qu’il étoit en saumons ou lingots, à la fonte près qu’on lui a donnée pour le mettre en treillis. Cette espece d’étain se vend aux Miroitiers, Vitriers, Ferblantiers, Plombiers, Facteurs-d’orgue, Eperonniers, Chauderonniers, & autres semblables ouvriers qui employent ce métal dans leurs ouvrages. Les Potiers-d’étain mettent l’étain en treillis pour la facilité de la vente, étant plus aisé