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porter cet esprit philosophique qui doit dominer partout, & qui est le fil de tous les labyrinthes. Voyez l’article Etymologie. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

E U   E V

EU, (Gram.) Il y a quelques observations à faire sur ces deux lettres, qui se trouvent l’une auprès de l’autre dans l’écriture.

1°. Eu, quoiqu’écrit par deux caracteres, n’indique qu’un son simple dans les deux syllabes du mot heureux, dit M. l’abbé de Dangeau, Opusc. p. 10. & de même dans feu, peu, &c. & en grec εὔγεως fertile.

Non me carminibus vincet, nec thracius Orpheus.

Virg. ecl. jv. v. 55.

où la mesure du vers fait voir qu’Orpheus n’est que de deux syllabes.

La grammaire générale de Port-royal a remarqué il y a long-tems, que eu est un son simple, quoique nous l’écrivions avec deux voyelles, chap. 1. Car, qui fait la voyelle ? c’est la simplicité du son, & non la maniere de désigner le son par une ou par plusieurs lettres. Les Italiens désignent le son ou par le simple caractere u ; ce qui n’empêche pas que ou ne soit également un son simple, soit en italien, soit en françois.

Dans la diphthongue au contraire on entend le son particulier de chaque voyelle, quoique ces deux sons soient énoncés par une seule émission de voix, a-i, e-i, i-é, pitié ; u-i, nuit, bruit, fruit : au lieu que dans feu vous n’entendez ni l’e ni l’u ; vous entendez un son particulier, tout-à-fait différent de l’un & de l’autre : & ce qui a fait écrire ce son par des caracteres, c’est qu’il est formé par une disposition d’organes à-peu-près semblable à celle qui forme l’e & à celle qui forme l’u.

2°. Eu, participe passif du verbe avoir. On a écrit heu, d’habitus ; on a aussi écrit simplement u, comme on écrit a, il a : enfin on écrit communément eu, ce qui a donné lieu de prononcer e-u ; mais cette maniere de prononcer n’a jamais été générale. M. de Callieres, de l’Académie françoise, secrétaire du cabinet du feu roi Louis XIV. dans son traité du bon & du mauvais usage des manieres de parler, dit qu’il y a bien des courtisans & quantité de dames qui disent j’ai eu, qui est, dit-il, un mot d’une seule syllabe, qui doit se prononcer comme s’il n’y avoit qu’un u. Pour moi je crois que puisque l’e dans eu ne sert qu’à grossir le mot dans l’écriture, on feroit fort bien de le supprimer, & d’écrire u, comme on écrit il y a, à, ô ; & comme nos peres écrivoient simplement i, & non y, ibi. Villehardoüin, page 4. maint conseil i ot, c’est-à-dire y eut ; & pag. 63. mult i ot.

3°. Eu s’écrit par œu dans œuvre, sœur, bœuf, œuf. On écrit communément œil, & l’on prononce euil ; & c’est ainsi que M. l’abbé Girard l’écrit.

4°. Dans nos provinces méridionales, communément les personnes qui, au lieu de leur idiome, parlent françois, disent j’ai veu, j’ai creu, pourveu, seur, &c. au lieu de dire vu, cru, pourvu, sur, &c. ce qui me fait croire qu’on a prononcé autrefois j’ai veu ; & c’est ainsi qu’on le trouve écrit dans Villehardoüin & dans Vigenere. Mais aujourd’hui qu’on prononce vû, crû, &c. le prote de Poitiers même & M. Restaut ont abandonné la grammaire de M. l’abbé Regnier, & écrivent simplement échû, mû, su, vû, voulu, bû, pourvû, &c. Gramm. de M. Restaut, sixieme édit. pag. 238. & 239. (F)

Eu, (Géogr. mod.) ville de la haute Normandie, en France ; elle est située dans un vallon, sur la Brile. Long. 19. 5. 3. lat. 50. 2. 52.

EVACUANT, adj, (Thérapeutique & Mat. méd.)

Le mot d’évacuant pris dans son sens le plus général, convient à tout médicament, ou à tout autre agent artificiel par le secours duquel on procure l’expulsion de quelqu’humeur ou de quelqu’excrément hors du corps humain.

Les évacuans se divisent en chirurgicaux & en pharmaceutiques. La classe des premiers comprend la saignée, les diverses scarifications, les sangsues, les vésicatoires, les cauteres, les setons, la paracenthese, l’ouverture des abcès, &c.

Les évacuans pharmaceutiques, qui sont plus connus sous ce nom que les précédens, sont des médicamens qui chassent hors du corps divers excrémens ramassés dans leurs réservoirs particuliers, & qui provoquent, augmentent ou entretiennent les excrétions.

Ces évacuans prennent différens noms, selon qu’ils affectent différens couloirs. On appelle vomitifs ceux qui agissent sur l’estomac, & determinent son évacuation par la bouche ; purgatifs, ceux qui poussent les matieres par en-bas ; sudorifiques & diaphorétiques, ceux qui excitent les sueurs ou la transpiration ; diurétiques, ceux qui augmentent l’écoulement des urines ; expectorans, ceux qui provoquent les crachats ; salivans, ceux qui provoquent le flux de bouche ou l’excrétion de la salive ; errhins, ceux qui déterminent une évacuation séreuse par les narines. Voyez les articles particuliers.

Les anciens divisoient ces derniers évacuans en généraux & en particuliers. Les généraux, disoient-ils, évacuent efficacement une région particuliere, & par communication tout le reste du corps ; ils en reconnoissoient trois de cette espece, les vomitifs, les purgatifs, & les sudorifiques. Les particuliers étoient ceux qu’ils prétendoient n’évacuer qu’une certaine partie ; ainsi les diurétiques étoient censés décharger la partie convexe du foie ; les errhins le cerveau, &c. Mais cette division étoit vaine & absolument mal-entendue ; car il n’est aucune évacuation qui ne puisse être regardée comme générale dans un certain sens. La déplétion des vaisseaux, & sur-tout une détermination d’humeur vers un couloir quelconque (détermination qui constitue dans la plûpart des cas l’effet le plus intéressant des évacuations), pouvant procurer des changemens généraux dans le système entier des vaisseaux & sur toute la masse des humeurs, tandis que réciproquement l’évacuation de l’estomac, des intestins, & même celle de la peau, peuvent ne pas s’étendre au-delà de l’affection particuliere de ces parties, du moins par rapport à la matiere évacuée, & sans avoir égard à leurs actions organiques, que les anciens ne faisoient pas entrer en considération.

La division la plus générale des médicamens, est celle qui les distingue en évacuans & en altérans ; ceux-ci different des premiers, que nous venons de définir, en ce qu’ils n’agissent que d’une façon bien moins sensible, soit sur les solides, soit sur les fluides, qu’ils sont censés affecter de plusieurs différentes façons. Voyez Altérant.

C’est principalement à-propos des évacuans que les Medecins se sont occupés de cette grande question de théorie thérapeutique ; savoir l’explication de cette propriété des divers médicamens, qui leur fait affecter certains organes plûtôt que d’autres, qui rend le tartre stibié vomitif, le sel de Glauber purgatif, le nitre diurétique, l’alkali volatil sudorifique, & le mercure salivant, &c. Voyez Médicament.

Quelles sont les affections, les symptomes, les signes qui indiquent ou qui contre-indiquent les évacuans ? Comment faut-il préparer les différens sujets ; & dans les différens cas, à l’administration des évacuans ? Ces problèmes thérapeutiques ne pèuvent se résoudre d’une maniere générale. Voyez les articles