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ment aux galeres, & carener aux vaisseaux. (Z)

ESPARTS, (Carriere.) c’est ainsi qu’on appelle dans les carrieres, des six morceaux qui composent la civiere à tirer le moilon, les quatre qui sont emmortoisés avec les principales ou maîtresses pieces. Les esparts sont les plus petits.

ESPAVE, voyez Epave.

ESPECE, s. f. (Mét) notion universelle qui se forme par l’abstraction des qualités qui sont les mêmes dans les individus. En examinant les individus, & les comparant entr’eux, je vois certains endroits par où ils se ressemblent ; je les sépare de ceux en quoi ils different ; & ces qualités communes, ainsi séparées, forment la notion d’une espece, qui comprend le nombre d’individus dans lesquels ces qualités se trouvent. La division des êtres en genre & en espece, n’est pas l’ouvrage de la Philosophie ; c’est celui de la nécessité. Les hommes sentant qu’il leur seroit impossible de tout reconnoître & distinguer, s’il falloit que chaque individu eût sa dénomination particuliere & indépendante, se hâterent de former ces classes indispensables pour l’usage, & essentielles au raisonnement ; mais si la Philosophie n’a pas inventé ces notions, c’est elle qui les épure, & qui de vagues qu’elles sont fréquemment dans la bouche du vulgaire, les rend fixes & déterminées, en suivant la méthode des Géometres, autant qu’elle est applicable à des êtres réels & physiques, dont l’essence n’est pas accessible comme celle des abstractions & des notions universelles.

La définition de l’espece exprime ordinairement celle du genre qui lui est supérieur, & les nouvelles déterminations qui par cette raison sont appellées spécifiques. En faisant attention à la production, ou génération des figures, les Géometres découvrent & démontrent la possibilité de nouvelles especes. Ce sont les qualités essentielles & les attributs qui servent à déterminer les especes ; mais à leur défaut, les possibilités des modes entrent aussi dans ces déterminations. Euclide définit d’abord la figure comme le genre suprème ; ensuite, après avoir donne l’idée du cercle, il passe aux figures rectilignes, qu’il considere comme un genre inférieur. De-là, continuant à descendre, il divise les figures rectilignes en trilateres, quadrilateres, & multilateres. Les figures trilateres se divisent de nouveau en équilatérales, isosceles, scalenes, &c. les quadrilateres en quarre, rhombe, trapeze, &c. Il s’en faut bien que cette précision puisse regner dans le développement des sujets réels & physiques. On n’en connoit que l’écorce, & il faut en détacher, le mieux qu’il est possible, ce qui paroît le plus propre à les caractériser. Or, faute de connoître l’essence de ces sujets, on ne suit pas la même route dans leurs définitions ; & de-là dans toutes les Sciences, ces disputes & ces embarras inconnus aux Géometres, entre lesquels les controverses ne sauroient exister, ou du moins ne sauroient durer. Jettez au contraire les yeux sur toute autre science ; par exemple, sur la Botanique, les définitions y sont des descriptions d’êtres composés, dont on dénombre les parties, & dont on indique l’arrangement & la figure. Chaque botaniste choisissant ce qui le frappe le plus, vous ne reconnoîtrez pas la même plante décrite par deux d’entr’eux, au lieu que la notion du triangle ou du quarré est invariable entre les mains de quelque géometre que ce soit. Néanmoins, comme nous n’avons, ni ne pouvons rien espérer de meilleur que ces descriptions des sujets physiques, on doit travailler à les rendre de plus en plus completes & distinctes, par les observations & par les expériences ; sur quoi voyez Botanique, Méthode, &c.

Les sujets qui ont les mêmes attributs propres, & les mêmes possibilités de mode, se rapportent à la

même espece. Dans les êtres composés, les qualités des parties, & la maniere dont ces parties sont liées, servent à déterminer les especes. Voyez plus bas Espece, (Hist. nat.) Article de M. Formey.

Espece, en Arithmétique ; il y a dans cette science des grandeurs de même espece, & des grandeurs de différente espece.

Les grandeurs de même espece sont définies par quelques-uns, celles qui ont une même dénomination : ainsi 2 piés & 8 piés sont des grandeurs de même espece.

Les grandeurs de différente espece, selon les mêmes auteurs, ont des dénominations différentes ; par exemple, 3 piés & 3 pouces sont des grandeurs de différente espece. (E)

On définira plus exactement les grandeurs de différente espece, en disant que ce sont celles qui sont de nature différente ; par exemple, l’étendue & le tems, 12 heures & 12 toises sont des grandeurs de differente espece ; au contraire, 12 heures & 12 minutes d’heure sont de la même espece.

On ne sauroit multiplier l’une par l’autre des quantités de même espece, dans quelque sens qu’on prenne cette expression ; on ne peut multiplier des piés par des piés, ni des toises par des heures. Voyez en la raison au mot Multiplication. On peut diviser l’une par l’autre des quantites de différente espece, prises dans se premier sens ; par exemple, 12 heures par 3 minutes (voyez Division) ; mais on ne peut diviser l’une par l’autre des quantités de différente espece, prises dans le second sens ; par exemple, des toises par des heures. Voyez Abstrait, Concret, &c.

On dit qu’un triangle est donné d’espece, quand chacun de ses angles est donné : dans ce cas, le rapport des côtés est donné aussi ; car tous les triangles équiangles sont semblables (voyez Triangle & Semblable). Pour qu’une autre figure rectiligne quelconque soit donnée d’espece, il faut non-seulement que chaque angle soit donné, mais aussi le rapport des côtés.

On dit qu’une courbe est donnée d’espece, 1°. dans un sens plus étendu, lorsque la nature de la courbe est connue, lorsqu’on sait, par exemple, si c’est un cercle, une parabole, &c. 2°. dans un sens plus déterminé, lorsque la nature de la courbe est connue, & que cette courbe ayant plusieurs parametres, on connoît le rapport de ces parametres. Ainsi une ellipse est donnée d’espece, lorsqu’on connoît le rapport de ses axes ; il en est de même d’une hyperbole. Pour bien entendre ceci, il faut se rappeller que la construction d’une courbe suppose toujours la connoissance de quelques lignes droites constantes qui entrent dans l’équation de cette courbe, & qu’on nomme parametres de la courbe (voyez Parametre). Les courbes qui n’ont qu’un parametre, comme les cercles, les paraboles, sont toutes semblables ; & si le parametre est donné, la courbe est donnée d’espece & de grandeur : les courbes qui ont plusieurs parametres, sont semblables quand leurs parametres ont entr’eux un même rapport. Ainsi deux ellipses, dont les axes sont entr’eux comme m est à n, sont semblables, & l’ellipse est donnée d’espece quand on connoît le rapport de ses axes. Voyez Semblable & Parametre. (O)

Especes Impresses, ou Especes visibles, sont, dans l’ancienne Philosophie les images des corps que la lumiere produit, & peint dans leur vraie proportion & couleur au fond de l’œil.

Les anciens donnoient ce nom à certaines images qu’ils supposoient s’élancer des corps, & venin frapper nos yeux. Ils n’avoient aucune idée de la façon dont les rayons de lumiere viennent se réunir dans