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mauvais plaisant, dont l’exemple ne conclut rien, & il dit de ce fat, plus sot encore :


A sa vertu je n’ai plus grande foi
Qu’à son esprit. Pourquoi cela ? Pourquoi ?
Qu’est ce qu’esprit ? Raison assaisonnée,
. . . . . . . . . . . . . .
Qui dit esprit, dit sel de la raison :
. . . . . . . . . . . . . .
De tous les deux se forme esprit parfait,
De l’un sans l’autre un monstre contrefait.
Or quel vrai bien d’un monstre peut-il naître ?
Sans la raison puis-je vertu connoître ?
Et sans le sel dont il faut l’apprêter,
Puis-je vertu faire aux autres goûter ?

Passons sur le style ; quelle logique ! La raison sans sel fait un monstre, incapable de tout bien : pourquoi ? parce qu’elle est fade nourriture, qu’elle n’assaisonne pas la vertu, & ne la fait pas goûter aux autres. D’où il conclut qu’un homme qui n’a que de la raison, & qu’il appelle un sot, ne sauroit être vertueux. Moliere, le plus philosophe de tous les poëtes, a fait un honnête homme d’Orgon, quoiqu’il n’en ait fait qu’un sot, & n’a pas fait un sot de Tartuffe, quoiqu’il n’en ait fait qu’un méchant homme.

Pope, dans les épîtres qui composent son essai sur l’homme, a fait voir combien la poésie pouvoit s’élever sur les aîles de la philosophie. C’est dommage que ce poëte n’ait pas ou autant de méthode que de profondeur. Mais il avoit pris un système, il falloit le soûtenir. Ce système lui offroit des difficultés épouvantables ; il falloit ou les vaincre, ou les éviter : le dernier parti étoit le plus sûr & le plus commode ; aussi, pour répondre aux plaintes de l’homme sur les malheurs de son état, lui donne-t-il le plus souvent des images pour des preuves, & des injures pour des raisons. Article de M. Marmontel.

Épitre dédicatoire. Il faut croire que l’estime & l’amitié ont inventé l’épitre dédicatoire, mais la bassesse & l’intérêt en ont bien avili l’usage : les exemples de cet indigne abus sont trop honteux à la Littérature pour en rappeller aucun ; mais nous croyons devoir donner aux auteurs un avis qui peut leur être utile, c’est que tous les petits détours de la flaterie sont connus. Les marques de bonté qu’on se flate d’avoir reçues, & que le Mécene ne se souvient pas d’avoir données ; l’accueil favorable qu’il a fait sans s’en appercevoir ; la reconnoissance dont on est si pénétré, & dont il devroit être si surpris ; la part qu’on veut qu’il ait à un ouvrage dont la lecture l’a endormi ; ses ayeux dont on lui fait l’histoire souvent chimérique ; ses belles actions & ses sublimes vertus qu’on passe sous silence pour de bonnes raisons ; sa générosité qu’on loue d’avance, &c. toutes ces formules sont usées, & l’orgueil qui est si peu délicat, en est lui-même dégoûté. Monseigneur, écrit M. de Voltaire à l’électeur Palatin, le style des dédicaces, les vertus du protecteur, & le mauvais livre du protégé, ont souvent ennuyé le public.

Il ne reste plus qu’une façon honnête de dédier un livre : c’est de fonder sur des faits la reconnoissance, l’estime, ou le respect qui doivent justifier aux yeux du public l’hommage qu’on rend au mérite. Cet article est de M. Marmontel.

Épître (Hist. eccles.) C’est une des parties de la Messe, & qui précede l’Évangile ; ou plûtôt, c’est cette partie de la Messe chantée aujourd’hui par le soûdiacre, un peu avant l’Évangile, & qui est un texte de l’Écriture-sainte. Cette partie de l’Écriture-sainte n’est jamais prise des quatre Evangiles, mais de quelque endroit de la Bible, & souvent des épîtres de S. Paul, ou de celle des autres apôtres, ce qui leur a fait donner le nom d’épître.

Pour connoître l’origine de l’épître & l’usage de

l’Église à cet égard, il faut remarquer que les Juifs faisoient lire dans leurs synagogues quelques endroits de la Loi & des prophetes, particulierement dans les jours du sabbat. Les Chrétiens conserverent parmi eux cette coutûme ; ils commençoient la célébration de l’Eucharistie par la lecture des saintes Ecritures, selon le témoignage de Tertullien dans son Apologétique ; & comme les actes des apôtres & les épitres de S. Paul contenoient de grands exemples & des instructions très-utiles, on lisoit ordinairement quelques endroits de l’un & de l’autre, mais le plus souvent des épîtres de S. Paul, ensorte que par une espece d’habitude, on a donné à cette lecture le titre d’épître.

Quelques auteurs ont observé, que lorsque l’on lit un endroit des épitres de S. Paul, on commence par ce mot, Fratres, parce que cet apôtre appelloit ainsi ceux à qui il écrivoit : & quand on lit quelques passages de l’ancien & du nouveau Testament, on dit toujours, in diebus illis.

Cette lecture introduisit l’ordre des lecteurs, dont la fonction a cependant cessé depuis quelques siecles dans l’église catholique, où la lecture a été attribuée aux soûdiacres. Fleury, Hist. ecclés. Dict. de Richelec & de Trév. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

ÉPITRITE, s. m. (Belles-Lettres.) est un pié composé de quatre syllabes, trois longues & une breve. Voyez Pied.

Les Grammairiens comptent quatre sortes d’épitrites : le premier est composé d’un iambe & d’un spondée, comme sălūtāntēs ; le second d’un trochée & d’un spondée, comme cōncĭtātī ; le troisieme d’un spondée, & d’un iambe, comme cōmmūnĭcãns ; & le quatrieme d’un spondée & d’un trochée, comme īncāntārĕ. (G)

Épitrite, (Musique.) étoit chez les Grecs le nom d’un rapport, appellé autrement raison sesquitierce, & qui est celui de 3 à 4, ou de la quarte. Voyez Quarte.

C’étoit aussi le nom d’un des rhytmes de leur musique, duquel les deux tems étoient entre eux dans ce même rapport. Voyez. (S)

ÉPITROPE, s. f. figure de Rhétorique, appellée par les Latins concessio, par laquelle l’orateur accorde quelque chose qu’il pourroit nier, afin que par cette marque d’impartialité, il puisse obtenir à son tour qu’on lui accorde ce qu’il demande.

Ainsi M. Despreaux a dit de Chapelain par épitrope :

Qu’on vante en lui la foi, l’honneur, la probité ;
Qu’on prise sa candeur & sa civilité :
Qu’il soit doux, complaisant, officieux, sincere ;
On le veut, j’y souscris, & suis prêt de me taire.
Mais que pour un modele on montre ses écrits,
Qu’il soit le mieux renté de tous les beaux esprits ;
Comme roi des auteurs, qu’on l’éleve à l’empire,
Ma bile alors s’échauffe & je brûle d’écrire.

Sat. jx. v. 212. (G)

Épitrope, s. m. (Hist. mod.) sorte de juge, ou plutôt d’arbitre que les chrétiens grecs qui vivent sous la domination des Turcs, choisissent dans plusieurs villes pour terminer les différends qui s’élevent entre eux, & pour éviter de porter ces différends devant les magistrats Turcs.

Il y a dans chaque ville divers épitropes : M. Spon remarque dans ses voyages qu’à Athenes il y en a huit, qui sont pris des différentes paroisses & appellés vecchiardi, c’est-à-dire vieillards. Mais Athenes n’est pas le seul endroit où il y ait des épitropes : il y en a dans toutes les îles de l’Archipel.

Quelques auteurs latins du cinquieme siecle appellent épitropi, ceux qu’on appelloit plus anciennement villici, & qu’on a dans la suite appellé vidames. Voyez Vidame.