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sence d’Ulysse hors de son pays & pendant plusieurs années, exige nécessairement sa présence ailleurs ; le dessein de la fable le doit jetter en plusieurs périls & en plusieurs états ; or chaque péril & chaque état fournit un épisode, que le poëte est maître d’employer ou de négliger.

De tous ces principes il résulte 1°. que les épisodes ne sont point des actions, mais des parties d’une action : 2°. qu’ils ne sont point ajoûtés à l’action & à la matiere du poëme, mais qu’eux-mêmes sont cette action & cette matiere, comme les membres sont la matiere du corps : 3°. qu’ils ne sont point tirés d’ailleurs, mais du fonds même du sujet ; qu’ils ne sont pas néanmoins unis & liés nécessairement à l’action, mais qu’ils sont unis & liés les uns aux autres : 4°. que toutes les parties d’une action ne sont pas des épisodes, mais seulement celles qui sont étendues & amplifiées par les circonstances particulieres ; & qu’enfin l’union qu’ont entr’eux les épisodes est nécessaire dans le fonds de l’épisode, & vraissemblable dans les circonstances. (G)

Episode, en Peinture, sont des scenes qu’on introduit dans un tableau, qui semblent étrangeres au sujet principal du tableau, & qui néanmoins y sont nécessairement liées. Voyez Composition.

Ces scenes ou épisodes seroient, par exemple, dans un morceau représentant un sacrifice, un homme qui portant du bois pour entretenir le feu de l’autel, en laisse tomber quelques morceaux que d’autres ramassent ; ou des femmes qui s’intéressant à la conservation d’un enfant, le dérangent du passage de la victime. Ces hommes qui ramassent les morceaux de bois tombés, ces femmes qui dérangent l’enfant, forment des épisodes ; & cependant liés avec le sujet ; ces épisodes jettent une variété, & même une sorte d’intérêt, qui produit de grands effets, particulierement dans la représentation des actions qui ne sont pas suffisamment intéressantes par elles-mêmes.

EPISODIQUE, adj. (Belles-Lettres.) En Poésie on nomme fable épisodique, celle qui est chargée d’incidens superflus, & dont les épisodes ne sont point nécessairement ni vraissemblablement liés les uns aux autres. Voyez Episode.

Aristote dans sa poétique établit que les tragédies dont les épisodes sont ainsi comme décousus & indépendans entr’eux, sont défectueuses, & il les nomme drames épisodiques, comme s’il disoit, superabundantes in episodis, surchargés d’épisodes ; & il les condamne parce que tous ces petits épisodes ne peuvent jamais former qu’un ensemble vicieux. Voy. Fable.

Les actions les plus simples sont les plus sujettes à cette irrégularité, en ce qu’ayant moins d’incidens & de parties que les autres plus composées, elles ont plus besoin qu’on y en ajoûte d’étrangeres. Un poëte peu habile épuisera quelquefois tout son sujet dès le premier ou le second acte, & se trouvera par-là dans la nécessité d’avoir recours à des actions étrangeres pour remplir les autres actes. Aristote, poetiq. chap. jx.

Les premiers poëtes françois sont tombés dans ce défaut ; pour remplir chaque acte, ils prenoient des actions qui appartenoient bien au même héros, mais qui n’avoient aucune liaison entr’elles.

Si l’on insere dans un poëme un épisode dont le nom & les circonstances ne soient pas nécessaires ; & dont le fonds & le sujet ne fassent pas la partie principale, c’est-à-dire le sujet du poëme, cet épisode rend alors la fable épisodique.

Une maniere de connoître cette irrégularité, c’est de voir si l’on pourroit retrancher l’épisode, & ne rien substituer en sa place, sans que le poëme en souffrît ou qu’il devînt défectueux. L’histoire d’Hypsipile, dans la Thébaïde de Stace, nous fournit un exemple de ces épisodes défectueux. Si l’on retran-

choit toute l’histoire de cette nourrice & de son enfant

piqué par un serpent, le fil de l’action principale n’en iroit que mieux ; personne n’imagineroit qu’il y eût rien d’oublié ou qu’il manquât rien à l’action. Le Bossu, traité du poëme épique.

Dans le poëme dramatique, lorsque la fable ou le morceau d’histoire que l’on traite fournit naturellement les incidens & les obstacles qui doivent contraster avec l’action principale, le poëte est dispensé d’imaginer un épisode, puisqu’il trouve dans son sujet même ce qu’en vain il chercheroit mieux ailleurs. Mais lorsque le sujet n’en suggere point, ou que les incidens ne sont pas eux-mêmes assez importans pour produire les effets qu’on se propose, alors il est permis d’imaginer un épisode & de le lier au sujet, ensorte qu’il y devienne comme nécessaire. C’est ainsi que M. Racine a inséré dans son Andromaque l’amour d’Oreste pour Hermione, & que dans Iphigénie il a imaginé l’épisode d’Eriphile. L’Andromaque & Iphigénie ne sont pas des pieces épisodiques, dans le sens qu’Aristote l’entend & qu’il condamne.

Depuis quelques années on a mis sur le théatre françois quelques pieces vraiment épisodiques, composées de scenes détachées, qui ont un rapport à un certain but général, & qu’on appelle autrement pieces à tiroirs. Le nom de comédie ne leur convient nullement, parce que la comédie est une action, & emporte nécessairement dans son idée l’unité d’action ; or ces pieces à tiroir, que le défaut de génie a si étrangement multipliées, ne sont que des déclamations partagées en plusieurs points contre certains ridicules. Voyez Unité. (G)

EPISSER une corde, (Corderie & Marine.) c’est l’assembler avec une autre, en entrelassant leurs fils ou cordons l’un avec l’autre, ce qui se fait par le moyen d’une broche de fer appellée cornet d’épisse ou épissoir. Après un combat, lorsque quelques manœuvres sont coupées ou rompues, on est obligé de les épisser quand on n’en a pas de rechange.

Pour épisser deux cables ensemble, il faut premierement détordre les trois tourons, longueur d’environ deux brasses de chaque cable, puis passer chaque touron dans le cable, tant d’un bout que de l’autre, par trois fois ; les tourons étant ainsi passés, on décorde un cordon de chaque touron, on le coupe à l’endroit où il est passé, & on y fait entrer les bouts de ces cordons coupés ; ensuite on passe chaque touron des cordons restans deux fois dans les cables, & de chaque côté ; après cela on les décorde encore, & l’on coupe un des cordons de chaque touron à l’endroit qui est passé dans le cable, & on l’y fait entrer ; enfin l’on passe chacun des cordons qui restent dans les tourons du cable, une fois de l’un & de l’autre bout, & on les coupe. (Z)

EPISSOIR, s. m. (Corderie.) instrument de corne, de buis, ou de fer, pointu par un bout, qui sert à défaire les nœuds & à détortiller les torons d’un cordage.

EPISSURE, s. f. (Corderie & Marine.) c’est un entrelassement de deux bouts de cordes que l’on fait pour les joindre eniemble, au lieu d’y faire un nœud, afin que la corde puisse passer & rouler aisément sur la poulie.

Epissure longue ; c’est celle qui se fait avec des bouts de corde inégaux, qu’on assemble de façon qu’ils puissent passer sur une poulie.

Epissure courte ; c’est celle où les deux bouts de corde qu’on veut épisser sont égaux, c’est-à-dire coupés de même longueur. (Z)

EPISTAPHYLIN, adject. en Anatomie ; nom d’un muscle de la luette, qu’on appelle aussi staphylin & azigos. Voyez Luette, &c. (L)

EPISTATE, s. m. (Hist. anc.) nom du sénateur d’Athenes qui étoit en semaine de présider. Ce mot