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la regarder comme matiere ; l’usage de l’église latine & greque la confirme dans cette possession, & toutes les diverses autres cérémonies, dont nous venons de parler, n’ont pour elles ni la même antiquité dans l’origine, ni la même uniformité dans la pratique.

Ce partage de sentimens, sur ce qui constitue la matiere essentielle de l’épiscopat, en a entraîné nécessairement un pareil, sur ce qui doit en faire la forme : les uns l’ont fait consister dans ces paroles, recevez le S. Esprit ; d’autres dans celles qui accompagnent la tradition de l’évangile, de l’anneau & de la crosse ; d’autres dans celles que profere l’évêque consécrateur, en faisant l’onction sur la tête & sur les mains de l’évêque élû. Mais comme il est de principe parmi les Théologiens, que la forme doit toûjours être jointe avec la matiere ; dès qu’il est évident, comme nous l’avons insinué, qu’aucune de ces cérémonies extérieures n’est matiere de l’épiscopat, il s’ensuit nécessairement qu’aucune des prieres qui les accompagnent n’en est la forme, & par conséquent qu’elle se réduit aux prieres, qui attirent sur celui qui est élû la grace du S. Esprit, & qui accompagnent l’imposition des mains.

On forme encore sur l’épiscopat une question importante, savoir si une personne qui n’est pas prêtre peut être ordonnée évêque, & si son ordination & sa consécration en cette derniere qualité est valide. Tous les Théologiens conviennent que l’ordination dont il s’agit est illicite, parce que les regles de l’Église demandent qu’on monte par degrés à l’épiscopat, & qu’on reçoive les ordres inférieurs : mais ils se partagent sur la validité de l’ordination épiscopale qui n’est pas précédée de l’ordination sacerdotale. Bingham, dans ses origines ecclésiastiques, liv. XI. chap. x. §. 5. prétend que plusieurs diacres ont été ordonnés évêques sans avoir passé par l’ordre de prêtrise : Cecilien, selon Optat, n’étoit qu’archidiacre, c’est-à-dire premier diacre de l’église de Carthage, lorsqu’il en fut fait évêque. Théodoret & S. Ephiphane assûrent la même chose de S. Athanase, lorsqu’il fut élevé sur le siége d’Alexandrie : Libérat, Socrate & Théodoret disent aussi que les papes Agapet, Vigile & Félix n’étoient que diacres lorsqu’ils furent élûs papes. Mais outre que ces auteurs marquent simplement le degré où étoient les sujets dont ils parlent lorsqu’ils avoient été élûs, & qu’ils ne marquent point qu’entre leur élection & leur consécration ils n’ont pas été ordonnés prêtres, il paroît que la coûtume de l’Église étoit de n’ordonner aucun évêque qui n’eût passé préalablement par l’ordre de prêtrise ; c’est la disposition du concile de Sardique, can. X. Si quis ex foro, sive dives, sive scholasticus, episcopus fieri dignus habeatur, non priùs constituatur quàm lectoris, & diaconi, & presbyteri ministerium peregerit. Il veut même qu’entre chaque ordre on garde des interstices assez longs pour s’assûrer de la foi & des mœurs du sujet : & nous voyons que si dans les occasions extraordinaires, comme dans la promotion de S. Ambroise à l’épiscopat, on dispensoit de ces interstices, on ne dispensoit pas pour cela de la réception des ordres, ni par conséquent de la prêtrise ; d’où il est aisé de conclure qu’on n’en exempta ni Cécilien, ni S. Athanase, ni Agapet, ni les autres, & que l’expression cum diaconus esset, episcopus ordinatus est, doit se réduire à celle-ci, cùm diaconus esset, episcopus electus est ; ce qui n’exclut point la promotion à la prêtrise.

D’ailleurs il est difficile de concevoir comment ces ordinations n’auroient pas été nulles ; car c’est aux évêques à ordonner des prêtres, c’est-à-dire à communiquer à certains fideles le pouvoir de célébrer les saints mysteres & d’absoudre les pécheurs, pouvoir que les évêques ne peuvent communiquer,

si eux-mêmes ne l’ont reçû : or l’ordination épiscopale seule ne confere pas ce double pouvoir ; les évêques n’en pourroient donc être la source ni le principe, s’ils n’avoient été préalablement ordonnés prêtres. Mais quoique cette derniere opinion paroisse la mieux fondée, l’autre néanmoins ne peut être accusée d’erreur, l’Église n’ayant rien décidé sur ce point. Voyez Evêque. (G)

EPISCOPAUX, (Hist. mod. d’Angl.) c’est le nom qu’on donna en Angleterre sous Jacques I. à ceux qui adhéroient aux rits de l’église anglicane, par opposition aux Calvinistes, qu’on appella Presbytériens. Voyez Presbytériens.

Dans la suite, sous Charles I. ceux qui suivoient le parti du roi furent nommés Episcopaux rigides, & les parlementaires, Presbytériens rigides.

Quand Charles II. fut monté sur le throne, les différentes branches des deux partis commencerent à se mieux distinguer ; & comme ils se rapprocherent, ils formerent les deux branches de Wighs & de Torys mitigés par rapport à la religion, de même que par rapport au gouvernement.

Il faut se mettre au fait du sens qu’ont eu tous ces divers mots, suivant les tems & les conjonctures, pour-bien entendre l’histoire d’une nation libre, & par conséquent toûjours agitée, où les deux partis qui dominent dans l’état, échauffés par les disputes, animés de plusieurs passions, se distinguent par des sobriquets, par des noms particuliers plus ou moins odieux ; ces noms changent souvent, augmentent de force ou s’adoucissent, selon que le peuple, inquiet sur sa situation, grossit l’objet de ses craintes, ou revenant des impressions violentes qu’on lui a données, appaise ses frayeurs, rentre dans le calme, & se sert alors dans chaque parti de termes plus modérés que ceux qu’il employoit auparavant. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

De tous les sectaires les Episcopaux sont ceux qui sont le moins éloignés de l’église romaine, pour ce qui concerne la discipline ecclésiastique ; ils ont des évêques, des prêtres, des chanoines, des curés & autres ministres inférieurs, & un office qu’ils appellent liturgie. Il est vrai que les Catholiques ne conviennent pas que l’ordination des ministres de cette société soit légitime & valide : on a agité cette question avec beaucoup de chaleur depuis 25 ans ; le P. le Courayer, ci-devant chanoine régulier & bibliothéquaire de sainte Génevieve, aujourd’hui réfugié en Angleterre & docteur d’Oxford, ayant écrit en faveur des Anglicans, sa dissertation a été réfutée par le P. Hardouin, jésuite, & par le P. le Quien, jacobin réformé, sans parler de deux ou trois autres théologiens qui sont encore entrés en lice, & auxquels le P. le Courayer a repliqué. Voyez Ordination.

Les Episcopaux, outre ces titres, ont retenu une grande partie du droit canon & des décretales des papes pour la discipline & la police ecclésiastique. Leur liturgie, qu’ils nomment autrement le livre des communes prieres, contient non-seulement leur office public, qui est presque le même que celui de l’église latine, mais encore la maniere dont ils administrent les sacremens. Ils ont l’office des matines qu’ils commencent par Domine labia nostra aperies ; ensuite on chante le pseaume Venite, puis les pseaumes & les leçons de chaque jour : ils disent aussi le cantique Te Deum, & quelques pseaumes de ceux que nous lisons dans l’office de laudes. Ils commencent aussi leurs vêpres par les versets Domine labia nostra aperies, & Deus in adjutorium, &c. puis ils récitent les pseaumes propres au jour, & ils ont à cet effet un calendrier où sont marquées les féries & les fêtes fixes ou mobiles, ayant pour chacune des offices propres. Ils célebrent aussi les dimanches, & distinguent