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des commissaires du roi, que des députés du clergé.

Dans l’assemblée tenue en 1750, il ne fut point parlé de don gratuit de la part des commissaires du roi ; ils demanderent de sa part au clergé sept millions cinq cents mille livres, dont la levée seroit faite par cinq portions égales, sur le pié de 1500000 liv. par an, à commencer dans cette même année, pour employer au remboursement des dettes du clergé : ils ajoûterent que le roi toûjours plein d’affection pour le clergé, n’entendoit rien changer dans l’ancien usage de lui confier le soin de faire la répartition & le recouvrement des sommes pour lesquelles il devoit contribuer aux besoins de l’état..... que c’est une distinction éminente, dont le clergé joüit depuis long-tems ; qu’elle le rend en cette partie dépositaire d’une portion de l’autorité du roi.

Les députés du clergé observerent dans leurs délibérations, que les commissaires du roi ne s’étoient point servis du terme de don gratuit ; que la demande qu’ils étoient venus faire de sa part, ressembloit moins à une demande qui laissât la liberté des suffrages & le mérite de l’offre, qu’à un ordre absolu, après lequel il ne restoit plus qu’à imposer ; l’assemblée écrivit au roi une lettre à ce sujet, & le corps du clergé fit, le 10 Novembre 1750, de très-humbles remontrances à S. M. sur la liberté de ses dons.

Le roi ayant fait connoître sa volonté au clergé, tant par plusieurs réponses verbales, que par deux lettres adressées à l’assemblée, en date du 15 Septembre de la même année, rendit le même jour un arrêt en son conseil d’état, portant qu’à commencer de ladite année 1750, il seroit imposé & levé en la maniere & dans les termes accoûtumés, sur les diocèses du clergé de France, par les bureaux diocésains, & conformément aux départemens sur lesquels sont assises les impositions actuelles du clergé de France, la somme de 1500000 liv. annuellement pendant le cours de cinq années ; que par l’assemblée du clergé il seroit fait un département de ladite somme de 1500000 livres, dont le recouvrement seroit fait par le receveur général du clergé de France, & subordonnément par les receveurs des décimes, pour être ladite somme annuellement employée aux remboursemens des capitaux des rentes dûs par le clergé, & ajoûtés à celles déjà destinées à ces remboursemens.

Le clergé fit encore des remontrances au roi sur cet arrêt ; mais nous ne pouvons en détailler ici la suite, les pieces n’étant point encore devenues publiques. Voyez ce qui a été dit aux mots Clergé, Décimes ; voyez aussi les mémoires & procès verbaux du clergé ; les mémoires de Patru sur les assemblées du clergé, & sur les décimes. (A)

Don mobile, en Normandie, est un avantage que la femme accorde ordinairement au mari sur sa dot.

Il ne peut être fait que par contrat de mariage, & en faveur d’icelui, c’est pourquoi quelques-uns l’appellent aussi présent de nôces ; il ne peut être fait depuis le mariage, quand même il n’y auroit point d’enfans de ce mariage, ni espérance d’en avoir.

Le don mobile n’est point dû de plein droit, nonobstant quelques arrêts que l’on suppose avoir jugé le contraire ; cela résulte des articles 74 & 79 du réglement de 1666, par lesquels il paroît que si l’on n’en a point promis au mari, il n’en peut point prétendre.

La femme donne ordinairement en don mobile, à son futur époux, la totalité de ses meubles en propriété, & le tiers de ses immeubles aussi en propriété : il n’est pas permis de donner plus, mais on peut donner moins, cela dépend du contrat de mariage.

Il est permis à la femme mineure, pourvû qu’elle

soit autorisée de ses parens, de faire le même avantage à son mari.

Mais une femme qui auroit des enfans d’un précédent mariage, ne pourroit donner à son second mari que jusqu’à concurrence d’une part d’enfant le moins prenant dans sa succession. Art. 405. du réglement de 1666.

Le don mobile n’est point réciproque, le mari ne pouvant donner à sa femme aucune part de ses immeubles, suivant l’art. 73 du réglement de 1666.

Il n’est pas nécessaire pour la validité du don mobile, que le contrat de mariage soit insinué. Réglement de 1666, article 74 & déclaration du 25 Juillet 1729.

Le mari est saisi du don mobile du jour de la mort de sa femme, sans qu’il soit obligé d’en former la demande pour entrer en joüissance.

Quand le beau-pere a promis à son gendre une somme pour don mobile, elle ne peut être prise sur les biens de la mere de la femme, au cas que ceux du pere ne suffisent pas.

On peut donner au mari, en payement de son don mobile, des héritages de la succession du pere de sa femme, & il ne peut pas exiger qu’on lui paye son don mobile en argent.

Le mari qui n’a point eu de don mobile, doit faire emploi de la moitié des meubles échûs à sa femme pendant le mariage. Réglement de 1666, art. 79.

Le don mobile n’est point détruit par la survenance d’enfans, soit du mariage en faveur duquel il a été promis, ou d’un mariage subséquent.

Le doüaire de la femme ne peut être pris sur les immeubles qu’elle a donnés en dot à son mari, que quand ils se trouvent en nature dans sa succession ; car comme le don mobile est donné au mari pour lui aider à supporter les charges du mariage, il peut l’aliéner & en disposer, même du vivant de sa femme. Voyez les commentateurs de la coûtume de Normandie, sur les articles 390, 405, & sur les articles 73 & 39 du réglement de 1666. (A)

Don mutuel, ce terme pris dans un sens étendu, peut comprendre toute libéralité que deux personnes se font réciproquement l’une à l’autre ; mais le don mutuel proprement dit, est une convention faite entre mari & femme depuis le mariage, par laquelle ils consentent que le survivant d’eux joüira par usufruit, sa vie durant, de la moitié des biens de la communauté appartenante aux héritiers du prédécédé.

On ne doit pas confondre le don mutuel avec la donation mutuelle. Celle-ci peut être faite entre toutes sortes de personnes autres que les conjoints par mariage, & elle peut comprendre tous les biens dont il est permis par la loi de disposer. Les futurs conjoints peuvent aussi, par contrat de mariage, se faire de semblables donations mutuelles ; au lieu que le don mutuel n’a lieu qu’entre conjoints, & ne comprend que l’usufruit de la moitié que le prédécédé avoit en la communauté. Voyez ci-après Donation mutuelle.

Le don mutuel, entre les conjoints, étoit inconnu chez les Romains ; les conjoints avoient toute liberté de s’avantager par testament, mais ils ne pouvoient rien se donner entre-vifs : il y a donc lieu de croire que l’usage du don mutuel vient plûtôt des Germains ; en effet, on le pratiquoit déjà en France dès le tems de la premiere race de nos rois, comme il paroît par les formules de Marculphe, chap. xij. liv. I. où M. Bignon applique l’art. 280. de la coûtume de Paris, qui concerne le don mutuel.

Quelques anciens praticiens l’appellent le soulas des mariés privés d’enfans, parce qu’il ne peut avoir lieu que dans le cas où les conjoints n’ont point d’en-