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encore quelquefois faire revivre ses anciens droits sur Rome & sur l’Italie ; mais de tous ces pays, il ne lui reste guere que de vains titres, sans aucune jurisdiction réelle. C’est ainsi que l’empire d’Allemagne continue toûjours à s’appeller le saint empire Romain, l’empire Romain-Germanique, &c.

Il y a des auteurs qui ont trouvé très-difficile à déterminer le nom qu’il falloit donner au gouvernement de l’Empire. En effet, si on le considere comme ayant à sa tête un prince à qui les états de l’Empire sont obligés de rendre hommage, de jurer fidélité & obéissance, en recevant de lui l’investiture de leurs fiefs, on sera tenté de regarder l’Empire comme un état monarchique. Mais d’un autre côté l’empereur ne peut être regardé que comme le représentant de l’Empire, puisqu’il n’a point le droit d’y faire seul des lois : il n’a point non plus le domaine direct des fiefs, puisqu’il n’a que le droit d’en donner l’investiture, sans avoir celui d’en priver, sous aucun prétexte, ceux qui les possedent, sans le consentement de l’Empire ; d’ailleurs, en parlant des états, l’empereur les appelle toûjours nos vassaux & de l’Empire. Si on considere la puissance & les prérogatives des états de l’Empire, la part qu’ils ont à la législation, les droits que chacun d’eux exerce dans les territoires qui leur sont soûmis, & que l’on nomme la supériorité territoriale, on aura raison de regarder l’Empire comme un état aristocratique. Enfin, on trouvera la démocratie dans les villes libres qui ont voix & séance aux dietes de l’Empire. D’où il faut conclure que le gouvernement de l’Empire est celui d’une république mixte.

L’illustre président de Thou (Annales de l’Empire, tome II. p. 332. au sujet de la paix de Westphalie) en parlant de l’empire Germanique, dit qu’il est étonnant que tant de peuples puissans, sans y être forcés, ni par la crainte de leurs voisins, ni par la nécessité, ayent pû concourir à former un état si puissant, & qui a subsisté pendant tant de siecles, & que jamais on n’a vû un corps plus robuste malgré la foiblesse de la plûpart de ses membres. (Voyez l’hist. du Président de Thou, liv. II.) Mais on nous permettra de dire que cette observation n’est pas tout-à-fait juste ; car si l’on fait attention à ce qui a été dit au commencement de cet article, on verra que ces peuples ne se sont point réunis pour faire un état, mais que des sujets puissans d’un même état se sont rendus souverains, sans pour cela se séparer de l’état auquel ils appartenoient ; & c’est l’intérêt, le plus puissant mobile, qui les y a tenus attachés les uns aux autres ; union qui leur a donné les moyens de se maintenir.

Il n’est point douteux que l’Empire, composé d’un grand nombre de membres très-puissans, ne dût être regardé comme un état très-respectable à toute l’Europe, si tous ceux qui le composent concouroient au bien général de leur pays. Mais cet état est sujet à de très-grands inconvéniens : l’autorité du chef n’est point assez grande pour se faire écouter : la crainte, la défiance, & la jalousie, regnent continuellement entre les membres : personne ne veut céder en rien à son voisin : les affaires les plus sérieuses & les plus importantes pour tout le corps sont quelquefois négligées pour des disputes particulieres, de préséance, d’étiquette, de droits imaginaires & d’autres minuties. Les frontieres sont mal gardées & mal fortifiées ; les troupes de l’Empire sont peu nombreuses & mal payées ; il n’y a point de fonds publics, parce que personne ne veut contribuer. Cette liberté du corps Germanique si vantée, n’est que l’exercice du pouvoir arbitraire dont joüit un petit nombre de souverains, sans que l’empereur puisse les empêcher de fouler & d’opprimer le peuple, qui n’est compté pour rien, quoique ce soit en lui que réside la force

d’une nation. Le commerce est dans des entraves continuelles par la multiplicité des droits qu’exigent ceux sur le territoire de qui les marchandises passent, ce qui rend presque inutiles ces beaux fleuves & ces rivieres navigables dont l’Allemagne est arrosée. Les tribunaux destinés à rendre la justice sont mal salariés, & le nombre des juges insuffisant : dans les dietes de l’Empire les résolutions se prennent avec une lenteur insupportable, & rendent cet état ridicule aux yeux des autres peuples chez qui la lenteur du corps Germanique a presque passé en proverbe ; c’est sur quoi l’on a fait anciennement ces mauvais vers latins qui peignent assez la vraie situation de l’Empire :

Protestando convenimus,
Conveniendo competimus,
Competendo consulimus,
In confusione concludimus,
Conclusa rejicimus,
Et salutem patriæ consideramus,
Per consilia lenta, violenta, vinolenta.


Voyez Vitriarii Institut. juris publici, lib. IV. tit. xj. Voyez les articles Allemagne, Diete, Constitution de l’Empire, Empereur, Etats, &c. (—)

Empire de Galilée ou haut et souverain Empire de Galilée, (Jurisprud.) est le titre que l’on donne à une jurisdiction en dernier ressort que les clercs de procureurs de la chambre des comptes ont pour juger les contestations qui peuvent survenir entr’eux.

Cette jurisdiction est pour les clercs des procureurs de la chambre des comptes ce que la basoche est pour ceux des procureurs au parlement.

L’institution en est sans doute fort ancienne, puisque l’on a vû à l’article de la Chambre des Comptes que dès 1344 il y avoit dix procureurs, dont le nombre fut dans la suite augmenté jusqu’à vingt-neuf.

On ne sait pas au juste le tems auquel les procureurs de la chambre commencerent à avoir chez eux des clercs ou aides pour les soulager dans leurs expéditions. Ils en avoient déja en 1454, suivant une ordonnance de cette année, rapportée au mem. L. fol. 90. v°. qui porte que les comptables feront ou feront faire par leurs procureurs ou clercs leurs comptes de bon & suffisant volume.

Il paroît même qu’il y avoit déja des clercs de procureurs avant 1454, & que l’empire de Galilée subsistoit dès le commencement du quinzieme siecle. En effet, dans le préambule d’un réglement fait par M. Barthelemi maître des comptes, en qualité de protecteur de l’empire (dont on parlera plus amplement ci-après) il est dit que s’étant fait représenter les réglemens, comptes, titres & papiers dudit empire, il auroit reconnu, même par les anciens mémoriaux de la chambre, que ledit empire y est établi depuis plus de 300 ans, composé de clercs de procureurs de la chambre, pour leur donner moyen, par leurs assemblées & conférences, de se rendre capables des affaires & matieres de finances pour lesquelles ils sont élevés.

Ainsi, suivant le préambule de ce réglement, l’empire de Galilée étoit déjà formé dès avant 1405 : on trouve en effet des comptes fort anciens rendus par les trésoriers de l’empire, entr’autres un de l’année 1495.

Ces clercs tenant entr’eux des assemblées & conférences touchant leur discipline, formerent insensiblement une communauté qui fut ensuite autorisée par divers réglemens de la chambre des comptes, & les officiers de cette communauté ont été maintenus dans tous les tems dans l’exercice d’une jurisdiction en dernier ressort sur les membres & suppôts de cette communauté.