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le commandant des fideles ou des croyans, c’est un titre qu’ont pris les Almoravides & les Almohades qui ont regné en Afrique & en Espagne. Diction. de Trév. Moréry, & Chambers. (G)

EMISSAIRE, s. m. (Hist. mod.) personne de confiance, adroite & capable, qu’on envoie sourdement pour sonder les sentimens ou les desseins d’autrui, ou lui faire quelque proposition ou ouverture, semer des bruits, épier les actions & la contenance d’un ennemi, d’un parti contraire, pour tirer avantage de tout cela.

Ce mot est formé du latin e, & mitto, qui signifie j’envoie dehors.

Les chefs de partis ont plusieurs émissaires qui s’employent pour leurs intérêts, qui leur rapportent tout ce qui se passe dans le monde, pour prendre là-dessus leurs mesures ; en conséquence on dit que le pape & le prétendant ont leurs émissaires en Angleterre. Voyez le Dictionn. de Trév. & Chambers. (G)

EMISSION, s. f. on appelle ainsi, en Physique, l’action par laquelle un corps lance ou fait sortir hors de lui des corpuscules. Voyez Emanation, Exhalaison, &c.

C’est une grande question que de savoir si la lumiere se fait par pression ou par émission, c’est-à-dire si elle se communique à nos yeux par l’action du corps lumineux sur un fluide environnant, ou par des corpuscules qui s’élancent du corps lumineux jusqu’à l’organe. En attendant que nous traitions cette question plus en détail au mot Lumiere, nous croyons devoir faire ici quelques réflexions sur une preuve que des philosophes modernes ont crûe très-favorable au système de l’émission. Les observations de Roëmer, disent-ils, sur les éclipses des satellites (voyez Satellite & Lumiere), prouvent que la lumiere, soit par pression soit par émission, vient du soleil à nous en huit minutes & demie ; les observations de l’aberration prouvent que la vîtesse, soit actuelle soit de tendance, que les corpuscules de la lumiere ou de l’éther ont en parvenant à nos yeux, est précisément celle qu’il leur faut pour parcourir en huit minutes & demie la distance du soleil à nos yeux : n’est-il donc pas bien vraissemblable qu’en effet les corpuscules lumineux viennent du soleil à nous par un mouvement de transport ? Voy. les mém. de l’acad. 1739.

Pour apprétier le degré de force de ce raisonnement, j’ai considéré une suite de petites boules élastiques égales, rangées en ligne droite, & j’ai comparé le tems qu’une de ces boules mettroit à parcourir un espace donné, avec le tems qu’il faudroit pour que le mouvement de la premiere boule se communiquât à la derniere. Prenons d’abord deux boules égales & à ressort, dont le diametre soit d, & dont l’une soit en repos & soit choquée par l’autre avec la vîtesse V. Soit a l’espace qui est entre l’extrémité antérieure de la boule choquante & l’extrémité postérieure de la boule choquée, V étant la vîtesse de la boule choquante, il est visible, 1°. que l’extrémité antérieure de cette boule parcourra l’espace a dans le tems , & qu’alors elle atteindra l’autre boule ; 2°. dans ce moment, comme on le prouvera à l’article Percussion, l’extrémité antérieure de la boule choquante & l’extrémité postérieure de la boule choquée, qui forment le point de contact sur lequel se fait la compression, auront la vîtesse commune  ; c’est-à-dire que l’une qui avoit la vîtesse V, perdra la vîtesse , & que l’autre qui étoit en repos recevra la vîtesse  ; & si on nomme x l’espace que le point de contact parcourt pendant que le ressort se bande & débande, le point de contact par-

courra cet espace x avec la vîtesse pendant le tems

. Alors la premiere boule reste en repos, & l’extrémité antérieure de la boule choquée parcourt un espace quelconque c avec la vîtesse V dans le tems . L’espace qui se trouve alors entre le lieu qu’occupoit avant le choc l’extrémité antérieure de la boule choquante, & le lieu qu’occupe actuellement l’extrémité antérieure de la choquée, est évidemment égal à  ; or l’extrémité antérieure de la boule choquante, si elle n’eût point rencontré d’obstacle, auroit parcouru cet espace dans un tems égal à . Donc en supposant seulement deux boules, la différence du tems par émission ou transport, & du tems par pression, est  ; s’il y a trois boules, cette différence sera , & ainsi de suite ; & si le nombre n des boules est très-considérable, elle sera sensiblement . Donc le premier tems sera égal, plus grand, ou plus court que le second, selon que d sera égal, plus grand ou plus petit que x, c’est-à-dire selon que le diametre d’une des boules sera égal, plus grand ou plus petit que l’espace parcouru par le point de contact durant le bandement & le débandement du ressort. Il n’y a donc qu’un cas pour l’égalité des deux tems, & une infinité pour leur inégalité : c’est pourquoi la preuve alléguée ci-dessus a de la force ; mais elle n’est pas rigoureusement démonstrative.

Quoique la lumiere, si elle se propage par pression, ne se propage peut-être pas exactement de la même maniere que le mouvement ou la tendance au mouvement dans une suite de boules élastiques, j’ai crû que la théorie précédente pouvoit servir au moins à nous éclairer jusqu’à un certain point sur la question proposée.

Il est bon de remarquer au reste, pour prévenir toute difficulté sur ce sujet, que l’accord de la théorie de l’aberration avec le système de l’émission de la lumiere, ne suppose pas qu’on connoisse la vraie distance de la terre au soleil ; il suppose seulement qu’un arc de 20″ dans l’orbite terrestre soit parcouru par la terre en 8′ , ce qui est vrai. Voyez Aberration, & les institut. astron. page 95 & 301. (O)

Emission, (Physiol.) est un terme employé pour exprimer le sentiment de Pythagore & de ses sectateurs sur la vision ; ils imaginoient qu’il sort des objets certaines especes visibles, qui sont fort grandes lorsqu’elles sont encore proches de ces objets, mais qui deviennent plus petites lorsqu’elles s’en éloignent davantage, jusqu’à ce qu’elles soient enfin réduites à une telle petitesse, qu’elles puissent entrer dans l’œil & se faire alors appercevoir à l’ame. L’action par laquelle ces especes sortent des objets, est ce que ces philosophes appellent émission. C’est dans le même sens que les Platoniciens se servent aussi de ce terme pour exprimer l’action par laquelle ils prétendoient qu’il sort de l’objet & de l’œil certains écoulemens, qui se rencontrent & s’embrassent les uns les autres à mi-chemin, d’où ils retournent ensuite dans l’œil, & portent par-là dans notre ame l’idée des objets.

Si ces sentimens étoient fondés, ne devrions-nous pas appercevoir dans l’obscurité les objets, de la même maniere que nous les voyons lorsqu’ils sont exposés à la lumiere ? Mais on voudroit bien savoir quelle est la nature de ces especes, ou de ces écoulemens prétendus ; comment ils sortent de l’objet, ou de l’œil, ou de tous les deux ensemble ; quelle est la cause de l’émission qui s’en fait, & par qui ils sont produits ? Mussch. essai de physique. Voyez Especes. (d)

Emission de vœux, (Jurispr.) est la profession