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aussi lieu dans le vuide, avec quelques circonstances particulieres.

Il paroît donc, par tout ce que nous venons de dire de l’attraction & de la répulsion, 1°. que les corps legers sont attirés par ceux qui sont électriques, jusqu’à ce qu’ils soient autant électrisés qu’eux par la communication, & que leurs atmospheres soient devenues aussi denses que celle du corps qui la leur a communiqué.

2°. Que dès le moment qu’ils ont acquis cette atmosphere, l’attraction cesse & la répulsion commence.

3°. Qu’il n’y a de répulsion qu’entre les corps qui sont devenus également électriques.

4°. Que cette répulsion dure tant que subsiste l’égale densité des atmospheres, & qu’elle cesse des qu’on affoiblit l’une ou l’autre ; qu’alors l’attraction recommence jusqu’à ce que l’égale densité soit rétablie, d’où il résulte une nouvelle répulsion.

5°. Que la répulsion peut subsister entre deux corps qui ne se sont jamais attirés mutuellement, pourvû qu’ils ayent des atmospheres également denses ; comme entre un nouveau tube de verre, & la feuille d’or repoussée ; entre deux feuilles d’or repoussées par un même ou par deux différens tubes ; entre deux tubes de verre frotés, & suspendus par des soies ; entre deux rubans de soie frotés & approchés l’un de l’autre ; enfin entre tous les corps électrisés par communication, & qui conservent leurs atmospheres électriques.

6°. Que la répulsion est d’autant plus forte entre deux corps électriques, c’est-à dire qu’ils s’éloignent davantage l’un de l’autre, qu’ils sont plus fortement électrisés ; ensorte que par les espaces dont ils s’écartent dans leurs différens degrés de répulsion, on peut estimer leurs forces réciproques électriques. On s’est servi avec avantage de cette propriété des corps électriques, pour mesurer leurs différens degrés d’électricité. Voyez Electrometre.

Nous ne saurions rapporter dans cet article toutes les découvertes que les Physiciens ont faites pendant ces dernieres années sur l’électricité ; nous nous contentons d’avoir donné ici une idée générale de la distribution de cette matiere dans les différens corps de la nature, & d’avoir exposé les effets de sa propriété attractive & répulsive. Nous examinerons ailleurs ses autres propriétés. Voyez Coup foudroyant, Conducteur, Feu électrique, Météores. Cet article est de M. le Monnier medecin ordinaire de S. M. à Saint-Germain-en-Laye, & de l’académie royale des Sciences, auteur des articles Aimant, Aiguille, &c.

Electricité médicinale. Dès le tems qu’on n’employoit encore que le tube de verre pour les expériences de l’électricité, quelques physiciens avoient recherché les effets qu’étoit capable de produire sur le corps humain la matiere électrique actuellement en action. Les découvertes furent très-bornées, parce que le frotement du tube ne donnoit pas des résultats d’expérience assez sensibles ; mais à peine eut-on substitué le globe de verre au tube, que les merveilles de l’électricité se développerent plus sensiblement dans une longue suite d’expériences, & parurent dans un plus grand jour. Les aigrettes lumineuses, les torrens de lumiere qui sortirent des barres de fer électrisées, répandirent une odeur de phosphore qu’on n’a pas pû méconnoître. La salive lumineuse qui sort de la bouche d’une personne actuellement électrisée, le sang lumineux jaillissant d’une veine ouverte, la terrible commotion, la secousse que fait sentir l’étincelle foudroyante dans l’expérience de Leyde ; ces faits principaux, sans parler des autres, firent conclure que le corps humain étoit un des plus amples magasins de matiere

électrique ; que cette matiere y étoit, comme dans les autres corps, d’une mobilité étonnante ; qu’elle y étoit capable d’une inflammation générale & subite, ou d’une sorte d’explosion ; qu’étant ainsi mise en action, elle parcouroit en un instant les plus petits canaux ; qu’elle devoit par conséquent produire des changemens sur le fluide nerveux ; & on a même soupçonné que la matiere de ce fluide contenue dans les nerfs des animaux, est de nature électrique. D’ailleurs l’idée que fournit le fourmillement, produit dans les parties électrisées, a donné lieu à tenter quelque chose pour rendre l’électricité utile à la Medecine.

On s’est donc déterminé à appliquer le globe électrique à la Medecine, on a tenté de guérir les paralytiques ; M. l’abbé Nollet, avec M. de la Sône, de l’académie des Sciences, ont les premiers tenté ces expériences : leur exemple a été bientôt suivi par M. Morand & d’autres habiles physiciens.

On fit d’abord subir la commotion de Leyde plusieurs fois & plusieurs jours de suite, à différentes personnes de l’un & de l’autre sexe. Dans quelques-unes la commotion parut ne se faire que peu-à-peu & par gradation, dans les parties paralysées ; d’autres la sentirent dès les premieres expériences : presque tous eurent des douleurs sourdes, & une espece de fourmillement dans les organes paralysés, plusieurs jours après que les expériences furent faites. Mais aucun ne fut guéri à Paris.

Dans ce tems M. le Cat, célebre chirurgien de Roüen, fit part à l’académie royale des Sciences, dont il est correspondant, de la guérison d’un paralytique qu’il avoit électrisé. Le fait parut surprenant, & l’on pensa qu’il pourroit bien y avoir quelques circonstances dans certaines paralysies d’où dépendroit le succès de l’électricité.

M. Louis soûtint à-peu-près dans le même tems, que l’on ne pouvoit guérir la paralysie par le moyen du globe électrique.

M. Jallabert, habile professeur de Physique à Geneve, communiqua à l’académie royale des Sciences dont il est correspondant, un fait des plus étonnans. C’est la guérison presque totale d’un bras paralytique & atrophié depuis plus de dix ans. M. Jallabert instruit des tentatives peu heureuses qu’on avoit faites à Paris & en divers autres lieux, en communiquant simplement aux malades la commotion de Leyde comme on le fait ordinairement, voulut s’y prendre d’une autre maniere. Il électrisa fortement son paralytique ; & de toutes les parties de la peau qui répondent aux différens muscles moteurs de l’avant-bras & du bras, il tira successivement un grand nombre d’étincelles. Dès les premiers jours le malade commença à remuer les doigts, & à faire quelqu’autre mouvement. Les expériences ayant été continuées tous les jours de la même maniere, la liberté & l’étendue des mouvemens de tout le bras paralytique, augmenterent par gradation & assez rapidement ; mais ce qui surprit le plus, ce fut de voir ce bras qui depuis long-tems étoit atrophié & en partie desséché, reprendre nourriture, grossir & redevenir presque semblable au bras sain : alors on observa qu’en tirant les étincelles sur les différens muscles de ce bras paralytique, il y paroissoit en même tems une agitation involontaire dans les fibres, une espece de mouvement vermiculaire, ou comme un petit mouvement convulsif. Enfin le malade fut électrisé jusqu’à ce qu’il pût porter la main au chapeau, l’ôter de dessus sa tête & l’y remettre, & soûlever encore certains corps pesans.

Le fait publié par M. Jallabert étoit trop authentique & trop intéressant, pour ne pas mériter beaucoup d’attention ; il étoit, ce semble, confirmé par des expériences faites à Montpellier par M. de Sau-