L’Encyclopédie/1re édition/ELECTROMETRE

◄  ELECTRISER
ELECTUAIRE  ►

ELECTROMETRE, s. m. (Physiq.) c’est le nom d’un instrument, qui sert à mesurer la force de l’électricité. Il est formé des mots grecs, ἤλεκτρον, ambre, & μέτρον, mesure.

Avant que d’en donner la description, il est à-propos de faire quelques réflexions sur les avantages qu’on retire dans la Physique des instrumens de cette espece, c’est-à-dire qui servent à mesurer les divers degrés d’une force ou d’une vertu dont on observe les effets.

L’ignorance où nous sommes sur la plûpart des causes & sur la chaîne des effets qui en dépendent, fait que souvent nous croyons que tels & tels effets sont produits par différentes causes, lorsqu’ils résultent uniquement du plus ou moins de force de la même cause ; comme on pourroit le prouver par des des exemples sans nombre. On ne peut donc trop s’attacher dans la Physique à observer la parité des circonstances ; afin 1°. d’obvier aux variétés qui pourroient naître de la différence de ces circonstances, ou au moins de pouvoir reconnoître à quoi l’on peut attribuer ces variétés ; 2°. de pouvoir répéter les mêmes expériences, avec quelque certitude d’observer les mêmes phénomenes ; 3°. enfin pour les décrire de façon que les autres puissent avoir un succès semblable en les répétant, ou si cela n’arrive pas, qu’ils puissent démêler la cause qui les en a empêché. Aussi voyons-nous souvent les plus grands physiciens descendre, dans la description de leurs expériences, dans des détails qui peuvent sembler minutieux à des personnes qui ont peu étudié la nature, mais qui n’en paroissent pas moins nécessaires aux yeux de ceux qui l’ont suivie de plus près. Ils savent bien que dans plusieurs occasions les circonstances qui nous paroissent peu importantes, sont souvent celles qui produisent ces irrégularités que nous remarquons avec tant d’étonnement. On ne peut donc observer trop soigneusement la parité des circonstances. Mais comment le fera-ton, si l’on n’a pas des moyens de s’assûrer que la cause principale qui opere les phénomenes que l’on observe, est toûjours à-peu-près la même, ou si elle change, quelle est la nature de ses variations ? Or c’est à quoi on ne peut parvenir que par des instrumens tellement construits relativement à la nature de cette cause, qu’ils nous indiquent aussi sûrement qu’il est possible ses divers changemens : on voit par-là combien il est utile de multiplier les instrumens de cette espece. On sait assez les avantages que l’on a retiré des barometres & des thermometres, depuis sur-tout qu’on a fait ces derniers sur des échelles, de maniere à pouvoir comparer leurs divers degrés de froid & de chaud dans différens climats.

Or s’il y a une partie de la Physique où un instrument de l’espece de ceux dont je viens de parler soit nécessaire, c’est sûrement dans l’électricité qui est si changeante, tantôt forte, tantôt foible ; le seul changement de position des mains par rapport à l’équateur du globe que l’on frote, l’augmente ou la diminue. Si donc l’on n’est pas en état d’estimer ou de connoître les variations de cette force, on sera à tout moment exposé à tirer de fausses conséquences des expériences les plus simples ; & il n’y a presque pas lieu de douter, que si plusieurs physiciens ont embrassé des sentimens différens sur divers phénomenes de l’électricité, c’est par cette raison ; parce que l’un ayant fait ses expériences avec une électricité plus forte que l’autre, cette seule différence dans la force a suffi pour en produire de telles dans les effets qu’elles les ont portés à en déduire des conséquences très-différentes. Un électrometre les eût bien-tôt mis d’accord, en leur faisant voir que ces différences qu’ils ont observées, ne naissoient que de celle de la force électrique. Ceci nous montre clairement combien cet instrument est nécessaire pour faire avec quelque succès des expériences sur cette matiere. Il y a plus : c’est qu’avec des instrumens de cette espece bien construits & universels comme le thermometre, c’est-à-dire dont on pourroit comparer les degrés d’élévation dans différens pays, on pourroit peut-être parvenir à décider une question importante ; savoir, si l’électricité a le même degré de force dans les différens climats ; si elle est plus forte dans les septentrionaux que dans les méridionaux, & de combien.

La nécessité de cet instrument étant établie, il ne reste plus qu’à choisir parmi les divers phénomenes de l’électricité, celui qui est le plus propre à donner une mesure exacte & générale de la force électrique ; mais c’est ce qui n’est pas difficile à faire, la répulsion étant le seul dont on puisse faire usage dans cette vûe. Car si l’on y employe l’attraction, ce sera celle d’un corps soûtenu ou par des non électriques ou par des électriques par eux-mêmes : dans le premier cas, à mesure que le corps sera attiré, il dérobera de l’électricité à celui qui l’attire, & ainsi cette vertu se perdant à chaque instant, on n’en pourra estimer la force : dans le second, le corps s’électrisant à mesure qu’il est attiré, & cet effet diminuant instantanement la force avec laquelle il est attiré, cette maniere ne pourra encore servir de mesure ; parce qu’on pourra attribuer à la diminution de l’électricité dans le corps attirant, ce qui sera produit uniquement par l’électrisation du corps attiré ; si l’on se sert des aigrettes, elles augmenteront ou diminueront, non-seulement selon le nombre & la figure des parties aiguës du système des corps électrisés, mais encore selon que les corps non électriques circonvoisins en seront plus ou moins près. De plus ces aigrettes étant formées par le fluide électrique qui s’échappe des corps électrisés, l’électricité diminuera d’autant plus que ces corps auront un plus grand nombre de points ou de parties capables de rendre des aigrettes, & que ces parties seront plus aiguës. Ce moyen sera donc encore imparfait ; puisqu’outre son incertitude, on ne pourra en faire usage sans faire perdre aux corps électriques une partie de leur électricité. Enfin les étincelles n’en fournissent pas un plus certain ; car ces étincelles sont plus fortes ou plus foibles selon que la masse des corps électrisés est augmentée ou diminuée, selon que l’on les tire de parties plus ou moins lisses de la surface d’un même corps, ou que l’on les tire avec des corps qui approchent plus ou moins de la figure sphérique. Voyez Electricité. Il résulte de tout cela que la répulsion, comme je l’ai dit, est le seul moyen sûr & général dont on puisse se servir pour mesurer la force électrique : c’est aussi celui que nous avons employé M. le chevalier d’Arcy & moi dans l’instrument dont je donnerai la description dans un moment, & qui est, si je ne me trompe, le premier électrometre que l’on ait exécuté. Cependant on dira peut-être, comme je sais qu’on l’a déja fait, qu’il est trop-tôt de penser à un électiometre ; qu’il faut avant toutes choses que ce que l’on veut mesurer soit saisissable de tout point, sans quoi la mesure ne fait qu’embrouiller. Mais je demanderai ce qu’on entend par ce saisissable de tout point : si on entend qu’un électrometre doit mesurer à-la-fois l’attraction, la répulsion, la grandeur des aigrettes, la force des étincelles, &c. c’est demander un être chimérique. Mais si l’on entend seulement qu’en mesurant la force électrique, ou en nous montrant ses variations, il doit nous indiquer toutes celles qui en doivent résulter dans les phénomenes dont je viens de faire mention (lorsque toutes les circonstances restent absolument les mêmes), on a raison ; & c’est, je puis l’assûrer, ce que fait l’électrometre dont il sera question dans cet article. Car si toutes les circonstances d’un système de corps électriques restent les mêmes ainsi que celles des corps qui les environnent ; quand cet instrument marquera que la force électrique est augmentée, les aigrettes des corps électrisés deviendront plus grandes & plus vives, l’attraction sera plus forte, & les étincelles que l’on tirera avec le même corps & des mêmes points de la surface d’un des corps électrisés, seront aussi plus fortes, &c. Mais si l’on suppose la figure de ces corps changée, leur masse augmentée ou diminuée, & les corps circonvoisins plus près ou plus éloignés ; alors l’électrometre n’indiquera ni ne pourra indiquer diverses variétés des phénomenes dont je viens de parler, qui résultent uniquement de ces changemens de masse, de figure, &c. parce qu’ils suffisent, comme je l’ai exposé plus haut, pour produire des différences dans ces phénomenes, quoique la force électrique soit toujours au même dégré dans chaque partie qui compose le système de corps électrisés.

Il suit de tout ceci, qu’il n’est point trop tôt pour penser à un instrument servant à mesurer la force de l’électricité ; que la repulsion nous fournit un moyen sûr & général de le faire ; & qu’un électrometre construit en conséquence, loin d’embrouiller, peut au contraire éclaircir beaucoup de difficultés ; & c’est j’ose dire, ce qu’a fait l’électrometre suivant, nous ayant servi à M. d’Arcy & à moi à nous assûrer de plusieurs faits, & entr’autres de ceux-ci : savoir, 1°. que la force électrique est toûjours comme les surfaces & non comme les masses. 2° : qu’elle a la propriété des fluides qui par les lois de pression se répandent toûjours également quels que soient les canaux de communication, &c. Voyez Electricité. Voyez les mémoires de l’Academie de 1749. pag. 63.

Description de l’électrometre. Dans un grand vase AB plein d’eau (Pl. Phys. fig. 75), on plonge une bouteille CD de verre, que les marchands appellent œuf philosophique ; à l’extrémité de cette bouteille, on adapte une verge V parfaitement cylindrique d’une ligne de diametre & de 12 pouces de long. Le vase AB se recouvre d’une plaque de laiton H percée d’un grand trou à son centre (qui est aussi celui du vase), afin que la verge puisse passer à-travers très-librement. Sur l’extrêmité supérieure de la verge, on fait entrer une petite plaque circulaire L de laiton de 14 lignes de diametre. L’œuf est plongé dans le vase AB (plein d’eau, comme je l’ai déjà dit) à une certaine profondeur, qui doit être telle, que l’instrument étant en repos, c’est-à-dire n’étant pas électrique, l’extrêmité inférieure de l’œuf soit fort près du fond du vase, sans cependant y toucher. Pour que l’œuf & la verge soient toujours dans une situation verticale, on met dans le premier du mercure qui sert de leste ; par ce moyen le centre de gravité étant fort bas, le tout se tient perpendiculairement à l’horison, & éprouve en haussant ou en baissant le moins de balancement qu’il est possible. Comme cet œuf, s’il n’en étoit empêché, iroit vers les bords du vase, & floteroit tantôt d’un côté, tantôt de l’autre ; on l’oblige de rester au centre de la maniere suivante. Sur la plaque H dont j’ai parlé, on fixe en croix des fils d’argent fort deliés, tels que ceux des micrometres ; cette croix est formée par des fils doubles qui laissent entr’eux au centre de la plaque un petit espace quarré, qui étant plus grand que le diametre de la verge, lui permet de monter & de descendre entre ces fils, sans éprouver aucun frotement sensible, & cependant sans s’écarter du centre ; il arrive même un effet fort singulier, c’est que lorsque toute la machine est bien électrique, la verge est contenue au milieu de ces fils presque sans y toucher, parce qu’étant électrique comme eux, elle les évite continuellement.

Après cette description, on imaginera sans peine comment cet instrument fait son effet, sur-tout si l’on refléchit sur ce principe d’Hydrostatique (Voyez Hydrostatique), qu’un corps plongé dans l’eau surnage ou s’y enfonce selon qu’un volume d’eau semblable à celui qu’il occupe est plus leger ou plus pesant que ce même corps. Il suit de ce principe qu’un volume d’eau égal à celui de l’œuf & de la partie de la verge qui trempe dans l’eau, lorsque le tout est en repos, pese autant que l’œuf, la petite plaque & toute la verge ; conséquemment si le tout s’éleve d’un pouce, la puissance qui le soûtiendra à cette hauteur, soûtiendra un poids égal à un volume d’eau de la grosseur de la verge & d’un pouce de haut, puisque le volume d’eau que l’œuf & la verge occupent alors, est diminué de cette quantité. Si donc différentes puissances le soûtiennent à 1, 2, 3, 4 pouces, &c. de hauteur au-dessus du point de repos ; ces puissances seront entr’elles comme ces nombres, c’est-à-dire, doubles, triples, quadruples, &c. Or l’électricité produit le même effet sur cet instrument, c’est-à-dire, qu’elle fait la fonction d’une puissance qui le soûtiendroit à 1, 2, 3, 4 pouces, &c. au-dessus de son point de repos ; on peut donc par son moyen mesurer tous les différens dégrés de force de cette vertu. En effet si l’on suppose pour un moment toute la machine composée du vase AB de l’œuf, &c. posée comme elle est en K, dans la fig. 76, sur un récipient de verre, ou sur quelqu’autre matiere qui ne laisse point passer l’électricité, & que le vase AB devienne électrique, la verge V le deviendra aussi, comme la plaque L. Mais tout le monde sait que les corps électriques se repoussent ; ainsi la petite plaque L & la verge V étant repoussées par la grande plaque H, s’éleveront nécessairement plus ou moins selon que l’électricité sera plus forte ou plus foible. L’électricité fera donc alors, comme je l’ai dit plus haut, la fonction d’une puissance qui soûtiendroit l’instrument à une certaine hauteur ; & comme ces puissances sont proportionnelles aux hauteurs de l’instrument au-dessus du point de repos, ces mêmes hauteurs seront aussi proportionnelles aux différentes forces électriques ; ce qui prouve ce que j’ai avancé, que notre instrument mesure exactement tous les différens degrés de la force électrique ; il est donc un véritable électrometre : mais il y a plus, cet électrometre peut être employé comme instrument, soit pour faire un grand nombre d’expériences sur l’électricité, soit pour déterminer les lois d’attraction, de répulsion, de diffusion, de transmission, &c. de l’électricité ; propriété qui n’est pas moins importante que celle de mesurer la force électrique.

Maniere de se servir de cet instrument. Les corps électriques ayant cet inconvénient, qu’on ne peut en approcher sans leur dérober l’électricité ; il est clair que si l’on étoit assez près de l’électrometre pour juger de ses mouvemens avec précision, on lui enleveroit l’électricité. Afin donc de parer cet inconvénient, on place dans une partie de la chambre où l’on fait ses expériences, une grande lanterne dans laquelle on met une grosse bougie, qui projette sa lumiere par un trou, sur un ou deux électrometres situés comme on le voit en K dans la fig. 76. Derriere ces électrometres on fixe un cadre Q très-solide, dont toute la partie X est de bois ; elle peut-être de toute autre matiere opaque. Dans ce cadre on fait deux ouvertures rectangulaires ou fenêtres FT, on met dans ces fenêtres des glaces GG qui ne sont qu’adoucies ; & sur ces glaces, on marque des divisions très-précises avec de l’encre de la Chine bien noire.

Il faut que ce cadre soit toûjours placé de façon que la projection des électrometres tombe sur ces glaces ; & au moyen de la figure conique qu’on donne à l’extrêmité de la verge, elle y forme une ombre très-nette. Comme ces glaces sont transparentes, l’observateur placé derriere en F, voit de la maniere la plus distincte, toutes les différentes élevations de l’électrometre, & est par-là en état de juger avec la derniere précision de toutes ces variations. Le plan du cadre étant supposé perpendiculaire à l’horison, & l’électrometre, ou plutôt sa verge, haussant & baissant dans un plan parallele ; il est évident que l’élévation & l’abaissement de l’ombre sont toûjours proportionnels à ceux de l’électrometre. On sent facilement que le cadre que je viens de décrire pourroit n’avoir qu’une fenêtre, mais l’électrometre pouvant aussi servir d’instrument, comme je l’ai dit, il est à propos qu’il en ait deux, afin que l’électrometre véritable, & celui qui ne sert que d’instrument, étant plus près, on puisse les observer plus commodément : au reste, l’intervalle entre l’un & l’autre doit être tout au moins de 30 pouces.

On voit par la construction de cet électrometre, qu’il a les propriétés essentielles à un instrument de cette espece ; car, 1°. la force électrique étant très foible, il faut un instrument très-mobile & fort sensible, aussi un poids de 8 grains posé sur la petite plaque, le fait-il baisser de plus de 4 pouces.

La force électrique étant fort changeante, il faut un instrument, lequel n’agissant pas par saut, soit en état de donner à chaque instant ses variations ; & celui-ci tendant toûjours au repos, & n’étant soûtenu hors de cet état que par la répulsion des plaques, il baisse au même instant que cette répulsion diminue, & hausse de même aussitôt qu’elle augmente. C’est un fait dont des expériences sans nombre nous ont assûrés, M. d’Arcy & moi.

Enfin il est universel ; car on voit que le véritable électrometre est la verge cylindrique V, qui détermine par le nombre de ses parties élevées au dessus du point de repos, la quantité de la force électrique. Or il n’est pas difficile d’avoir une verge cylindrique d’une ligne de diametre. Il est vrai que le diametre de la petite plaque L, & sa distance à la grande H au point de repos, peuvent produire quelques différences dans la répulsion ; mais il est facile d’observer toutes ces proportions : de sorte que tout le monde pourra faire un électrometre qui s’élevera de la même quantité pour la même force électrique. Propriété qui me paroît une des plus remarquables de cet instrument, & qui est une de celles qui y est le plus à desirer, comme je l’ai remarqué au commencement de cet article.

On objectera peut-être, que la différente densité de l’eau dans les différens climats, formera un obstacle à cette universalité. Il est clair cependant que toutes les fois que l’on fera une verge qui descendra de 4 pouces pour 8 grains, on aura un électrometre qui indiquera à très-peu-près les mêmes degrés de la force électrique que le nôtre ; car quoique dans un pays chaud une pareille verge fût un peu plus repoussée, puisqu’elle seroit plus grosse que la nôtre, ce seroit d’une quantité si peu considérable, que cette répulsion ne pourroit entrer en comparaison avec celle de la plaque.

Enfin on pourra alléguer encore, que les différentes positions de l’électrometre par rapport au cadre & à la lanterne, changeront ses élévations apparentes, mais il est toûjours facile d’avoir le rapport de ces élévations par la méthode suivante. Ayant placé l’électrometre, & arrangé le tout comme pour faire des expériences ; chargez la petite plaque de cet instrument de 8 grains par exemple, & voyez de combien de degrés son ombre descend en conséquence sur le cadre ; la somme de ces degrés comparée à celle qu’un même poids aura fait parcourir à l’ombre d’un autre électrometre sur lequel on aura fait la même expérience, donnera le rapport précis de leurs élévations.

D’après cette description de l’électrometre, & de la maniere de s’en servir, il pourra paroître à quelques personnes d’un usage peu commode, par les diverses attentions qu’il exige, & par la nécessité où l’on est d’obscurcir le lieu où l’on fait ces expériences, pour pouvoir juger de ses élévations & de ses abaissemens : mais si l’on fait attention à la nature de l’électricité, & à l’impossibilité d’observer de près, comme je l’ai dit, les divers mouvemens des corps électriques ; on verra que si cet instrument a quelque chose d’embarrassant dans son usage, c’est en quelque façon une suite nécessaire de la nature de la force électrique qu’il doit mesurer.

J’ai fait voir au commencement de cet article, que de tous les phénomenes des corps électriques la répulsion étoit le seul qui fournît un moyen sûr & général de mesurer la force de l’électricité. Cependant comme il y a des cas où l’on est indispensablement obligé d’employer les étincelles, tels que ceux, par exemple, où l’on veut, par leurs différentes grandeurs, juger des densités respectives du fluide électrique dans les corps entre lesquels ces étincelles partent ; je crois devoir ajoûter ici la description d’une espece de spintherometre ou mesure-étincelles, dont je me sers, & au moyen duquel on peut être à très-peu près sûr, que les différentes grandeurs ou forces de ces étincelles naissent uniquement des différentes forces de l’électricité, ce qu’on ne peut faire en les tirant à la maniere ordinaire : car, selon cette maniere, on peut, quoique l’électricité reste toûjours la même, on peut, dis-je, faire partir ces étincelles de plus près ou de plus loin, comme je l’ai dit, non seulement en les tirant de corps de figures & de volumes différens, mais encore en les tirant de parties plus ou moins lisses de la surface d’un même corps. L’instrument dont je viens de parler, est construit de la maniere suivante.

Dans un tube de verre TT (fig. 77.) recouvert par les deux bouts de deux plaques PS, PI, se meut librement, mais sans jeu, une balle de métal B, adaptée à l’extrémité d’une verge de fer quarrée VV ; cette verge passe à-travers un trou de la même forme, percé dans la plaque PS, dans lequel elle s’ajuste parfaitement. On voit par cette disposition, qu’on peut bien faire mouvoir la balle dans le tube d’un bout vers l’autre, mais qu’on ne peut lui faire prendre d’autre mouvement. Sur l’extrémité de la verge VV, qui déborde la plaque PS, sont marqués des degrés, afin qu’on puisse juger de la distance où la balle se trouve de la plaque PI : on pourroit pour une plus grande précision, en place de ces degrés, adapter à l’extrémité de la verge une vis qui feroit la fonction du micrometre.

D’après la description de cet instrument, il est facile de concevoir comment on s’en sert, & comment il remédie aux inconvéniens que j’ai spécifiés plus haut. On voit en premier lieu, qu’en le prenant par le tube, & le faisant toucher par la plaque PI sur le corps électrique dont on veut tirer une étincelle, cette plaque s’électrise au même degré que ce corps, & qu’au moyen de la verge VV, on approche graduellement de la même plaque la balle B (qu’on en tenoit auparavant fort éloignée) jusqu’à ce que l’étincelle parte. Or cet effet arrivant dans l’instant précis où cette balle se trouve à la distance requise pour qu’il ait lieu, on reconnoît cette distance par le nombre de degrés marqués sur cette verge. On voit, 2°. que ces distances ne peuvent venir ici que de la différence de la force électrique, parce que l’étincelle part toûjours entre les mêmes corps, la plaque PI, & la balle B ; & que c’est toûjours des mêmes points de la balle & de la plaque, puisque cette balle ne pouvant que s’en éloigner ou s’en approcher, les différens points de sa surface inférieure doivent toûjours regarder les mêmes points respectifs de cette plaque. (T)