Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 5.djvu/439

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

crimes ; Wiclef, que les prédestinés ; Luther, que les saints, qui croyent & qui obéissent à Jesus-Christ. Calvin & ses sectateurs ont admis tantôt une Église extérieure & visible, tantôt une Église invisible, composée des élûs. Jurieu l’a composée de toutes les sectes chrétiennes qui n’errent pas dans les articles fondamentaux. Tous se sont accordés à en exclure le gouvernement hiérarchique du pape & des évêques. L’hérésie fut toûjours ennemie de la subordination.

Les Anglicans conviennent pourtant avec nous de la nécessité d’un chef visible dans l’Église. Mais au lieu que nous reconnoissons le pape en cette qualité, ils la déferent à leur roi, qui en effet dans ses titres prend celui de chef de l’église anglicane. Voyez Suprématie.

Le mot Église vient originairement du grec ἐκκλησία, qu’on a dit en géneral pour une assemblée publique, quelle qu’elle fût, & quelquefois aussi pour le lieu même de l’assemblée. On le trouve employé en ce dernier sens par les écrivains sacrés & ecclésiastiques, mais plus ordinairement ils le restraignent à l’assemblée des Chrétiens ; de même que le terme synagogue, qui d’abord signifioit une assemblée en général, a été ensuite consacré par l’usage à signifier une assemblée de Juifs. Voyez Synagogue.

Ainsi dans le nouveau Testament le mot Église n’est guere employé qu’en parlant des Chrétiens, tantôt pour le lieu où ils s’assemblent pour prier, comme dans la premiere épitre aux Corinthiens, ch. xjv. V. 34. tantôt pour l’assemblée des fideles répandus par toute la terre, comme dans l’épitre aux Ephésiens, ch. v. ℣ 24. & 26. quelquefois pour les fideles d’une ville ou d’une province en particulier, comme dans la premiere épitre aux Corinthiens, ch. j. ℣ 1. & 2. & dans la seconde aux Corinthiens, ch. viij. ℣ 1. quelquefois pour une seule famille, comme dans l’épitre aux Romains, ch. xvj. ℣ 5. & enfin pour les pasteurs & les ministres de l’Église, comme dans S. Matthieu, ch. xviij. ℣ 17.

L’Église universelle est la société de toutes les églises particulieres unies par la même profession de foi, la participation aux mêmes sacremens, & la même soûmission à la voix des pasteurs légitimes, c’est-à-dire, du pape & des évêques. On y distingue deux parties ; l’une extérieure & visible, qu’on nomme son corps ; l’autre intérieure & invisible, qu’on appelle son ame. Le corps est la profession extérieure de la foi & la communion des sacremens. L’ame, ce sont les dons intérieurs du S. Esprit, la foi, l’espérance, la charité, &c. De cette distinction, l’on conclut que les hérétiques qui font profession ouverte d’une doctrine contraire à celle de Jesus-Christ, les infideles, les schismatiques, les excommuniés, ne sont ni de l’ame ni du corps de l’Église. Mais les pécheurs, les méchans, les infideles & les hérétiques cachés, les réprouvés même sont de son corps. Les justes & les élûs appartiennent seuls proprement à son ame ; les cathécumenes & les pénitens sont de son corps, mais imparfaitement, parce qu’ils aspirent ou à y être reçûs, ou à y rentrer.

Les qualités ou caracteres de l’Église marqués dans le symbole du concile de Constantinople, sont qu’elle est une, sainte, catholique, & apostolique. Une, par l’union de tous ses membres sous un même chef invisible qui est Jesus-Christ, & sous un même chef visible qui est le pape, & par l’unité de sa doctrine qu’elle tient de Jesus-Christ & des apôtres, & par la tradition des peres. L’Église est sainte par la sainteté de sa doctrine, de ses sacremens, & parce qu’il n’y a & ne peut y avoir de saints que dans sa société. Catholique, c’est-à-dire, qu’elle n’est bornée ni par les tems ni par les lieux, & qu’elle est plus étendue qu’aucune des sectes qui se sont séparées d’elle ; &

enfin apostolique, tant parce qu’elle professe la doctrine qu’elle a reçûe des apôtres, que parce que ses pasteurs sont par une suite non interrompue les légitimes successeurs des apôtres. A quoi il faut ajoûter trois autres avantages fondés sur les promesses de Jesus-Christ ; savoir, 1°. sa visibilité, 2°. son indéfectibilité ou sa perpétuité, 3°. son infaillibilité dans ses décisions, soit qu’elle soit dispersée, soit qu’elle soit assemblée. Nos plus habiles théologiens & controversistes ont prouvé contre les Protestans, que ces caracteres & ces avantages convenoient parfaitement à l’Église romaine, & ne convenoient qu’à elle seule. On peut en voir les preuves dans les savans ouvrages de MM. Bossuet, Nicole, de Wallembourg, Pelisson, &c. Voyez Apostolique, Catholicité, Unité, &c.

Quoique toutes les églises catholiques ayent toûjours été considérées comme une seule & même Église, cependant les églises particulieres ont eu leur dénomination propre, comme l’église d’Orient, l’église d’Occident, l’église d’Afrique, l’église gallicane, &c.

L’église d’Orient ou l’église greque signifioit autrefois simplement les églises des Grecs ou d’Orient, & non pas une église particuliere & séparée de communion de l’église latine, & elle comprenoit toutes les provinces qui étoient anciennement soûmises à l’empire grec ou empire d’Orient, & dans lesquelles on parloit grec, c’est-à-dire tout l’espace depuis l’Illyrie jusqu’à la Mésopotamie & la Perse, y compris l’Egypte. Le schisme commencé par Photius, consommé par Michel Cerularius, a séparé de l’église latine cette partie de l’Orient, autrefois si féconde en grands hommes ; & quoiqu’on en ait tenté la réunion en divers conciles, elle n’a jamais réussi, à l’exception du patriarchat de Jérusalem : ceux d’Antioche & d’Alexandrie sont demeurés dans le schisme avec celui de Constantinople, que le grand-seigneur confere ordinairement au plus offrant, & dont par cette raison les titulaires sont souvent destitués, soit par l’avarice des Turcs, soit par l’avidité du premier concurrent qui donne au grand-visir ou aux autres ministres de la Porte des sommes plus considérables que celles qu’ils ont reçûes du patriarche qui est en place.

L’église d’Occident comprenoit autrefois les églises d’Italie, d’Espagne, d’Afrique, des Gaules, & du Nord, en un mot de toutes les provinces où l’on parloit la langue des Romains. La Grande Bretagne, une partie des Pays-bas, de l’Allemagne, & du Nord, s’en sont séparées depuis plus d’un siecle, & forment des sociétés à part, que leurs sectateurs appellent églises réformées, mais qui dans le vrai font un schisme aussi réel que celui des Grecs. Voyez Réformation & Schisme. Cette église réformée se divise elle-même en église luthérienne, calviniste, & anglicane, qui n’ont aucun point fixe de créance & de communion uniforme entr’elles que leur déchaînement contre l’Église catholique. Tandis que celle-ci souffroit ces pertes en Europe, elle faisoit de nouvelles conquêtes dans les Indes, le Japon, la Chine, & le nouveau Monde, où la religion a fait des établissemens très-considérables. Au reste l’indéfectibilité n’est promise à aucune église en particulier, même nationale. Les églises d’Afrique & d’Angleterre n’en fournissent qu’une trop triste expérience. Voy. Indéfectibilité, Infaillibilité, &c.

L’église romaine est la société des Catholiques unis de communion avec le pape, successeur de S. Pierre. On l’a appellée la mere & le maitresse des autres églises dès le tems de S. Irénée au second siecle, parce qu’en effet presque toutes celles de l’Occident sont émanées d’elle, & qu’on l’a regardée comme le centre de l’unité catholique. Quiconque ne commu-