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clairer ses modeles d’une maniere qui se rencontre rarement dans la nature. Le jour qu’il faisoit descendre par des ouvertures ménagées avec art, offroit à ses yeux des lumieres vives, mais tranchantes ; il en résulta, dans les imitations qu’il en fit, des effets plus singuliers qu’agréables. Les oppositions trop dures, les ombres devenues noires, ont rendu, avec le tems, ses tableaux de deux seules couleurs ; le blanc & le noir y dominent ; & ces ombres ténébreuses que son affectation a répandues sur ses ouvrages, ont enveloppé dans leur obscurité les parties excellentes, dont cet habile artiste devoit tirer sa gloire. Il est donc de justes bornes qui renferment la perfection en tout genre, & les excès sont ses ennemis redoutables.

Au reste, un tableau dont l’effet est juste, produit sur tout le monde une sensation intéressante ; comme une piece de théatre dans laquelle les caracteres sont vrais, produit sur tous les spectateurs une satisfaction générale. Ces caracteres doivent être exprimés par les principaux traits qui les distinguent, & par les oppositions qui les font valoir. Les détails trop approfondis, quoique la nature en offre les modeles, sont un obstacle à l’effet théatral, qui a des rapports infinis avec les effets dont j’ai parlé. Mais la réussite ne consiste pas seulement à soustraire ces détails ; elle exige encore qu’on choisisse ceux qui sont essentiels, & qui constituent principalement le caractere qu’on représente.

Les distinguer, c’est le propre d’un génie grand, qui embrasse toutes les circonstances d’un objet, sans que leur nombre l’embarrasse. Il ne se laisse point séduire ; il ne perd pas de vûe le but où il tend, il distingue ce qui est plus propre à assûrer ses succès. Un peintre d’effet, est ordinairement un homme de génie ; & dans tous les arts, le génie qui ordinairement enfante la facilité, conduit à la science des effets. La Poésie, ainsi que la Peinture ; la Musique, ainsi que ses deux sœurs, ne pourront jamais prétendre que par cette voie à des succès éclatans, & à cette approbation générale, qui est si flateuse ; les autres parties auront des admirateurs, les grands effets réuniront tous les suffrages ; l’hommage qu’on leur rend, est, pour ainsi dire, involontaire ; il ne doit rien à la réflexion : c’est un premier mouvement. Voyez Dessein, Draperie. Cet article est de M. Watelet.

Effet, (Manége.) Personne n’ignore que le terme dont il s’agit, ne signifie que le produit d’une cause quelconque. Les auteurs du dictionnaire du Trévoux semblent néanmoins le restraindre, quant à la science du Manége, aux seules suites des actions de la main du cavalier. Effet, en terme de Manége, se dit des mouvemens de la main, qui servent à conduire un cheval ; ils expliquent ensuite savamment ces effets. Je prendrai la liberté de leur faire observer que nous disons non-seulement les effets de la main, mais les effets des jambes, les effets des aides du corps, les effets de la gaule, des châtimens, du cavesson, des piliers, de telles ou telles leçons : ainsi nous appliquons ce mot, en matiere d’équitation, indifféremment à tout ce qui peut être regardé comme le résultat d’une multitude de principes différens. Il étoit par conséquent inutile d’en faire un article, eu égard à notre art, dans lequel il n’a pas plus d’acception particuliere que dans tous les autres. (e)

EFFEUILLER. v. act. (Jardinage.) c’est ôter toutes les feuilles d’un arbre, ainsi que l’on fait à un pêcher tardif, planté dans une terre humide ; on effeuille encore un arbre pour que son fruit profite de tout le soleil, qu’il acquierre, en mûrissant, de la beauté, de la couleur & du goût. (K)

EFFICACE, adj. se dit en général d’une chose qui produit certainement & infailliblement son effet,

comme d’un remede, d’une grace, &c. Voyez Remede, Grace. (O)

EFFIGIE. s. f. (Jurisprud.) est un tableau ignominieux, où est représentée la figure du criminel absent, condamné à mort par contumace : l’exécution par effigie est celle qui se fait en attachant à la potence le tableau dont on vient de parler. Les condamnations flétrissantes, mais qui n’emportent pas peine de mort, telles que l’amende honorable, le banissement, les galeres, sont aussi écrites dans un tableau, mais sans effigie, c’est-à-dire sans désignation de figure. A Paris les tableaux qui servent d’effigie, ne sont qu’un dessein grossier fait à la plume, qui représente un homme pendu ou sur la roue, selon la condamnation ; mais dans les provinces où les exécutions sont plus rares, les effigies sont ordinairement peintes & coloriées à la ressemblance de l’accusé, le mieux qu’il est possible ; on le représente avec ses habits ordinaires, & autres choses qui peuvent le caractériser, afin que cela fasse plus d’impression au peuple.

L’usage des exécutions par effigie, tire son origine des sacrifices & triomphes des anciens, lesquels au lieu de sacrifier la personne même, sacrifioient quelquefois seulement son effigie, comme le rapporte Plutarque en la 32e & 86e demandes des choses romaines.

L’exécution par effigie, en matiere criminelle, vient particulierement des Grecs, chez lesquels on faisoit le procès aux absens, & on les exécutoit par effigie, ou bien on écrivoit leurs noms avec la condamnation en des colonnes, comme le remarque Ayrault, liv. II. de sa pratique judiciaire, art. 1. n. 23.

A Rome au contraire les exécutions figuratives ou en effigie n’étoient pas en usage, d’autant que l’on n’y condamnoit jamais les absens à aucune peine capitale : il leur paroissoit ridicule d’exécuter quelqu’un en peinture ; & si Trebellius Pollio rapporte de Celsus le tyran qu’il fut pendu en effigie, cujus imago suspensa est quasi celsus ipse videretur ; cela fut fait, comme le remarque cet auteur, novo injuriæ genere : il y avoit cependant des cas à Rome, où l’on écrivoit dans des colonnes, comme chez les Grecs, le nom des absens qui étoient condamnés ; mais cela n’avoit pas lieu pour peines capitales ; ainsi il n’y avoit point d’exécution par effigie.

Les anciennes ordonnances font mention des effigies sous le terme de tableaux. L’ordonnance de François I. du mois d’Août 1536, pour la Bretagne, ch. ij. art. 29. dit que la condamnation faite par contumace & le forban donné, l’on fera attacher aux portes & entrées des lieux les tableaux & cordeaux au desir de la coutume, &c. Celle de Charles IX. de 1566 art. 25. porte que les noms des appellés & ajournés à ban, & poursuivis & condamnés par contumace, seront inscrits aux tableaux qui seront affichés aux portes des villes, des siéges, des auditoires, des lieux d’où les decrets seront émanés, à ce qu’aucun n’en prétende cause d’ignorance.

L’ordonnance de 1670, tit. xvij. art. 16. distingue trois manieres d’exécuter les jugemens par contumace, selon la nature des peines qui sont prononcées ; il est dit par cet article, que les seules condamnations de mort naturelle seront exécutées par effigie ; que celles des galeres, amende honorable, bannissement perpétuel, flétrissure, & du foüet, seront seulement écrites dans un tableau sans aucune effigie ; que les effigies & les tableaux seront attachés dans la place publique ; que toutes les autres condamnations par contumace, seront seulement signifiées & baillé copie au domicile ou résidence du condamné, si aucune il a dans le lieu de la jurisdiction, si non affichée à la porte de l’auditoire.

Suivant l’art. 29. du même titre, ceux qui sont