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gne ; je dis exactement, parce qu’il faut marquer ce que l’on gagne, qu’il ne faut marquer ni plus ni moins, & qu’il faut le marquer à tems. Si vous ne marquez pas ce que vous gagnez, ou que vous ne le marquiez pas à tems, votre adversaire le marque pour vous ; si vous marquez trop, il vous démarque le trop, & le marque pour lui ; si vous ne marquez pas assez, il marque pour lui ce que vous oubliez. On n’envoye point à l’école de l’ecole. Voyez Trictrac.

ECOLETER, v. act. (Orfévre.) opération de la retrainte ; c’est élargir au marteau sur la bigorne, toute piece d’orfévrerie dont le haut est à forme & profil de vase, comme gobelet, pot à l’eau, calice, burette, &c. Pour cet effet on a soin en retraignant la piece, & en la montant droite, de reserver la force en haut ; ensuite quand on a enflé le bas, & formé l’étranglement que l’on appelle colet, on part de ce colet pour élargir le haut, & lui donner le profil évasé.

ECOLIER, DISCIPLE, ELEVE, syn. (Gram.) ces trois mots s’appliquent en général à celui qui prend des leçons de quelqu’un. Voici les nuances qui les distinguent. Eleve est celui qui prend des leçons de la bouche même du maître ; disciple est celui qui en prend des leçons en lisant ses ouvrages, ou qui s’attache à ses sentimens ; écolier ne se dit, lorsqu’il est seul, que des enfans qui étudient dans les colléges, un écolier ; il se dit aussi de ceux qui étudient sous un maître un art qui n’est pas mis au nombre des Arts libéraux, comme la Danse, l’Escrime, &c. mars alors il doit être joint avec quelque autre mot qui désigne l’art ou le maître. Un maître d’armes a des écoliers ; un peintre a des éleves ; Newton & Descartes ont eu des disciples, même après leur mort. Eleve est du style noble ; disciple l’est moins, surtout en Poésie ; écolier ne l’est jamais. (O)

Ecoliers, (Jurispr.) les réglemens leur défendent de porter des cannes, ni des épées.

Un écolier, quoique mineur, peut s’obliger pour sa pension, son entretien, & autres dépenses ordinaires aux étudians.

Comme les écoliers sont dans une espece de dépendance de leurs régens, précepteurs, & autres préposés pour les instruire & les gouverner ; les donations qu’ils font à leur profit, soit entre-vifs, ou par testamens, sont nulles.

Ce que les parens ont dépensé pour les études de leurs enfans, & même pour leur faire obtenir des degrés, n’est point sujet à rapport dans leur succession ; à l’exception des frais du doctorat en Medecine, parce que ces frais sont considérables, & servent à procurer un établissement utile. Voyez ci-apr. Etudians en Droit. (A)

Ecoliers jurés de l’Université, sont ceux qui, après y avoir étudié six mois, ont obtenu des attestations de leur tems d’étude, & joüissent du privilége de scholarité. Voyez Scholarité. (A)

ÉCONOMIE ou ŒCONOMIE, (Morale & Politique.) ce mot vient de οἶκος, maison, & de νόμος, loi, & ne signifie originairement que le sage & légitime gouvernement de la maison, pour le bien commun de toute la famille. Le sens de ce terme a été dans la suite étendu au gouvernement de la grande famille, qui est l’état. Pour distinguer ces deux acceptions, on l’appelle dans ce dernier cas, économie générale, ou politique ; & dans l’autre, économie domestique, ou particuliere. Ce n’est que de la premiere qu’il est question dans cet article. Sur l’économie domestique, voyez Père de famille.

Quand il y auroit entre l’état & la famille autant de rapport que plusieurs auteurs le prétendent, il ne s’ensuivroit pas pour cela que les regles de conduite propres à l’une de ces deux sociétés, fussent conve-

nables à l’autre : elles different trop en grandeur pour pouvoir être administrées de la même maniere, & il y aura toûjours une extrème différence entre le gouvernement domestique, où le pere peut tout voir par lui-même, & le gouvernement civil, où le chef ne voit presque rien que par les yeux d’autrui. Pour que les choses devinssent égales à cet égard, il faudroit que les talens, la force, & toutes les facultés du pere, augmentassent en raison de la grandeur de la famille, & que l’ame d’un puissant monarque fût à colle d’un homme ordinaire, comme l’étendue de son empire est à l’héritage d’un particulier.

Mais comment le gouvernement de l’état pourroit-il être semblable à celui de la famille dont le fondement est si différent ? Le pere étant physiquement plus fort que ses enfans, aussi long-tems que son secours leur est nécessaire, le pouvoir paternel passe avec raison pour être établi par la nature. Dans la grande famille dont tous les membres sont naturellement égaux, l’autorité politique purement arbitraire quant à son institution, ne peut être fondée que sur des conventions, ni le magistrat commander aux autres qu’en vertu des lois. Les devoirs du pere lui sont dictés par des sentimens naturels, & d’un ton qui lui permet rarement de desobéir. Les chefs n’ont point de semblable regle, & ne sont réellement tenus envers le peuple qu’à ce qu’ils lui ont promis de faire, & dont il est en droit d’exiger l’exécution. Une autre différence plus importante encore, c’est que les enfans n’ayant rien que ce qu’ils reçoivent du pere, il est évident que tous les droits de propriété lui appartiennent, ou émanent de lui ; c’est tout le contraire dans la grande famille, où l’administration générale n’est établie que pour assûrer la propriété particuliere qui lui est antérieure. Le principal objet des travaux de toute la maison, est de conserver & d’accroître le patrimoine du pere, afin qu’il puisse un jour le partager entre ses enfans sans les appauvrir ; au lieu que la richesse du fisc n’est qu’un moyen, souvent fort mal entendu, pour maintenir les particuliers dans la paix & dans l’abondance. En un mot la petite famille est destinée à s’éteindre, & à se resoudre un jour en plusieurs autres familles semblables ; mais la grande étant faite pour durer toûjours dans le même état, il faut que la premiere s’augmente pour se multiplier : & non-seulement il suffit que l’autre se conserve, mais on peut prouver aisément que toute augmentation lui est plus préjudiciable qu’utile.

Par plusieurs raisons tirées de la nature de la chose, le pere doit commander dans la famille. Premierement, l’autorité ne doit pas être égale entre le pere & la mere ; mais il faut que le gouvernement soit un, & que dans les partages d’avis il y ait une voix prépondérante qui décide. 2°. Quelque legeres qu’on veuille supposer les incommodités particulieres à la femme ; comme elles font toûjours pour elle un intervalle d’inaction, c’est une raison suffisante pour l’exclure de cette primauté : car quand la balance est parfaitement égale, une paille suffit pour la faire pancher. De plus, le mari doit avoir inspection sur la conduite de sa femme ; parce qu’il lui importe de s’assûrer que les enfans, qu’il est forcé de reconnoître & de nourrir, n’appartiennent pas à d’autres qu’à lui. La femme qui n’a rien de semblable à craindre, n’a pas le même droit sur le mari. 3°. Les enfans doivent obéir au pere, d’abord par nécessité, ensuite par reconnoissance ; après avoir reçû de lui leurs besoins durant la moitié de leur vie, ils doivent consacrer l’autre à pourvoir aux siens. 4°. À l’égard des domestiques, ils lui doivent aussi leurs services en échange de l’entretien qu’il leur donne ; sauf à rompre le marché dès qu’il cesse de leur convenir. Je ne parle point de l’esclavage ; parce qu’il