Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 5.djvu/256

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

régularité qu’elles ont quand elles sont récemment nettoyées ; d’abord il se fait, comme je l’ai dit, un frottement sur la portion cylindrique qui y produit de l’usure, & par conséquent des variations dans la justesse. Il est vrai que pour rendre ce frottement moins sensible, on met de l’huile au cylindre ; mais par-là le mouvement de la montre devient susceptible de toutes les variations auxquelles ce fluide est sujet.

Mon pere a imaginé un moyen de remédier en partie à ces accidens : c’est de placer les courbes de façon qu’elles touchent la circonférence du cylindre & ses levres à différentes hauteurs, en les éloignant plus ou moins du plan de la roue ; de façon que (fig. 23.) si l’une vient s’appuyer en A, par exemple, sa voisine agisse en C, une autre en D, &c. par-là, si le rochet a treize, les altérations dans la régularité, causées par l’usure, peuvent être diminuées dans le rapport de treize à l’unité ; mais il faut convenir que cela rend cette roue plus difficile à faire.

Echappement des pendules à secondes de M. Graham. On a vû (article Cycloide) que les petites oscillations du pendule approchent plus de l’isochronisme que les grandes, & qu’elles sont en même tems moins sujettes à être dérangées par les inégalités de la force motrice.

Pour joüir de ces avantages, M. Graham allonge considérablement les bras de l’ancre, auxquels il fait embrasser environ la moitié du rochet, & réserve en outre une distance (fig. 21.) AB de la circonférence de ce rochet au centre de mouvement de l’ancre : de plus les parties CD, EF sont des portions de cercle décrites du centre B.

Quand la roue a écarté, par exemple, le plan incliné DP que lui opposoit un des bras, l’autre branche lui présente la portion de cercle EF ; de façon que la dent reposant successivement sur des points toûjours également distans du centre de mouvement B de l’ancre, le pendule peut achever sa vibration sans que le roüage rétrograde, comme avec l’ancre du docteur Hook.

Le témoignage avantageux que MM. les Académiciens qui ont été au Nord, ont rendu à la pendule de M. Graham, ne permet pas de douter que cet échappement ne soit un des meilleurs, quoiqu’il paroisse sujet à beaucoup de frottemens. On pourroit peut-être reprocher à l’auteur le retranchement des courbes compensatrices pratiquées sur les faces de l’ancre ordinaire. A cela il répondroit sans doute que les arcs étant extrèmement diminués, ces courbes deviendroient superflues. En effet, M. de Maupertuis a observé qu’en retranchant la moitié du poids moteur de cette pendule, ce qui réduit les arcs de quatre degrés vingt minutes à rois degrés, ces grandes différences ne causent qu’un avancement de trois secondes & demie à quatre secondes par jour : cette courbe seroit donc assez inutile, & moralement impossible à construire exactement.

Après avoir donné la description de ces différens échappemens de montre & de pendule, & après avoir fait mention des avantages & des inconvéniens de chacun d’eux en particulier, ce seroit ici le lieu de déterminer ceux qui sont les meilleurs, & qui doivent être employés préférablement aux autres. Mais si la chose est facile par rapport à ceux des pendules, l’échappement de M. Graham, & celui à deux verges perfectionné par mon pere, satisfaisant l’un & l’autre très-bien à tout ce que l’on peut exiger du meilleur échappement, il n’en est pas de même à l’égard des échappemens de montre ; car quoique l’échappement à roue de rencontre, & celui de M. Graham, ou à cylindre, réunissent diverses propriétés avantageuses, ils sont encore éloignés de la perfection requise ; leurs avantages & leurs inconvéniens

semblent même tellement se balancer, qu’il paroît que si l’un doit être préféré à l’autre, ce n’est pas qu’il procure aux montres une plus grande justesse, mais parce que celle qu’il leur procure est plus durable & plus constante.

En effet, on ne peut disconvenir que les montres à échappement à cylindre n’aillent avec beaucoup de justesse, & même quelquefois, lorsqu’elles sont nouvellement nettoyées, & qu’il y a de l’huile fraîche au cylindre, avec une justesse supérieure à celle des montres à roues de rencontre, parce qu’elles ne sont sujettes alors à d’autres irrégularités (n’étant point ici question de celles qui naissent de l’action de la chaleur sur le ressort spiral), qu’à celles qui sont produites par les inégalités de la force motrice ; inégalités que cet échappement, comme nous l’avons remarqué plus haut, a la propriété de compenser. Mais cette justesse des montres à cylindre ne se soûtient pas ; car les frottemens qui sont dans cet échappement, tant sur les levres du cylindre que sur ses circonférences convexes & concaves, augmentent dès que l’huile commence à se dessécher, & produisent des variations qui diminuent bientôt la justesse de ces montres. Devenus ensuite plus considérables, ces frottemens donnent lieu à l’usure ; & à mesure qu’elle fait du progrès & que l’huile se desseche, les variations augmentent, & quelquefois à un tel point, qu’on a vû des montres à cylindre avancer ou retarder de cinq ou six minutes & plus en 24 heures, sans qu’il fût possible de parvenir à les régler.

Or les montres à échappement à roue de rencontre, bien faites, sont exemptes de pareils écarts ; leur régularité est plus durable, & elles sont moins sujettes aux influences du froid & du chaud. De tout cela il résulte que nonobstant que leur justesse ne soit pas si grande, comme nous l’avons dit, que celle que l’on observe quelquefois dans les bonnes montres à cylindre, cependant on peut dire que dans un tems donné, pourvû qu’il soit un peu long, elles iront mieux que celles-ci, c’est-à-dire que la somme de leurs variations sera moindre ; car rien n’est plus commun que de voir des montres à roüe de rencontre aller très-bien pendant des deux ou trois ans sans être nettoyées ; ce qui est très rare dans les montres à cylindre, leur justesse ne se soûtenant pas si long-tems : il ne leur faut pas même quelquefois un terme si long pour qu’elles se mettent à varier. On en voit qui six mois après avoir été nettoyées, ont déjà perdu toute leur justesse ; ce qui arrive ordinairement lorsque l’échappement n’est pas bien fait, ou que le cylindre n’est pas aussi dur qu’il pourroit l’être : car alors il s’use, il se tranche, & il n’y a plus à compter sur la montre. L’échappement à roüe de rencontre a encore cet avantage, qu’il est facile à faire, & les montres où on l’employe faciles à raccommoder. L’échappement à cylindre est au contraire très-difficile à faire, il y a très-peu d’horlogers en état de l’exécuter dans le degré de perfection requis, & conséquemment un fort petit nombre capable de raccommoder les montres où il est adapté ; car étant peu instruits de ce qui peut rendre cet échappement plus ou moins parfait, ils sont dans l’impossibilité de remédier aux accidens qui peuvent y arriver, & aux changemens que l’usure ou quelqu’autre cause peut y produire. Il y a en effet si peu d’horlogers en état de bien raccommoder les montres à cylindre, qu’il y en a un très-grand nombre du célebre M. Graham qui sont gâtées pour avoir passé par des mains peu habiles. Il résulte de tout ce que nous venons de dire, que les montres à échappement, à verge ou à roue de rencontre, sont en général d’un meilleur service que celles qui sont à cylindre, & que ces dernieres ne doivent être préférées que par des astronomes ou des personnes qui ont besoin d’une montre