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perger de cette eau, pour se préserver des souillures qu’ils croyoient contracter par l’attouchement ou par la vûe des cadavres. Chambers. (G)

Eau-benite, (Hist. ecclésiast.) eau dont on fait usage dans l’Église romaine après l’avoir consacrée avec certaines prieres, exorcismes & cérémonies. Celle qu’on fait solennellement tous les dimanches dans les paroisses, sert pour effacer les péchés véniels, chasser les démons, préserver du tonnerre, &c. c’est ce que dit le dictionnaire de Trévoux.

Les évêques grecs ou leurs grands vicaires font le 5 Janvier sur le soir l’eau-benite, parce qu’ils croyent que Jesus-Christ a été baptisé le 6 de ce même mois ; mais ils n’y mettent point de sel, & ils trouvent fort à redire (on ne sait pas pourquoi) que nous en mettions dans la nôtre. On boit cette eau-benite, on en asperge les maisons, on la répand chez tous les particuliers ; ensuite le lendemain jour de l’épiphanie, les papas font encore de l’eau-benite nouvelle qui s’employe à benir les églises prophanées & à exorciser les possédés.

Les prélats arméniens ne font de l’eau-benite qu’une fois l’année ; & ils appellent cette cérémonie le baptême de la croix, parce que le jour de l’épiphanie ils plongent une croix dans l’eau, après avoir récité plusieurs oraisons. Dès-que l’eau-benite est faite, chacun en emporte chez soi ; les prêtres arméniens, & sur-tout les prélats, retirent de cette cérémonie un profit très-considérable.

Il y avoit parmi les Hébreux une eau d’expiation dont parle le chap. xjx. du livre des nombres. On prenoit de la cendre d’une vache rousse, on mettoit cette cendre dans un vase où l’on jettoit de l’eau, avec laquelle on faisoit des aspersions dans les maisons, sur les meubles, & sur les personnes qui avoient touche quelque chose d’immonde. Telle est apparemment l’origine de benir avec de l’eau, vers le tems de pâques, dans quelques pays catholiques, les maisons, les meubles, & même les alimens.

Enfin les Payens avoient aussi leur eau sacrée. Voyez l’article Eau lustrale.

Il est assez vraissemblable, comme le prétend le P. Carmeli, que la connoissance qu’on avoit des vertus de l’eau, engagea les hommes à s’en servir pour les cérémonies religieuses. Ils observerent que cet élément entretenoit, nourrissoit & faisoit végéter les plantes ; ils lui trouverent la propriété de laver, de nettoyer & de purifier les corps. Ils regarderent en conséquence les fleuves, les rivieres & les fontaines, comme des symboles de la divinité ; ils porterent dès-lors jusqu’à l’idolatrie le respect qu’ils avoient pour l’eau, & lui offrirent un encens sacrilége. Enfin elle fut employée dans les rits sacrés presque par tous les peuples du monde ; & cet usage est venu jusqu’à nous. Il ne faut donc point douter que l’eau d’expiation des Juifs, l’eau lustrale des Payens, & l’eau-benite des Chrétiens, ne partent du même principe ; mais l’application en est bien différente, puisque nous ne sommes ni Juifs ni Payens. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

EAUX ET FORESTS, (Jurispr.) On comprend ici sous le terme d’eaux les fleuves, les rivieres navigables, & autres ; les ruisseaux, étangs, viviers, pêcheries. Il n’est pas question ici de la mer ; elle fait un objet à part pour lequel il y a des reglemens & des officiers particuliers.

Le terme de forêts signifioit anciennement les eaux aussi-bien que les bois, présentement il ne signifie plus que les forêts proprement dites, les bois, garennes, buissons.

Sous les termes conjoints d’eaux & forêts, la Jurisprudence considere les eaux, & tout ce qui y a rapport, comme les moulins, la pêche, le curage des rivieres ; elle considere de même les forêts, &

tous les bois en général, avec tout ce qui peut y avoir rapport.

Les eaux & forêts du prince, ceux des communautés & des particuliers, sont également l’objet des lois, tant pour déterminer le droit que chacun peut avoir à ces sortes de biens, que pour leur conservation & exploitation.

On entend aussi quelquefois par le terme d’eaux & forêts les tribunaux & les officiers établis pour connoître spécialement de toutes les matieres qui ont rapport aux eaux & forêts.

Ce n’est pas d’aujourd’hui que les eaux & forêts ont mérité l’attention des lois ; il paroît que dans tous les tems & chez toutes les nations, ces sortes de biens ont été regardés comme les plus précieux.

Les Romains qui avoient emprunté des Grecs une partie de leurs lois, avoient établi plusieurs regles par rapport aux droits de propriété ou d’usage que chacun pouvoit prétendre sur l’eau des fleuves & des rivieres, sur leurs rivages, sur la pêche, & autres objets qui avoient rapport aux eaux.

La conservation & la police des forêts & des bois paroît sur-tout avoir toûjours mérité une attention particuliere, tant à cause des grands avantages que l’on en retire par les différens usages auxquels les bois sont propres, & sur-tout pour la chasse, qu’à cause du long espace de tems qu’il faut pour produire les bois.

Aussi voit-on que dans les tems les plus reculés il y avoit déjà des personnes préposées pour veiller à la conservation des bois.

Salomon demanda à Hiram roi de Tyr, la permission de faire couper des cedres & des sapins du Liban pour bâtir le temple.

On lit aussi dans Esdras, lib. II. cap. ij. que quand Nehemias eut obtenu du roi Artaxercès surnommé Longuemain, la permission d’aller rétablir Jerusalem, il lui demanda des lettres pour Asaph garde de ses forêts, afin qu’il lui fît délivrer tout le bois nécessaire pour le rétablissement de cette ville.

Aristote en toute république bien ordonnée désire des gardiens des forêts, qu’il appelle ὑλωροὺς, sylværum custodes.

Ancus Martius quatrieme roi des Romains, réunit les forêts au domaine public, ainsi que le remarque Suétone.

Entre les lois que les décemvirs apporterent de Grece, il y en avoit qui traitoient de glande, arboribus, & pecorum pastu.

Ils établirent même des magistrats pour la garde & conservation des forêts, & cette commission étoit le plus souvent donnée aux consuls nouvellement créés, comme il se pratiqua à l’égard de Bibulus & de Jule-César, lesquels étant consuls, eurent le gouvernement général des forêts, ce que l’on désignoit par les termes de provinciam ad sylvam & colles ; c’est ce qui a fait dire à Virgile : Si canimus sylvas, sylvæ sunt consule dignæ. Voyez Suétone en la vie de Jule-César.

Les Romains établirent dans la suite des gouverneurs particuliers dans chaque province pour la conservation des bois, & firent plusieurs lois à ce sujet. Ils avoient des forestiers ou receveurs établis pour le revenu & profit que la république percevoit sur les bois & forêts, & des préposés à la conservation des bois & forêts nécessaires au public à divers usages, comme Alexandre Severe, qui les réservoit pour les thermes.

Lorsque les Francs firent la conquête des Gaules, ce pays étoit pour la plus grande partie couvert de vastes forêts, ce que nos rois regarderent avec raison comme un bien inestimable.

La conservation des bois paroissoit dès-lors un