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épistre comme registre, & que c’est par cette raison que Marot a fait rimer registre avec épistre : tant il est vrai que c’est de la prononciation que l’on doit tirer les regles de l’ortographe. Mais revenons à nos e.

L’é fermé est celui que l’on prononce en ouvrant moins la bouche qu’on ne l’ouvre lorsqu’on prononce un è ouvert commun ; tel est l’e de la derniere syllabe de fermeté, bonté, &c.

Cet e est aussi appellé masculin, parce que lorsqu’il se trouve à la fin d’un adjectif ou d’un participe, il indique le masculin, aisé, habillé, aimé, &c.

L’e des infinitifs est fermé, tant que l’r ne se prononce point ; mais si l’on vient à prononcer l’r, ce qui arrive toutes les fois que le mot qui suit commence par une voyelle ; alors l’e fermé devient ouvert commun ; ce qui donne lieu à deux observations. 1°. L’e fermé ne rime point avec l’e ouvert : aimer, abîmer, ne riment point avec la mer, mare ; ainsi madame des Houlieres n’a pas été exacte lorsque dans l’idylle du ruisseau elle a dit :

Dans votre sein il cherche à s’abîmer ;
Vous & lui jusques à la mer
Vous n’êtes qu’une même chose.


2°. Mais comme l’e de l’infinitif devient ouvert commun, lorsque l’r qui le suit est lié avec la voyelle qui commence le mot suivant, on peut rappeller la rime, en disant :

Dans votre sein il cherche à s’abîmer ;
Et vous & lui jusqu’à la mer
Vous n’êtes qu’une même chose.

L’e muet est ainsi appellé relativement aux autres e ; il n’a pas, comme ceux-ci, un son fort, distinct & marqué : par exemple, dans mener, demander, on fait entendre l’m & le d, comme si l’on écrivoit mner, dmander.

Le son foible qui se fait à peine sentir entre l’m & l’n de mener, & entre le d & l’m de demander, est précisément l’e muet : c’est une suite de l’air sonore qui a été modifié par les organes de la parole, pour faire entendre ces consonnes. Voyez Consonne.

L’e muet des monosyllabes me, te, se, le, de, est un peu plus marqué ; mais il ne faut pas en faire un e ouvert, comme font ceux qui disent amène-lè : l’e prend plûtôt alors le son de l’eu foible.

Dans le chant, à la fin des mots, tels que gloire, fidele, triomphe, l’e muet est moins foible que l’e muet commun, & approche davantage de l’eu foible.

L’e muet foible, tel qu’il est dans mener, demander, se trouve dans toutes les langues, toutes les fois qu’une consonne est suivie immédiatement par une autre consonne ; alors la premiere de ces consonnes ne sauroit être prononcée sans le secours d’un esprit foible : tel est le son que l’on entend entre le p & l’s dans pseudo, psalmus, psittacus ; & entre l’m & l’n de mna, une mine, espece de monnoie ; Mnemosyne, la mere des Muses, la déesse de la mémoire.

On peut comparer l’e muet au son foible que l’on entend après le son fort que produit un coup de marteau qui frappe un corps solide.

Ainsi il faut toûjours s’arrêter sur la syllabe qui précede un e muet à la fin des mots.

Nous avons déjà observé qu’on ne sauroit prononcer deux e muets de suite à la fin d’un mot, & que c’est la raison pour laquelle l’e muet de mener devient ouvert dans je mène.

2°. Les vers qui finissent par un e muet, ont une syllabe de plus que les autres, par la raison que la derniere syllabe étant muette, on appuie sur la pénultieme : alors, je veux dire à cette pénultieme, l’oreille est satisfaite par rapport au complément du rithme & du nombre des syllabes ; & comme la derniere tombe foiblement, & qu’elle n’a pas un son

plein, elle n’est point comptée, & la mesure est remplie à la pénultieme.
Jeune & vaillant héros, dont la haute sages-se.


L’oreille est satisfaite à la pénultieme, ges, qui est le point d’appui, après lequel on entend l’e muet de la derniere syllabe se.

L’e muet est appellé féminin, parce qu’il sert à former le féminin des adjectifs ; par exemple, saint, sainte ; pur, pure ; bon, bonne, &c. au lieu que l’e fermé est apellé masculin, parce que lorsqu’il termine un adjectif, il indique le genre masculin, un homme aimé, &c.

L’e qu’on ajoûte après le g, il mangea, &c. n’est que pour empêcher qu’on ne donne au g le son fort ga, qui est le seul qu’il devroit marquer : or cet e fait qu’on lui donne le son foible, il manja : ainsi cet e n’est ni ouvert, ni fermé, ni muet ; il marque seulement qu’il faut adoucir le g, & prononcer je, comme dans la derniere syllabe de gage : on trouve en ce mot le son fort & le son foible du g.

L’e muet est la voyelle foible de eu, ce qui paroît dans le chant, lorsqu’un mot finit par un e muet moins foible :

Rien ne peut l’arrêter
Quand la gloire l’appelle.


Cet eu qui est la forte de l’e muet, est une véritable voyelle : ce n’est qu’un son simple sur lequel on peut faire une tenue. Cette voyelle est marquée dans l’écriture par deux caracteres ; mais il ne s’ensuit pas de-là que eu soit une diphtongue à l’oreille, puisqu’on n’entend pas deux sons voyelles. Tout ce que nous pouvons en conclure, c’est que les auteurs de notre alphabet ne lui ont pas donné un caractere propre.

Les lettres écrites qui, par les changemens survenus à la prononciation, ne se prononcent point aujourd’hui, ne doivent que-nous avertir que la prononciation a changé ; mais ces lettres multipliées ne changent pas la nature du son simple, qui seul est aujourd’hui en usage, comme dans la derniere syllabe de ils aimoient, amabant.

L’e est muet long dans les dernieres syllabes des troisiemes personnes du pluriel des verbes, quoique cet e soit suivi d’nt qu’on prononçoit autrefois, & que les vieillards prononcent encore en certaines provinces : ces deux lettres viennent du latin amant, ils aiment.

Cet e muet est plus long & plus sensible qu’il ne l’est au singulier : il y a peu de personnes qui ne sentent pas la différence qu’il y a dans la prononciation entre il aime & ils aiment. (F)

E, (Ecriture.) dans l’italienne & la coulée, c’est la sixieme & la septieme partie de l’o, & sa premiere moitié. L’e rond est un demi-cercle, ou la moitié de l’o, auquel il faut ajoûter un quart de cercle qui fasse la seconde partie de cet e. Les deux premiers e se forment d’un mouvement mixte des doigts & du poignet. L’e rond s’exécute en deux tems. Voyez les fig. de ces différens e dans nos Planches, & dans nos exemples d’Ecriture.

EA

* EACÉES, adj. f. pl. pris subst. (Myth.) étoient des fêtes solennelles qu’on célébroit à Egine en l’honneur d’Eaque qui en avoit été roi, & qu’on disoit avoir dans les enfers la fonction de juge, parce qu’il s’étoit distingué sur la terre par sa droiture & son équité. Voyez Fête, &c. Enfer.

* EALÉ, s. f. (Hist. nat.) animal à quatre piés dont Pline donne la description suivante, à la suite de celles du lynx, du sphynx, & d’autres animaux d’Ethiopie. « L’éalé, dit-il, est de la grandeur de