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Une autre classe des droits du Roi, fort considérable pour le revenu, & qui fait une des principales parties des fermes du Roi, sont les domaines & droits y joints. Voyez Domaines du Roi & Fermes des Domaines au mot Fermes du Roi.

Nous nous sommes bornés à donner un précis des droits du Roi, pris dans le sens le plus littéral : en observant cette distinction qui dans le fait est assez juste, les droits sont les revenus du Roi qui sont affermés.

Les impositions sont certaines & déterminées, & régies par des officiers en charge ou par commission. Voyez Imposition & Impôts.

Le clergé & les pays d’états étant sujets à peu ou point de droits, payent en équivalent des dons gratuits, des décimes, &c. dont ce n’est pas le cas de parler ici. Voyez Décime, Don gratuit, &c. Cet article est de M. Dufour.

Droit de Copie, terme de Librairie ; c’est le droit de propriété que le libraire a sur un ouvrage littéraire, manuscrit ou imprimé, soit qu’il le tienne de l’auteur même, soit qu’il ait engagé un ou plusieurs hommes de lettres à l’exécuter ; soit enfin que l’ouvrage ayant pris naissance & qu’ayant été originairement imprimé dans le pays étranger, le libraire ait pensé le premier à l’imprimer dans son pays. Il est appellé droit de copie, parce que l’auteur garde ou est censé garder l’original de son ouvrage, & n’en livrer au libraire que la copie sur laquelle il doit imprimer. L’auteur cede ses droits sur son ouvrage ; le libraire ne reçoit que la copie de cet ouvrage : de-là est venu l’usage de dire droit de copie, ce qui signifie proprement droit de propriété sur l’ouvrage. Ce terme a été établi pour le premier cas ; il a été adopté pour le second, parce qu’il lui convient également : quant au troisieme, c’est par extension qu’on a appellé droit de copie, la propriété que le libraire acquiert sur un ouvrage déjà imprimé dans le pays étranger, & qu’il pense le premier à imprimer dans son pays ; mais cette extension a été jusqu’à présent autorisée par l’usage. Ce droit a de tous les tems été regardé comme incontestable par les Libraires de toutes les nations : il a cependant été quelquefois contesté. Pour expliquer avec clarté & faire entendre ce que c’est que ce droit, & en quoi il consiste, on parlera séparément des différentes manieres dont un libraire devient ou peut devenir propriétaire d’un ouvrage littéraire. On parlera aussi des priviléges que les souverains accordent pour l’impression des livres, parce que c’est sur la durée limitée de ces priviléges que se sont quelquefois fondés ceux qui dans différentes circonstances ont disputé aux Libraires ce droit de copie ou de propriété.

Le droit de propriété du libraire sur un ouvrage littéraire qu’il tient de l’auteur, est le droit même de l’auteur sur son propre ouvrage, qui ne paroît pas pouvoir être contesté. Si en effet il y a sur la terre un état libre, c’est assûrément celui des gens de lettres : s’il y a dans la nature un effet dont la propriété ne puisse pas être disputée à celui qui le possede, ce doivent être les productions de l’esprit. Pendant environ cent ans après l’invention de l’Imprimerie, tous les auteurs ou leurs cessionnaires ont eu en France la liberté d’imprimer, sans être assujettis à en obtenir aucune permission : il en a résulté des abus ; & nos rois, pour y remédier, ont sagement établi des lois sur le fait de l’Imprimerie, dont l’objet a été de conserver dans le royaume la pureté de la religion, les mœurs & la tranquillité publique. Elles exigent que tout ouvrage que l’on veut faire imprimer, soit revêtu d’une approbation, & d’une permission ou privilége du roi, voyez Approbation, Censeur, Permission, Privilége. L’approba-

tion est un acte de pure police, & le privilége un acte de justice & de protection, par lequel le souverain permet authentiquement au propriétaire l’impression & le débit de l’ouvrage qui lui appartient, & le défend à tous autres dans ses états. Cette exclusion est sans doute une grace du prince, mais qui, pour être accordée & reçûe, ne change rien à la nature de la propriété : elle est fondée au contraire sur la justice qu’il y a à mettre le propriétaire en état de retirer seul les fruits de son travail ou de sa dépense.

Les souverains, avant l’origine des priviléges, ne prétendoient point avoir de droits sur les ouvrages littéraires encore dans le silence du cabinet ; ils n’ont rien dit depuis qui tendît à dépouiller les Auteurs de leur droit de propriété & de paternité, soit que leurs ouvrages fussent encore manuscrits & entre leurs mains, soit qu’ils fussent rendus publics par la voie de l’impression : les gens de lettres sont donc restés, comme ils l’étoient avant l’origine des priviléges, incontestablement propriétaires de leurs productions manuscrites ou imprimées, tant qu’ils ne les ont ni cedées ni vendues : l’auteur a donc dans cet état le droit d’en disposer comme d’un effet qui lui est propre, & il en use en le transportant à un libraire, ou par une cession gratuite, ou par une vente. Soit qu’il le donne gratuitement ou qu’il le vende, s’il transmet pour toûjours ses droits de propriété, s’il s’en dépouille à perpétuité en faveur du libraire, celui-ci devient aussi incontestablement propriétaire & avec la même étendue, que l’étoit l’auteur lui-même. La propriété de l’ouvrage littéraire, c’est-à-dire le droit de le réimprimer quand il manque, est alors un effet commerçable, comme une terre, une rente & une maison ; elle passe des peres aux enfans, & de Libraires à Libraires, par héritage, vente, cession ou échange ; & les droits du dernier propriétaire sont aussi incontestables que ceux du premier. Il y a cependant eu des gens de lettres qui les ont contestés, & qui ont prétendu rentrer dans la propriété de leurs ouvrages après les avoir vendus pour toûjours, mais ç’a été jusqu’à présent sans succès : ils se fondoient singulierement sur ce que les souverains mettent un terme à la durée des priviléges qu’ils accordent, & disoient que c’est pour se réserver le droit, après que ces priviléges sont expirés, d’en gratifier qui bon leur semble ; mais ils se trompoient, les souverains ne peuvent gratifier personne d’une propriété qu’ils n’ont pas, & le terme fixé à la durée des priviléges, a d’autres motifs : les princes, en la fixant, veulent se réserver le droit de ne pas renouveller la permission d’imprimer un ouvrage, si par des raisons d’état il leur convient de ne pas autoriser dans un tems des principes ou des propositions qu’ils avoient bien voulu autoriser dans un autre. La permission ou le refus de laisser imprimer ou réimprimer un livre, est une affaire de pure police dans l’état, & il est infiniment sage qu’elle dépende de la seule volonté du prince : mais sa justice ne lui permettroit pas à l’expiration d’un privilége qui seroit susceptible de renouvellement, de le refuser au propriétaire pour l’accorder à un autre. Les princes veulent encore, en fixant un terme à la durée de l’exclusion, qui fait partie du privilége & qui est une grace, forcer le propriétaire à remplir les conditions auxquelles elle est accordée ; & ces conditions sont la correction de l’impression, & les autres perfections convenables de l’art. Il s’ensuit de-là que ce n’est pas le privilége qui fait le droit du Libraire, comme quelques personnes ont paru le croire, mais que c’est le transport des droits de l’auteur.

Au reste, quelque solidement que soit établi par ces principes le droit du libraire sur un ouvrage littéraire qu’il tient de l’auteur, il est cependant vrai