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milien I. les fit enfin abolir entierement dans la diete de Worms en 1495. (—)

DIFFORMITÉ, s. m. (Medec.) on comprend sous ce mot générique toute figure des parties ou des organes du corps humain, qui s’éloigne de la naturelle, au point d’en empêcher les fonctions, ou même seulement de faire de la peine aux yeux de ceux qui n’y sont pas accoûtumés.

Les difformités peuvent venir de naissance, quelquefois de ce que la mere s’est blessée dans sa grossesse, ou même selon quelques-uns de l’effet de son imagination sur le fœtus. Les difformités peuvent encore procéder, après la naissance, d’une infinité de causes différentes, telles que de chûte, de blessure, de brûlure, de fracture, de luxation, de compression, de ligature, &c. de maladies, comme d’une humeur écroüelleuse, arthritique, goutteuse ; d’altération de la synovie dans la mollesse des os, comme dans le rachitis des enfans, &c.

Mais quelle que soit la cause des difformités, il arrive d’ordinaire que la fonction de la partie difforme s’exécute avec plus de peine, ou est même entierement détruite. Les difformités de naissance se corrigent difficilement ; les autres especes de difformités qu’on a lieu d’appréhender, doivent être prévenues par des bandages & par des machines connues, ou qu’on fait exprès, en un mot par tous les secours de l’art & du génie.

On s’est proposé dans cet Ouvrage de ne point négliger l’orthopédie, c’est-à-dire l’art de prévenir ou de corriger dans les enfans les difformités du corps humain. Nous sommes donc bien éloignés d’approuver cette mere extravagante dont parle Dionis, qui vouloit faire arracher à sa fille de très-belles dents qu’elle avoit entr’autres agrémens, de peur que cette beauté ne fût un jour un obstacle à son salut. Le soin du corps renfermé dans les bornes que prescrit la raison, & plus encore le soin de prévenir les difformités corporelles, est une partie très-importante de l’éducation des enfans, qui doit accompagner essentiellement celle des mœurs, & de la culture de leur esprit. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

DIFFRACTION, s. f. (Optiq.) est une propriété des rayons de lumiere, qui consiste en ce que ces rayons se détournent de leur chemin lorsqu’ils rasent un corps opaque, & ne continuent pas leur route en ligne droite. Nous ne pouvons mieux faire ici, que de rapporter en substance ce que dit M. de Mairan sur ce sujet dans les mém. acad. 1738. p. 53.

Tous les Opticiens avant le P. Grimaldi jésuite, ont crû que la lumiere ne pouvoit se répandre ou se transmettre que de trois manieres ; savoir, par voie directe ou en ligne droite, par réfraction, & par réflexion ; mais ce savant homme y en ajoûta une quatrieme qu’il avoit observée dans la nature, & qu’il appella diffraction. C’est cette inflexion des rayons qui se fait à la superficie ou auprès de la superficie des corps, & d’où résulte non-seulement une plus grande ombre que celle qu’ils devoient donner, mais encore différentes couleurs à côté de cette ombre, fort semblables à celles de l’expérience ordinaire du prisme.

Pour se convaincre en gros du phénomene, & sans beaucoup de préparatifs, il n’y a qu’à regarder le soleil à travers les barbes d’une plume, ou auprès des bords d’un chapeau, ou de tel autre corps filamenteux, & l’on appercevra une infinité de petits arc-en-ciels ou franges colorées. La principale raison du P. Grimaldi, pour établir que la diffraction étoit réellement une quatrieme espece de transmission de la lumiere, & pour la distinguer de la réfraction, est qu’elle se fait, comme il le pense, sans l’intervention d’aucun nouveau milieu. A l’égard de M. Newton, qui a décrit ce phénomene avec beaucoup d’exacti-

tude, & qui en a encore plus détaillé les circonstances

& les dimensions que le P. Grimaldi, il n’a rien décidé formellement, que je sache, de sa vraie & prétendue différence avec celui de la réfraction, ne voulant pas même, comme il le dit à ce sujet, entrer dans la discussion si les rayons de la lumiere sont corporels ou ne le sont pas : de natura radiorum, utrum sunt corpora necne, nihil omnino disputans. Cependant il a exclu du phénomene, sans restriction & sans rien mettre à sa place, la réfraction ordinaire de l’air.

Voici d’une maniere plus détaillée en quoi consiste la diffraction : soit ABCD (fig. 66. n. 2. Optique.) le profil ou la coupe d’un cheveu ou d’un fil délié de métal, RR un trait de lumiere reçu par un fort petit trou dans la chambre obscure, & auquel on a opposé le corps ABCD à quelques piés au-delà. Si on reçoit l’ombre du fil AC sur un plan, à quelques piés de distance du fil, par exemple en NZ, elle y sera trouvée, toutes déductions faites, beaucoup plus grande qu’elle ne devroit l’être à raison du diametre de ce fil ; on voit de plus de part & d’autre des limites de l’ombre en NL, ZQ, des bandes ou franges de lumiere colorée. On s’imaginera peut-être que les couleurs N, E, L, d’un côté de l’ombre, & Z, V, Q, de l’autre côté, représentent simplement la suite des couleurs de la lumiere, chacune des bandes ou franges ne donnant qu’une de ces couleurs. Mais ce sont bien distinctement tout au moins trois ordres ou suites de couleurs de chaque côté, & posées l’une auprès de l’autre, à-peu-près comme les spectres d’autant de prismes ajustés l’un sur l’autre au-dessus & au-dessous du corps diffringent ABCD. Ces trois suites de franges ou de couleurs sont représentées ici dans leurs proportions ou approchant (fig. 66. n. 3. Optiq.) par rapport à l’ombre O du cheveu, & marquées sur le milieu des mêmes lettres que leurs correspondantes dans la figure. Ainsi la premiere, en partant de l’ombre, est N d’un côté & Z de l’autre, la seconde E & V, & la troisieme L & Q. On voit dans la premiere de part & d’autre, en venant de l’ombre, les couleurs suivantes, violet, indigo, bleu-pâle, verd, jaune, rouge ; dans la seconde, en suivant le même ordre, bleu, jaune, rouge ; & dans la troisieme, bleu-pâle, jaune-pâle, & rouge. Cette propriété des rayons de lumiere s’appelle aussi infléxion. Il y a des auteurs qui prétendent que M. Hook l’a découvert le premier, mais cet auteur est postérieur à Grimaldi. La cause n’en est pas bien connue : on peut voir sur ce sujet les conjectures de M. Newton dans son Optique, & celles de M. de Mairan dans les mém. acad. 1738. (O)

DIFFUS, adj. (Belles-lettres.) en parlant d’un style ou d’un auteur, se dit d’une maniere d’écrire longue & prolixe. Voyez Prolixité.

Un dictionnaire ne sauroit être trop étendu, mais il ne doit jamais être diffus : quoiqu’on ne soit point obligé de le lire de suite, on n’aime pas à trouver de longueurs dans les articles qu’on consulte, & le lecteur sait mauvais gré à l’auteur des inutilités qu’il lui présente dans un style diffus.

Le style diffus est opposé au style concis & serré, Cicéron est diffus en comparaison de Demosthene. (G)

DIFFUSION, s. f. en Physique, est en général l’action par laquelle une qualité se propage & s’étend. Voyez Qualité. Cela se fait de trois manieres ; ou par une émanation de corpuscules, comme dans les odeurs, ou par la pression des parties d’un fluide, comme dans le son ; ou par quelque moyen qui nous est inconnu, comme dans la gravitation des corps célestes. Voyez Odeur, Son, Lumiere, Gravitation, Attraction, &c. Au reste, ce mot n’est pas fort en usage : on se sert plus ordinairement de celui de propagation. Le mot de diffusion ne