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curateur à son vassal mineur quand les pere & mere auquel le bail ou garde est déféré par la coûtume s’abstiennent & se déportent du bail ; mais si le pere ou la mere en qualité de bail ont fait la foi & hommage, & qu’ils s’abstiennent du bail acceptant seulement la tutelle, le seigneur ne peut plus prétendre le déport parce que le fief est couvert.

Quelques seigneurs ont voulu étendre ce droit, prétendant qu’il avoit lieu pour tous héritages féodaux échûs à des mineurs ; mais il n’est dû que quand la foi & hommage n’est pas faite.

Suivant l’art. II. des arrêtés de M. de la Moignon, tit. de la garde, le droit seigneurial de déport devoit être abrogé ; & par le refus du pere ou de la mere survivant d’accepter la garde, les enfans ne devoient plus tomber en la garde du seigneur. Voyez la coûme d’Anjou, art. 107 & suiv. & celle du Maine, art. 119. & les commentateurs sur ces articles ; Renusson, du droit de garde, chap. ij. journal du palais, arrêt du 30 Mars 1695. (A)

DÉPORTATION, (Jurisprud.) c’étoit chez les Romains la peine de celui qui étoit condamné à passer dans les îles : cette peine succéda à celle de l’interdiction de l’eau & du feu, & elle étoit égale à la condamnation à perpétuité, aux ouvrages publics. Les déportats étoient morts civilement ; ils perdoient l’honneur & les droits de cités ; ils ne pouvoient plus tester, & n’avoient point d’autre héritier que le fisc ; ils conservoient cependant ce qui est du droit des gens, & demeuroient obligés pour la partie de leurs biens qui n’étoit pas confisquée. Lorsqu’ils étoient rétablis chez eux, ils ne recouvroient pas pour cela l’ordre qu’ils tenoient dans la milice, ni l’honneur ni les actions antérieures, excepté à l’égard de ces actions dans le cas où on les réintégroit dans tous leurs biens. Cette condamnation prononcée contre le mari ne faisoit pas révoquer de plein droit la donation faite à la femme, mais il dépendoit du mari de la révoquer.

La déportation étoit différente de la rélégation ; el le avoit quelque rapport au bannissement perpétuel. Voyez au dig. XVII. tit. j. l. XXII. liv. XXXVII. tit. jv. l. I. liv. LVIII. tit. xxij. l. XV. & l. LXXXVII. ff. de regul. jur. au code V. ti. xvj. l. XXIV. liv. VI. tit. xxij. liv. IX. tit. jx. l. II. & tit. lj. l. V & VII. nov. XXII & LII. Voyez Bannissement. (A)

DÉPOSITAIRE, s. m. (Jurisprud.) est celui qui est chargé d’un dépôt. Voyez ci-après Dépôt.

Dépositaire de justice, est celui qui est établi par justice à la garde d’un dépôt, tel qu’un commissaire aux biens saisis, un sequestre, un receveur des consignations, &c.

Dépositaire nécessaire. Voyez ci-après Dépôt nécessaire. (A)

DÉPOSITION, s. f. (Jurisp) est de deux sortes ; il y a déposition de témoins & déposition des prélats. On dit aussi quelquefois déposition d’un officier de judicature ; mais on se sert plus communément à cet égard du terme de destitution. Voyez ci-apr. Destitution. (A)

Déposition d’un Evêque, Abbé, ou autre Ecclésiastique, est un jugement canonique par lequel le supérieur ecclésiastique dépouille pour toûjours un ecclésiastique de son bénéfice & des fonctions qui y sont attachées, sans néanmoins toucher au caractere de l’ordre.

Cette peine ne se prononce que pour des fautes graves ; elle est plus rude que la suspense, qui n’interdit l’ecclésiastique de ses fonctions que pour un tems.

La dégradation est une déposition, mais qui se fait avec des cérémonies particulieres pour effacer le caractere de l’ordre, ce qui ne se fait point dans la

simple déposition. Voyez ci-devant Dégradation.

Dans les premiers siecles de l’Eglise, la déposition étoit fort commune. Dès qu’un prêtre étoit convaincu d’avoir commis quelque grand crime, comme un assassinat, une fornication, on le déposoit, & on le condamnoit à faire pénitence pour le reste de ses jours dans un monastere.

Les jugemens qui intervenoient dans ce cas, étoient exécutés par provision : l’évêque qui avoit déposé un bénéficier, pouvoit disposer de son bénéfice ; mais on permettoit à ceux qui se prétendoient condamnés injustement, de se pourvoir au concile de la province.

Les évêques, dit un concile tenu en Espagne en 590, peuvent donner seuls les honneurs ecclésiastiques ; mais ils ne peuvent les ôter de même, parce qu’il n’y a point d’affront à n’être point élevé aux dignités, au lieu que c’est une injure d’en être privé.

Un canon du dixieme concile de Châlons porte aussi que si un prêtre a été pourvû d’une église, on ne peut la lui ôter que pour quelque grand crime, & après l’en avoir convaincu en présence de son évêque.

On ne connoissoit point alors de crimes qui fissent vaquer de plein droit les benéfices, sans aucun jugement. Dans la suite les excommunications, les suspenses & les interdits de plein droit etant devenus très-communs, on y joignit la privation des bénéfices ; on en trouve plusieurs exemples dans le corps du droit canonique.

A présent la suspense est une peine beaucoup plus commune que la déposition.

La déposition des évêques est mise par l’Eglise au nombre des causes majeures. Les plus anciens monumens que nous ayons sur la maniere de juger les évêques. se trouvent dans l’épître 55. de S. Cyprien ad Cornel. dans les canons 14 & 15 du concile d’Antioche, & dans les canons 3, 4 & 7 du concile de Sardique, tenu en 347.

Le concile d’Antioche dit que si un évêque est accusé, & que les voix de ses comprovinciaux soient partagées, le métropolitain en appellera quelques-uns de la province voisine. Il n’est point parlé de l’appel au pape, lequel ne paroît avoir été introduit que par Ozius au concile de Sardique, tenu en 347.

Le premier concile de Carthage, tenu en 349, veut que pour juger un évêque il y en ait douze.

L’usage de France pour la déposition des évêques, est qu’elle ne peut être faite directement par le pape, mais seulement par le concile provincial, sauf l’appel au pape. C’est ce qui a toûjours été observé avant & depuis le concordat, lequel n’a rien statue sur cette matiere. Voyez Gerbais, de causis majorib. Les mémoires du Clergé, premiere édition, tome II. p. 463. (A)

Déposition de témoins, est la déclaration qu’un témoin fait en justice, soit dans une enquête ou dans une information.

Pour juger du mérite des dépositions, on a égard à l’âge des témoins, à leur caractere, à la réputation d’honneur & de probité dont ils joüissent, & aux autres circonstances qui peuvent donner du poids à leur déposition, ou au contraire les rendre suspectes ; par exemple, si elle paroît suggerée par quelqu’un qui ait eu intérêt de le faire ; ce qui se peut reconnoître aux termes dans lesquels s’exprime le témoin, & à une certaine affectation ; à un discours trop recherché, si ce sont des gens du commun qui déposent.

Les dépositions se détruisent d’elles-mêmes, quand elles renferment des contradictions, ou quand elles ne s’accordent pas avec les autres : dans ce dernier