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étendre en long ce qui étoit plié. On le dit particulierement des étoffes que les marchands en détail déplient & étalent sur leurs tables & bureaux pour les faire voir à ceux qui les marchandent, soit pour les assortir, soit pour mieux en considérer la qualité & la bonté. Quand on déplie des étoffes pour en faire la montre, il est important de les replier dans les mêmes plis, de peur de leur en faire prendre de faux. Dictionn. de Comm. de Trév. & Chamb. (G)

DÉPLOYÉ, adj. dans le Blason, désigne la position d’un aigle ou d’un autre oiseau, lorsqu’il est tout droit, ayant ses aîles développées ou étendues. Voyez Aigle. Chambers. (V)

DÉPLOYER UNE VOILE, (Marine) c’est la mettre dehors pour la présenter au vent.

Déployer le pavillon, c’est l’arborer & le laisser voltiger au gré du vent. (Z)

Déployer le trait, (Vénerie.) c’est allonger la corde de crin qui tient à la botte du limier.

DÉPONENT, adj. m. terme de Grammaire latine. On ne le dit que de certains verbes qui se conjuguent à la maniere des verbes passifs, & qui cependant n’ont que la signification active. Ils ont quitté la signification passive ; & c’est pour cela qu’on les appelle déponens, du latin deponens, participe de deponere, quitter, déposer. M. de Valenge les appelle verbes masqués, parce que sous le masque, pour ainsi dire, de la terminaison passive, ils n’ont que la signification active. Miror ne veut pas dire je suis admiré, il signifie j’admire.

Cette terminaison passive donne lieu de croire que ces verbes dans leur premiere origine n’avoient que la signification passive. En effet, miror, par exemple, ne signifie-t-il pas, je suis étonné, je suis dans la surprise, à cause de telle ou telle chose, par telle raison. Priscien, au liv. VIII. de significationibus verborum, rapporte un grand nombre d’exemples de verbes déponens, pris dans un sens passif, qui habet ultrò appetitur, qui est pauper aspernatur : le pauvre est méprisé : meam novercam lapidibus à populo consectari video : je vois ma belle-mere poursuivie par le peuple à coups de pierres.

Ces exemples sont dans Priscien : le tour passif est plus dans le génie de la langue latine que l’actif ; au contraire, l’actif est plus analogue à notre langue ; ce qui fait que nous aurions bien de la peine à trouver le tour passif original de tous les verbes, qui n’ayant été d’abord que passifs, quitterent avec le tems cette premiere signification, & ne furent plus qu’actifs. Les mots ne signifient rien par eux-mêmes ; ils n’ont de valeur que celle que leur donnent ceux qui les employent : or il est certain que les enfans, dans le tems qu’ils conservent les mêmes mots dont leurs peresse servoient, s’écartent insensiblement du même tour d’imagination : quand le grand-pere disoit miror, il vouloit faire entendre qu’il étoit étonné, qu’il étoit affecté d’admiration & de surprise par quelque motif extérieur ; & quand le petit-fils dit miror, il croit agir, & dit qu’il admire. Ce sont ces écarts multipliés qui font que les descendans viennent enfin à ne plus entendre la langue de leurs peres, & à s’en faire une toute différente : ainsi le même peuple passe insensiblement d’une langue à une autre. (F)

DÉPOPULATION, s. f. (Politique.) est proprement l’action de dépeupler un pays, ou une place. Cependant ce mot se prend plus ordinairement dans le sens passif que dans le sens actif. On dit la dépopulation d’un pays, pour designer la diminution de ses habitans, soit par des causes violentes, soit par le seul défaut de multiplication. (O)

DÉPORT, s. m. (Jurisprudence.) est de plusieurs sortes.

Déport en matiere bénéficiale, est une es-

pece de droit d’annate dont les évêques ou leurs archidiacres, archiprêtres, ou grands vicaires, & en quelques endroits les chapitres jouissent, tant sur les cures que sur les prébendes, & autres bénéfices.

Ce droit paroît avoir la même origine que les annates dont on attribue l’invention à Jean XXII. lequel en son extravagante suscepti de elect. reçoit ex laudabili consuetudine privilegio statuto annalia, qui étoient les fruits de la premiere ou de la seconde année des bénéfices vacans.

On s’est souvent récrié contre ces droits de déport, aussi-bien que contre les annates qui furent abolies par les conciles de Constance & de Bâle, & défendues par un decret de la pragmatique sanction. Yves de Chartres en son épitre xcjv, Dumoulin, part. VII. styli parlam. arrêt 108, les condamnent formellement.

Cependant le concordat ayant en quelque sorte abrogé la pragmatique, le pape jouit du droit d’annate sur les grands bénéfices ; & à l’égard de l’annate ou dépôt des collateurs ordinaires, cette coûtume a été appellée loüable par le clergé, & comme telle admise dans le droit canon, & confirmée par plusieurs arrêts ; mais l’usage n’est pas par-tout uniforme, & dépend des titres & de la possession.

Dans le ressort du parlement de Paris, les archidiacres jouissent du déport sur les cures seulement, & non sur d’autres bénéfices.

En Normandie la plûpart des chapitres ont le droit de déport sur leurs prébendes.

Le déport n’a lieu qu’en deux cas ; l’un est pendant la vacance de la cure, l’autre est pendant le litige.

Dans le premier cas, l’archidiacre a soin de faire desservir la cure qui est vacante ; & c’est sans doute par cette considération qu’on lui a attribué les fruits de la cure pendant la vacance.

Dans le cas de litige, il ne joüit des fruits que jusqu’au jour que l’un des contendans est maintenu en possession ; & celui qui a donné lieu au déport par sa mauvaise contestation, doit être condamné à rendre à l’autre la valeur des fruits qu’il lui a fait perdre. Voyez la glose de la pragmatique in verbo consuetudinis in fine ; Probus, tr. des régales, quæst. 51 ; les recherche de la Fr. par Pasquier, liv. III. chap. xxv ; Ragueau, en son glossaire, au mot déport ; Chopin, liv. I. de sacra polit. tit. viij. num. 18. 19. & seq. Le Maître, traité des fiefs, chap. jv. sur la fin ; Rebuffe, sur le concordat, tit. de collat §. volumus, verbo beneficium ; Loüet, let. D. num 62. code des curés, arrêt du 30 Août 1706, aux privileges définit canon, au mot. déport. Voyez ci-après Dépouille. (A)

Déport, signifie quelquefois délai ; sans déport, c’est-à-dire sans délai, ou plûtôt sans desemparer, quand on prononce une amende & qu’on ajoute payable sans déport, il faut qu’elle soit payée sur le champ, sous peine de prison. (A)

Déport d’un Juge, d’un Arbitre, d’un Expert, ou autre officier commis par le juge, est l’acte par lequel le juge ou autre officier déclare qu’il n’entend point connoître de l’affaire qui étoit devant lui pour quelque raison particuliere qui l’en empêche, comme pour cause de parenté ou alliance, ou parce qu’il a une affaire semblable en son nom : il est beaucoup plus séant à un juge de se déporter lui-même que d’attendre qu’on le recuse. (A)

Déport de minorité dans les coûtumes d’Anjou & du Maine, est un droit seigneurial consistant dans la jouissance qui appartient au seigneur dominant des fruits d’une année pour son droit de rachat du fief d’un mineur, à la charge néanmoins d’en donner le tiers au mineur pour sa nourriture.

Ce droit a été introduit pour récompenser le seigneur du soin qu’il doit avoir de faire pouvoir de