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Mais ce délaissement universel est plûtôt une renonciation qu’un déguerpissement proprement dit, lequel n’a véritablement lieu que pour les charges foncieres dont on a parlé ci-devant.

Tout détenteur en général peut déguerpir ; cela demande néanmoins quelque explication.

Le tuteur ne peut déguerpir pour son mineur qu’en conséquence d’un avis de parens omologué en justice.

Le bénéficier ne le peut faire aussi qu’en cas de nécessité, & d’une autorisation de justice qui ne doit lui être accordée qu’après une enquête de commodo & incommodo.

Le déguerpissement du bien de la femme ne peut être fait par le mari sans son consentement.

La saisie réelle de l’héritage n’empêche pas le détenteur de le déguerpir.

Le preneur à rente & ses héritiers peuvent aussi déguerpir, quand même le preneur auroit promis de payer la rente, & qu’il y auroit obligé tous ses biens ; car une telle obligation s’entend toûjours tant qu’il sera détenteur de l’héritage.

Mais si le preneur avoit expressément renoncé au déguerpissement, ou promis de ne point déguerpir, ou qu’il eût promis de fournir & faire valoir la vente, il ne pourroit pas déguerpir ni ses héritiers.

Si par le bail à rente il s’étoit obligé de faire quelque amendement, comme de bâtir, planter, &c. il ne pourroit pas déguerpir qu’il n’eût auparavant rempli son engagement.

Le déguerpissement doit être fait en jugement, partie présente, ou dûement appellée, à moins que ce ne soit du consentement des parties ; auquel cas il peut être fait hors jugement.

On peut déguerpir par procureur, pourvû que celui-ci soit fondé de procuration spéciale ; & il ne suffit pas de signifier la procuration, il faut qu’en conséquence le fondé de procuration passe un acte de déguerpissement.

Celui qui déguerpit doit fournir à ses frais l’acte de déguerpissement ; il doit aussi remettre les titres de propriété qu’il peut avoir, sinon se purger par serment qu’il n’en retient aucun.

Le détenteur peut déguerpir, quand même il ne posséderoit pas tout ce qui a été donné à la charge de la rente : le preneur même ou ses héritiers qui auroient vendu une partie des héritages, pourroient toûjours déguerpir l’autre, pourvû que le déguerpissement comprenne tout ce que le preneur ou détenteur possede des héritages chargés de la rente ; & en déguerpissant ainsi sa portion, il est libéré de la totalité de la rente.

L’héritage doit être rendu entier ; d’où il suit que le bailleur doit être indemnisé des hypotheques & charges réelles & foncieres imposées par le preneur ou autre détenteur.

Lorsque le détenteur a acquis à la charge de la rente, ou qu’il l’a depuis reconnue, il est obligé en déguerpissant de rendre l’héritage en aussi bon état qu’il l’a reçu, & d’y faire les réparations nécessaires, & de payer les arrérages de rente échus de son tems. Quelques coûtumes veulent encore que celui qui déguerpit paye le terme suivant ; comme celle de Paris, art. 109. Mais si le détenteur n’a point eu connoissance de la rente, il peut déguerpir l’héritage en l’état qu’il est, pourvû que ce soit de bonne foi & sans fraude, & est quitte des arrérages, même échus de son tems, pourvû qu’il déguerpisse avant contestation en cause ; s’il ne déguerpit qu’après la contestation, il doit payer les arrérages échus de son tems.

L’effet du déguerpissement est qu’à l’instant le détenteur cesse d’être propriétaire de l’héritage, & que la propriété en retourne au bailleur : mais ce n’est pas ex antiquâ causâ ; de sorte que tout ce que

le détenteur a fait comme propriétaire jusqu’au déguerpissement est valable, comme on l’a observé pour les hypotheques & charges foncieres qu’il peut avoir imposées sur l’héritage, pour lesquelles le bailleur a seulement son recours contre celui qui a déguerpi-Voyez Loiseau, du déguerpissement ; Bouchel, biblioth. au mot Déguerpiss. la coûtume de Paris, articl. 101. 102. 103. 104. & 110. & autres coûtumes semblables & leurs commentateurs. (A)

DEGUISEMENT, TRAVESTISSEMENT, (Syn. Gramm.) ces deux mots désignent en général un habillement extraordinaire, différent de celui qu’on a coûtume de porter : voici les nuances qui les distinguent ; il semble que déguisement suppose une difficulté d’être reconnu, & que travestissement suppose seulement l’intention de ne l’être pas, ou même seulement l’intention de s’habiller autrement qu’on n’a coûtume : on dit d’une personne qui est au bal, qu’elle est déguisée, & d’un magistrat habillé en homme d’épée, qu’il est travesti.

D’ailleurs déguisement s’employe quelquefois au figuré, & jamais travestissement. (O)

DEHARDER, (Venerie.) quand on veut tenir plusieurs couples de chiens ensemble, on prend des couples particulieres qu’on passe dans le milieu de celles qui les unissent deux à deux ; & quand on veut les remettre par couples de deux à deux, on ôte les couples particulieres dont nous venons de parler, & c’est ce qu’on appelle déharder.

DEHORS, s. m. pl. en termes de Fortifications, se dit de toutes les pieces détachées & de tous les travaux avancés, qui servent de défense au corps de la place du côté de la campagne. Voyez Ouvrage & Fortification.

Les dehors, qu’on appelle aussi ouvrages avancés ou détachés, servent non-seulement à couvrir la place, mais aussi à en tenir l’ennemi éloigné, & à l’empêcher de prendre avantage des cavités & élévations qui se trouvent ordinairement vers la contrescarpe, dont il pourroit profiter pour se retrancher & pointer ses batteries contre la place ; tels sont les demi-lunes, les ouvrages à corne & à couronne. Voyez chacun de ces mots à son rang.

Les plus ordinaires sont les demi-lunes, placées sur l’angle flanquant de la contrescarpe & devant la courtine pour couvrir les portes & les ponts. Voyez Ravelin & Demi-lune, Tenaillon, Contregarde, &c. Chambers.

La position & la figure de tous les dehors est établie sur les mêmes principes que ceux qui ont donné lieu à la figure de l’enceinte du corps de la place.

Il ne doit y avoir aucune de leurs parties qui ne soit flanquée, soit du corps de la place ou de quelques autres parties des dehors voisins ou de l’ouvrage même. Ils doivent être construits ou placés de maniere que l’ennemi ne puisse pas, après s’en être emparé, s’en servir avantageusement pour se couvrir & battre plus aisément les autres ouvrages qui en sont proches. Le rempart de la place doit être plus élevé que celui des dehors. Lorsqu’il y en a plusieurs les uns devant les autres, celui qui est le plus près de la place, doit avoir son rempart plus bas que celui de la ville de trois piés. Le dehors qui est immédiatement avant celui-ci, doit aussi avoir son rempart plus bas de trois piés ; & ainsi de suite ; ensorte que s’il y a trois dehors les uns devant les autres, & que le rempart de la place ait dix-huit piés de hauteur, celui du premier dehors n’en aura que quinze, celui du second douze, & celui du troisieme neuf. Ainsi les dehors les plus près de la place commandent ceux qui en sont plus éloignés, & la place commande généralement à tous les dehors.

Chaque dehors a toûjours un rempart, un parapet, & un fossé. Le rempart des dehors est ordinairement