L’Encyclopédie/1re édition/OUVRAGE

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OUVRAGE, s. m. (Arts & Sciences.) travail, production d’un homme de lettres sur quelque sujet. On doit faire grand cas des ouvrages qui nous développent d’une main savante, les principes d’un art ou d’une science ; mais c’est au bon sens & à l’expérience à déterminer l’application de ce même principes. En général les ouvrages doivent tendre à éclairer l’esprit, mais rien ne le forme comme le soin d’écrire & de composer soi-même. C’est aux lecteurs à faire choix des ouvrages dont ils doivent plus ou moins se nourrir ; car il en est des livres comme des mets ; il y en a dont il ne faut que goûter, & d’autres qu’on doit ruminer & mâcher à loisir ; mais ce n’est que par de bons conseils, par le tems, ou par le génie, qu’on parvient à cette heureuse connoissance. On chérit ces auteurs excellens, dont les ouvrages sont autant d’amis qui moralisent sans offenser personne ; qui nous parlent sans prévention, & qui ne nous savent point mauvais gré de ce que nous passons légerement sur des choses qui leur ont coûté beaucoup de soins, de peines, & de veilles. Comme ouvrage est synonyme à livre, voyez Livre. (D. J.)

Ouvrages de l’art de la & nature, (Science micr.) il ne seroit peut-être pas inutile de comparer quelques-uns des ouvrages les plus fins & les plus exquis de nos arts, avec les productions de la nature ; une telle comparaison ne peut aboutir qu’à humilier l’orgueil de l’homme, & en même tems elle peut servir à perfectionner en quelque maniere les idées imparfaites qu’il a du créateur.

En examinant au microscope le tranchant d’un rasoir fort fin, il paroît aussi épais que le dos d’un gros couteau ; il paroît raboteux, inégal, plein d’entaillures & de sillons, & si éloigné d’être bien affilé, qu’un instrument aussi émoussé que celui-là paroît n’être pas même bon à fendre du bois.

Une aiguille excessivement petite étant aussi examinée, sa pointe paroît comme si elle avoit plus d’un quart de pouce de largeur ; elle n’est pas ronde ni plate, mais irréguliere & inégale, & sa surface, quoiqu’extrémement droite & polie à la vue simple, paroît pleine d’âpretés, de trous & de sillons ; en un mot, elle ressemble à une barre de fer qui sort de la forge.

Mais l’aiguillon d’une abeille vu par le même instrument, paroît de tous les côtés d’un poli parfait, & d’une beauté surprenante, sans la moindre fente, tache ou inégalité, & terminé par une pointe trop fine pour être distinguée ; encore n’est-ce que l’étui ou le fourreau qui contient d’autres instrumens beaucoup plus exquis.

Une petite piece de linon extrémement fin paroît par les grandes distances & trous entre ses fils, semblable en quelque maniere à une claie ou à un filet ; & les fils eux-mêmes paroissoient plus grossiers que les cordons dont on fait les cables pour les ancres.

Une dentelle de Bruxelles qui coûte cinq ou six livres sterlings la verge, semble composée de poils épais, raboteux, inégaux, entortillés, attachés ou liés ensemble tout de travers & sans art.

Mais la toile d’un ver à soie étant examinée, paroît parfaitement polie & brillante, uniforme de tous les côtés, & beaucoup plus fine qu’aucun fil qui puisse être filé par la meilleure fileuse du monde, autant que le plus petit fil retors est plus fin que le plus gros cable. Une cosse de cette soie étant développée, se trouve contenir neuf cent & trente verges ; mais il est bon de remarquer, que comme deux fils sont toujours attachés ensemble par le ver dans toute leur longueur, le nombre des fils en est réellement double, c’est-à-dire, de 1860 verges ; ces fils étant pesés avec la derniere exactitude, se trouvent ne peser que deux grains & demi. Quelle finesse exquise est donc celle-ci ? Encore n’est-ce rien en comparaison de la toile d’une petite araignée, ou même en comparaison de la soie qui sort de la bouche de ce même ver lorsqu’il vient d’éclore.

Le plus petit point ou marque que l’on puisse faire avec une plume, paroît au microscope une grande tache irréguliere, raboteuse, dentelée & inégale tout au-tour de ses côtés, & bien éloignée d’être véritablement ronde. L’écriture la plus fine & la plus menue, comme l’oraison de Notre-Seigneur comprise toute entiere dans un sol d’argent, ou autres petites écritures également curieuses faites par les plus habiles maîtres, paroissent lorsqu’on les examine au microscope, aussi difformes, grossieres & barbares, que si elles avoient été écrites par la main la plus pesante ; mais les taches qui sont sur les aîles ou sur les corps des teignes, des escarbots, des mouches & autres insectes, se trouvent lorsqu’on les grossit autant que l’on peut avec la loupe, très-exactement circulaires, & les autres lignes & marques qui sont tout-autour, paroissent tirées régulierement & délicatement avec toute l’exactitude possible.

Le docteur Power dit qu’il a vu une chaîne d’or à Tredescant, composée de trois cens anneaux, & qui n’avoit pas plus d’un pouce de longueur, on l’attachoit à une mouche qui la traînoit. M. Derham a vu au-près de Durhamyard une chaise faire par le sieur Boverick horloger, qui avoit quatre roues, avec toutes leurs appartenances, roulant aisément sur leurs essieux, & un homme assis dans la chaise ; le tout étoit d’yvoire, & traîné par une mouche sans aucune difficulté apparente ; il pesa le tout avec la plus grande attention dont il fût capable, & trouva que la chaise, l’homme, & la mouche pesoient un seul grain. Il pesa aussi dans le même tems & dans le même endroit une chaîne de cuivre faite par le même ouvrier, qui avoit environ deux pouces de longueur, deux cens anneaux avec un crochet au bout, & un cadenat avec une clé à l’autre bout, & il trouva qu’elle ne pesoit pas le tiers d’un grain. Il a vu encore de la même main une table de quadrille avec son tiroir, une table à manger, un buffet, un miroir, douze chaises à dossier, six plats, une douzaine de couteaux, autant de fourchettes, douze cuilliers, deux salieres, avec un cavalier homme, une dame & un laquais, le tout contenu dans un noyau de cerise.

On nous apprend dans le journal d’Allemagne, qu’un ouvrier nommé Oswald Nerlinger, fit une coupe d’un grain de poivre qui en contenoit douze cens autres plus petites, toutes tournées en ivoire, dont chacune étoit dorée aux bords, & se tenoit sur son pié. Si tous ces faits ne sont pas beaucoup exagérés, ce sont là les ouvrages de l’art les plus délicats, les plus curieux & les plus surprenans qui aient été faits de main d’homme, mais après qu’on a eu examiné quelqu’un de ces ouvrages avec un microscope, on s’est convaincu que le plus grand effort de l’art ne consiste qu’à bien cacher les difformités, à en imposer à la foiblesse de nos yeux, & à prouver que notre admiration ne vient que de notre ignorance.

La découverte avantageuse de cette vérité, fait voir que les chefs-d’œuvres de l’art les plus vantés, sont aussi mal fagotés, raboteux & inégaux, que si on les avoit taillés avec une hache, ou si on les avoit frappés avec un maillet & un ciseau ; on y voit des bévues, des inégalités & des imperfections dans chaque partie, & le tout est monstrueux, n’ayant aucune proportion. Nos miniatures les plus fines paroissent devant cet instrument comme de purs barbouillages, enduits avec une truelle & sans aucune beauté, tant dans les traits que dans les couleurs. Nos plus brillans vernis, nos ouvrages les mieux polis, ne sont que des corps raboteux, pleins de fentes & de crevasses. Ainsi disparoissent les ouvrages de l’art lorsque nous sommes en état de voir ce qu’ils sont effectivement. Au contraire, si nous examinons de plus près, si nous distinguons mieux, si nous observons avec plus de soin les ouvrages de la nature, même dans ses moindres productions, nous n’en sommes que plus frappés de la sagesse, de la puissance, & de la grandeur infinie de celui qui les a faits.

Appliquez au microscope tout ce qu’il vous plaira, vous n’y trouverez que beautés & perfections. Considérez le nombre infini d’especes d’insectes qui nagent, qui rampent, ou qui volent autour de nous, quelle proportion, quelle exactitude, quelle uniformité & quelle symmétrie n’appercevrez-vous pas dans tous leurs organes ! Quelle profusion de couleurs ! L’asur, le verd & le vermillon, l’or, l’argent, les perles, les rubis & les diamans forment une broderie à leurs corps, à leurs aîles, à leurs têtes, & à toutes leurs autres parties ! Que de richesses ! que de perfections ! Quel poli inimitable ne voyons-nous pas de toutes parts ! Allons plus avant & examinons les petits animaux dont plusieurs especes sont absolument invisibles à l’œil humain sans le secours d’un microscope ; ces atômes vivans, tout petits qu’ils sont, ne laissent pas d’être presque tous des prodiges ; nous y découvrons les mêmes organes du corps, la même multiplicité de parties, variété de mouvemens, diversité de figures, & maniere de vivre particuliere que nous voyons dans les plus grands animaux ; la construction intérieure de ces petites créatures doit être prodigieusement curieuse, le cœur, l’estomac, les entrailles & le cerveau. Combien doivent être petits & déliés leurs os, leurs jointures, leurs muscles & leurs tendons ! Combien doivent être délicates, & au-delà de toute imagination, les veines, les arteres & les nerfs ! Quelle multitude de vaisseaux & de circulations dans un si petit espace ! & encore ont-ils assez de place pour remplir toutes leurs fonctions, sans se mêler ou s’embarrasser les uns avec les autres !

Si l’on examine les végetaux, on y voit pareillement le même ordre, la même régularité & la même beauté. Chaque tige, chaque bouton, chaque fleur & chaque semence, présente une figure, une proportion, une harmonie qui est au-dessus de la portée de tous les arts. Il n’y a point d’herbe sauvage, ni de mousse dont chaque feuille ne présente une multiplicité de vaisseaux & de pores rangés avec un art infini, pour porter les sucs nécessaires à sa conservation & à sa nourriture, & qui ne soit ornée d’une infinité de graces qui l’embellissent.

Les ouvrages les plus parfaits de l’art, font sentir la foiblesse, la pauvreté, & l’incapacité de l’ouvrier ; mais ceux de la nature font voir clairement que celui qui les a faits a un pouvoir absolu sur la matiere dont il dispose, & qu’il a des instrumens convenables à son dessein. Chaque poil, plume ou écaille, même dans les moindres insectes, paroît rond, poli & fini au dernier point, & démontre les richesses abondantes, la libéralité, & la sagacité de son auteur. (D. J.)

Ouvrage, s. m. (Architect.) c’est ce qui est produit par l’ouvrier, & qui reste après son travail, comme dans la construction des bâtimens, la maçonnerie, la charpenterie, la serrurerie, &c. Il y a deux sortes d’ouvrages dans la maçonnerie, de gros ouvrages, & de menus ouvrages. Les premiers sont des murs de face & de refend, les murs avec crépi, enduits & ravalemens, & toutes les especes de voutes de pareille matiere. Ce sont aussi les contremurs, les marches, les vis potoyeres, les bouchemens & percemens de portes & croisées à mur plein ; les corniches & moulures de pierre de taille, quand on n’a point fait de marché à part ; les éviers, lavoirs & lucarnes : ce qui est de différent prix, suivant les différens marchés.

Les légers & menus ouvrages sont les plâtres de différentes especes, comme tuyaux, souches & manteaux de cheminée, lambris, plafonds, panneaux de cloison, & toutes saillies d’architecture ; les escaliers, les lucarnes, avec leurs joués de charpenterie revêtue, les exhaussemens dans les greniers, les crépis & renformis contre les vieux murs, les scellemens de bois dans les murs ou cloisons, les fours, potagers, carrelages, quand il n’y a point de marché fait ; les contrecœurs, âtres de cheminée, aires, mangeoires, scellemens des portes, de croisées, de lambris, de chevilles, de corbeaux de bois ou de fer, de grilles, &c.

On appelle ouvrages de sujetions ceux qui sont ceintrés, rampans ou cherchés par leur plan, ou leur élevation, & dont les prix augmentent à proportion du déchet notable de la matiere, & de la difficulté qu’il y a à les exécuter.

On donne le nom d’ouvrage de pierres de rapport à une espece de mosaïque qu’on fait avec des pierres naturelles pour représenter des animaux, des fruits, des fleurs, & autres figures, comme si elles étoient peintes. Cela se fait en assemblant différens marbres, selon le dessein qu’on a, & on les joint & les cimente. Sur ces marbres, le peintre qui a disposé le sujet, marque avec un pinceau trempé dans de la couleur noire, les contours des figures. Il observe avec des hachures les jours & les ombres, comme s’il dessinoit sur le papier au crayon. Ensuite le sculpteur grave, avec un ciseau, tous les traits qui ont été tracés par le peintre, & garnit ces traits d’autres marbres, ou on les remplit d’un mastic composé de poix noire, & d’autre poix qu’on fait bouillir avec du noir de terre. Quand ce mastic a pris corps, on l’unit avec du grès & de l’eau, ou du ciment pilé. C’est ainsi qu’avec trois sortes de marbres on a trouvé l’art d’embellir de différentes figures les pavés des églises & des palais. Voyez les principes de l’Architect. de la Sculpture, &c. par M. Felibien, ch. xij.

Ouvrage à sceaux, terme d’archit, hydraul. C’est une machine, qui sert à élever l’eau, moyennant un ou deux vaisseaux attachés à une perche. Il y a des ouvrages à sceaux simples, & des ouvrages composés. Les premiers sont formés d’un levier, & les autres de poulies, de roues à chaînes, ou de roues avec pignon. On trouve la description de ces trois sortes d’ouvrages, & particulierement d’un, qui se meut tout seul, dans le technica curiosa de Schot, dans l’hydraulico-pneumatica du même auteur, & dans le theatrum hydraulicum de Léopold, tom. I. ch. 8.

Ouvrage hydraulique. C’est un bâtiment qui sert à conduire l’eau où l’on veut. Tels sont les bâtimens de la machine de Marly, de la Samaritaine, & des pompes du pont Notre-Dame à Paris. Voyez le t. II. de la premiere partie de l’architecture hydraulique de M. Belidor, & le theatrum machinarum hydraulicarum, de Jacques Léopold, tom. I. & II.

Ouvrage rustique. C’est un bâtiment dont le mur est construit de pierres qui avancent. Cette maniere de bâtir a été de tout tems une des plus simples, & des plus communes, puisqu’on n’est pas même obligé d’applanir les surfaces extérieures des pierres, & qu’on les laisse brutes, afin de ménager les frais de l’ouvrage. De cette simplicité on a voulu s’élever aux principes d’un art. Dans cette vue, des architectes se sont attachés à joindre tellement les pierres, que les surfaces de devant avançassent dans les jointures, & on a figuré les surfaces relevées. Voyez des exemples là-dessus dans l’architecture de Vitruve, & dans le cours d’architecture de Daviler. Mais malgré ces efforts, pour accréditer l’ouvrage rustique, cette maniere de bâtir n’est point d’un bon goût. Autrefois on s’en servoit, même pour les palais les plus superbes, en l’employant également dans tous les étages, & en y joignant des colomnes de plusieurs ordres. Tels sont le magnifique palais de Pitti à Florence, aux trois étages duquel est l’ordre toscan, le dorique & l’ionique ; le palais d’Est à Ferrare ; l’hôtel de Peller à Nurember, qui a au-devant des pierres relevées jusqu’au dessous du toit. On en trouve d’autres exemples du fameux Michel Ange, rapportés dans le cours d’architecture de Daviler.

On emploie aujourd’hui l’ouvrage rustique aux portes des villes, & aux portails des bâtimens qui doivent avoir beaucoup de solidité, comme les arsenaux, les boulangeries, &c. Il est rare qu’on le pratique aux églises & aux maisons particulieres où il ne peut avoir lieu qu’à l’étage inférieur ; souvent même on n’en charge pas tout le mur, & on se contente de l’appliquer aux coins & au bordage de la saillie. Daviler. (D. J.)

Ouvrages, en termes de Fortification, signifient toutes les differentes pieces ou édifices qui s’emploient dans la fortification ; c’est aussi, dans l’attaque des places, les lignes, les tranchées, les fossés, &c. qu’on fait autour d’une ville ou d’un camp, &c. pour se fortifier.

On trouvera les principaux ouvrages d’une place fortifiée aux articles de Place fortifiée, de Fortification, &c.

Ouvrage a corne, dans la Fortification, est un ouvrage formé d’un front de fortification, c’est-à-dire, d’une courtine & de deux demi-bastions joints à la place par deux longs côtés, qu’on appelle ses aîles ou ses branches.

Cet ouvrage se place quelquefois devant un bastion, mais plus ordinairement devant une courtine.

Pour construire un ouvrage à corne devant une courtine EF (Pl. IV. de Fortification, fig. 4.), il faut prolonger indéfiniment vers la campagne la perpendiculaire qui a été élevée sur le côté du polygone, pour tirer les lignes de défense & de l’angle rentrant Q de la contrescarpe ; il faut prendre sur cette perpendiculaire prolongée QL de 120 ou 130 toises ; au point L élever sur LQ la perpendiculaire OP, prolongée indéfiniment de part & d’autre du point L. On prendra sur cette perpendiculaire LO & LP chacune de 60 ou 70 toises : on marquera ensuite les points A & B sur les faces des bastions opposés à l’ouvrage à corne, à 10 toises des angles de l’épaule C & D : on tirera par les points O & A & par les points P & B les lignes OM, PN, terminées en M & en N par leur rencontre avec la contrescarpe de la place. Ces lignes seront les aîles ou les branches de l’ouvrage à corne ; O P en sera le côté extérieur, que l’on fortifiera en prenant sur la perpendiculaire QL, LR de 23 toises, si LP est de 70 toises, & de 20 toises, si cette ligne est seulement de 60 toises. Par les points O & P & par le point R, on menera les lignes de défense indéfinies OX, PV, sur lesquelles on prendra les faces PS, OT, chacune de 40 toises, si LP est de 70, & de 35, si cette ligne est de 60. On achevera ensuite la fortification du côté extérieur OP, comme dans le premier système de M. de Vauban. Voyez ce système à la suite du mot Fortification. Voyez aussi sa construction, Pl. II. de Fortific. fig. 7.

On donnera 12 toises de largeur au fossé de l’ouvrage à corne : on le tracera vis-à-vis le front OP comme au corps de la place, en décrivant des points O & P pris pour centres, & d’un intervalle de 12 toises des arcs de cercle en-dehors de l’ouvrage, & tirant ensuite par les angles de l’épaule T & S des lignes tangentes à ces arcs. A l’égard du fossé des aîles OM, PN, il sera terminé par des paralleles à ces côtés à la distance de 12 toises. Le terre-plein du rempart de cet ouvrage a quatre toises de largeur comme celui de la demi-lune.

Remarques. 1°. Il faut prendre garde que les angles flanqués O & P des demi bastions de l’ouvrage à corne aient au-moins 60 degrés : s’ils n’avoient pas cette valeur, il faudroit, pour les augmenter, diminuer le côté extérieur OP.

2°. Quelle que soit la grandeur de OP, on déterminera toûjours la perpendiculaire LR en lui donnant environ la sixieme partie de ce côté ; on déterminera de même les faces en leur donnant les deux septiemes du même côté.

3°. Les aîles ou les branches de l’ouvrage à corne sont flanquées par les faces des bastions sur lesquelles tombent leur prolongement ; à l’égard de la partie extérieure ou du front de l’ouvrage, il se défend lui-même de la même maniere que les fronts des places.

4°. Indépendamment de l’ouvrage à corne construit devant la courtine EF, on y fait aussi une demi-lune Y qui se construit comme il a été enseigné à l’article. On en construit aussi une Z devant le front de l’ouvrage à corne, & de la même maniere. Elémens de fortific. (Q)

Ouvrage a couronne, c’est, dans la Fortification, un ouvrage composé de deux fronts, c’est-à-dire, d’un bastion entre deux courtines, & de deux demi-bastions, qui avance dans la campagne, & qui est joint à la place comme l’ouvrage à corne par deux longs côtés, appellés ses aîles ou ses branches.

L’ouvrage à couronne se place ordinairement devant les courtines, mais on peut le placer aussi devant les bastions.

Pour construire un ouvrage à couronne devant une courtine AB (Pl. IV. de Fortific. fig. 5.), on prolongera indéfiniment vers la campagne la perpendiculaire élevée sur le milieu du côté du polygone, pour la construction de l’enceinte de la place, de l’angle rentrant L de la contrescarpe, & de l’intervalle de 150 ou 160 toises ; on décrira un arc indéfini HKI, qui coupera la perpendiculaire prolongée en K ; on prendra ensuite le point K pour centre, & de l’intervalle de 120 toises, on décrira de part & d’autre, du point K, deux arcs de cercles qui couperont le premier arc en H & en I ; l’on tirera les lignes KH, KI, qui seront les côtés extérieurs de l’ouvrage à couronne, que l’on fortifiera comme l’on a fortifié le côté extérieur de l’ouvrage à corne, c’est-à-dire, en observant de donner 20 toises à la perpendiculaire élevée sur le milieu de chacun de ces côtés, ou la sixieme partie du côté, & deux septiemes ou 35 toises pour les faces du bastion & des demi-bastions de cet ouvrage.

Pour avoir les aîles de l’ouvrage à couronne, on marquera les points C & D sur les faces des bastions, vis-à-vis lesquels l’ouvrage à couronne est construit ; à 15 toises des angles de l’épaule E & F, l’on tirera les lignes ID, HC, seulement jusqu’à la rencontre de la contrescarpe en N & en M, & IN & HM seront les aîles de cet ouvrage.

Le parapet, le rempart, & le fossé de l’ouvrage à couronne, le construisent comme dans l’ouvrage à corne ; on donnera de même 4 toises au terre-plein du rempart, & 12 toises de largeur au fossé.

On peut construire des demi-lunes O devant chaque front de l’ouvrage à couronne, comme devant celui de l’ouvrage à corne.

On pourra construire un ouvrage à couronne devant un bastion, comme on vient de le faire devant une courtine, en prolongeant sa capitale de 140 ou 150 toises, & décrivant de l’angle flanqué un arc indéfini de cet intervalle pris pour rayon, & portant ensuite de part & d’autre de cet arc, du point où il est coupé par le prolongement de la capitale du bastion, 120 toises pour avoir les côtés extérieurs de cet ouvrage : on tirera de leurs extrémités les aîles sur les faces du bastion, devant lequel cet ouvrage sera construit à 15 ou 20 toises des angles de l’épaule ; & l’on achevera le reste de cet ouvrage comme le précédent, construit devant une courtine.

On observera que les angles flanqués de demi-bastions, aient au-moins 60 degrés. S’ils se trouvent trop aigus en alignant les côtés sur la face du bastion, on pourra les aligner sur les faces des demi-lunes collatérales, ou plutôt à 10 toises des angles de l’épaule des deux bastions collatéraux de l’ouvrage à couronne, parce qu’alors la défense du fossé de ses côtés sera plus directe. Elémens de fortific. (Q)

Ouvrage a corne couronné, c’est un ouvrage à corne au-devant duquel est construit un ouvrage à couronne. Voyez Ouvrage a corne & a couronne. (Q)

Ouvrages de campagne, en termes de Fortification, sont ceux que fait une armée qui assiége une place, ou ceux que construisent les assiégés pour sa défense. Telles sont les fortifications des camps & les différens forts qu’on construit pour assurer des passages, & couvrir des portes dont il est important que l’ennemi ne s’empare point. Voyez Forts & Retranchemens. Le meilleur ouvrage qu’on ait sur cette matiere est l’Ingénieur de campagne, par M. le chevalier de Clairac. Il laisse peu de choses à desirer sur cet important objet. (Q)

Ouvrages détachés, (Fortificat.) On appelle ainsi les ouvrages du dehors qui couvrent le corps de la place, du côté de la campagne, comme les ravelins, demi-lunes, cornes, tenailles, couronnes, queues d’hirondes, enveloppes, & semblables. (D. J.)

Ouvrages détachés, (Art milit.) On appelle ainsi dans l’art militaire les parapets avec lesquels les assiégeans se retranchent de nouveau, pour pouvoir se défendre contre l’attaque des ennemis. On les divise en généraux & en particuliers. Les ouvrages détachés généraux sont des ouvrages tous nouveaux, construits dans une place attaquée, moyennant lesquels les ouvrages qui se défendent encore, sont rejoints les uns aux autres, comme lorsque deux bastions sont entierement ruinés & qu’on est contraint de les abandonner, ce qui arrive souvent dans les longs siéges. Au contraire quand les assiégés tâchent encore de maintenir un bastion ou un ouvrage de dehors, quoique presque ruiné & mis hors d’état de défense par l’ennemi ; & qu’en abandonnant une partie de ces ouvrages, ils se retranchent de nouveau avec des parapets, on donne alors à cette partie fortifiée une seconde fois le nom d’ouvrage détaché particulier, ou d’ouvrage renversé. On renforce souvent les bastions & les ouvrages de dehors par de semblables ouvrages détachés particuliers ; & on en construit quelquefois avec les ouvrages mêmes, ainsi qu’on le voit à Maëstricht, Ypres, Philippeville, &c. (D. J.)

Ouvrage, (grosses Forges.) partie du fourneau du fusion. Voyez l’article Forge.

Ouvrages noirs, (Forgerie.) ce sont les gros ouvrages de fer que peuvent forger les maîtres Maréchaux en vertu de leurs statuts, comme sont des socs de charrues, des houes, des fourges, &c.

Ouvrage, (Menuiserie.) On en distingue d’un grand nombre d’especes. Voyez les articles suivans.

Ouvrage assemblé à petit quadre, est celui dont les moulures sont détachées du champ, dit battant, par une gorge.

Ouvrage assemblé à petit quadre ravalé, est celui dont les moutures qui forment le quadre font saillie sur le battant & la traverse.

Ouvrage assemblé tout quarré, est celui dont les joints sont coupés sur toutes les faces quarrément, & où il n’y a aucune moulure.

Ouvrages assemblés à clé ou goujon, c’est qu’outre les languettes & rainures on y met encore des clés ou des goujons, pour qu’ils soient plus solides. La clé est un morceau de bois de fil, de l’épaisseur de la languette de trois pouces ou environ, qui entre environ de deux pouces dans les mortoises des bois qu’on veut assembler ensemble, lesquelles on a eu soin de faire bien vis à vis les unes des autres.

Ouvrages assemblés avec moulure, soit à bouvement simple ou autres moulures, sont toûjours coupés d’onglets, & se nomment assemblages en onglets.

Ouvrages assemblés à plat joint, sont ceux où l’on ne fait ni languettes ni rainures, mais que l’on dresse le plus parfaitement qu’il est possible, de sorte qu’il n’y ait aucun jour. Ensuite on fait chauffer les joints. & on les colle ensemble. Ces sortes d’assemblages sont d’usage pour les portes, les tables, les panneaux, &c. A ces assemblages on y met quelquefois des clés ou des goujons.

Ouvrages collés à languette & rainure, c’est lorsque les bois sont trop étroits on en assemble plusieurs ensemble où l’on fait des languettes & des rainures, & ensuite on les colle pour leur donner plus de stabilité. Il faut que la colle soit bien chaude & point trop épaisse, & que les joints soient bien dressés, & les faire chauffer pour qu’ils se collent mieux.

Ouvrages emboîtés, sont ceux au bout desquels on met une piece de bois que l’on nomme emboîture, laquelle est assemblée à tenons & mortoises.

Ouvrages emboîtés à refuite, c’est lorsque les emboîtures étant bien assemblées on a percé des trous pour les cheviller. Avant que de les cheviller, on fait sortir l’emboîture du tenon & les trous qui ont été faits dans le tenon ; on les élargit un peu à droite & à gauche, ce qui les rend ovales & donne de la facilité au bois qui se retire à cause de la sécheresse, ou qui renfle à cause de l’humidité & empêche les tenons de casser.

Ouvrage à petit cadre et embrevement, est celui dont le cadre est une piece séparée du battant ou traverse, & y est assemblé par doubles languettes & rainures.

Ouvrage, (Rubanier.) s’entend de tout généralement ce qui sort de la fabrique ou des mains de l’ouvrier de ce métier.