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comptable a droit de déduire & retenir par ses mains sur ce qu’il doit.

Le décompte se prend aussi pour le bordereau des sommes qui ont été dépensées par le comptable pour l’oyant. Voyez Compte & ci-après Dépense, & reliqua. (A)

Décompte, (Art milit.) c’est une supputation qui se fait de tems en tems entre le capitaine & le soldat, pour regler l’argent avancé ou retenu sur la solde, & pour se rembourser mutuellement. On dit faire le décompte à un cavalier & à un fantassin. (Q)

DÉCOMPTER, v. act. (Comm.) déduire, rabattre quelque somme qu’on a avancée sur une plus grande, que l’on doit ou que l’on paye. Voy. Décompte.

Décompter, signifie aussi rabattre de la grande espérance qu’on avoit de quelque entreprise. Exemple. Ce négociant espéroit de s’enrichir dans telle affaire ; il y a bien à décompter ; il s’y ruine. Dictionn. du Comm. & de Trév. (G)

DÉCONFITURE, s. f. (Jurispr.) signifie l’insolvabilité du débiteur, dont les biens sont insuffisans pour payer tous ses créanciers.

Le cas de la déconfiture est prévû dans les lois romaines, au digeste de tributoriâ actione, & aux inst. l. IV. tit. vij. §. 3. par rapport à un esclave qui fait commerce au vû & au sû de son maître. Ces lois veulent qu’il se fasse une contribution, comme en effet cela se pratique pour toutes sortes de débiteurs insolvables, quand il y a lieu à la contribution.

L’article 179 de la coûtume de Paris porte, qu’en cas de déconfiture chaque créancier vient à contribution au sou la livre sur les biens meubles du débiteur, & qu’il n’y a point de préférence ou prérogative pour quelque cause que ce soit, encore qu’aucun des créanciers eût fait premier saisir.

L’article 180 dit, que le cas de déconfiture est quand les biens du débiteur, tant meubles qu’immeubles, ne suffisent aux créanciers apparens, & que si pour empêcher la contribution se meut différend entre les créanciers apparens sur la suffisance ou insuffisance desdits biens, les premiers en diligence qui prennent les deniers des meubles par eux arrêtés, doivent bailler caution de les rapporter pour être mis en contribution, en cas que lesdits biens ne suffisent.

Quand il y a déconfiture, on commence par contribuer les meubles entre tous les créanciers, soit hypothécaires ou chirographaires ; ce qui est plus avantageux aux créanciers hypothécaires, que si on les colloquoit d’abord sur le prix des immeubles, puisque par ce moyen ils toucheroient moins sur le prix des meubles.

Dans le cas de déconfiture, le premier saisissant n’a aucun privilége, si ce n’est pour les frais qu’il a faits utilement pour la conservation du gage commun des créanciers.

L’usage des pays de Droit écrit est conforme à celui de pays coûtumier, dans le cas de la déconfiture.

Mais en Normandie on n’a point d’égard à la déconfiture ; les biens meubles & immeubles se distribuent toûjours par ordre d’hypotheque, quand il y a des créanciers hypothécaires. Voyez ci-dev. Contribution, & Hypotheque, Privilége, Saisissant. (A)

DÉCORATEUR, s. m. (Spectacle.) homme expérimenté dans le dessein, la peinture, la sculpture, l’architecture, & la perspective, qui invente ou qui exécute & dispose des ouvrages d’architecture peinte, & toutes sortes de décorations, soit pour le théatre, soit pour les fêtes publiques, les pompes funebres, les processions, &c.

Il y a un décorateur à l’opéra de Paris : on ne sau-

roit choisir pour cet emploi un homme trop intelligent ;

c’est-là où le génie, l’expérience, & la fécondité seroient extrêmement nécessaires. Ce n’est point par le défaut de dépense que cette partie est défectueuse à ce spectacle. Voyez Décoration. (B)

DÉCORATION, s. f. (Belles-Lettres.) ornemens d’un théatre, qui servent à représenter le lieu où l’on suppose que se passe l’action dramatique.

Comme les anciens avoient trois sortes de pieces, de comiques, de tragiques, & de satyriques, ils avoient aussi de trois sortes de scenes, c’est-à-dire des décorations de ces trois différens genres. Les tragiques représentoient toûjours de grands bâtimens, avec des colonnes, des statues, & les autres ornemens convenables. Les comiques représentoient des édifices particuliers avec des toîts & de simples croisées, comme on en voit communément dans les villes. Et les satyriques, quelques maisons rustiques, avec des arbres, des rochers, & les autres choses qu’on voit d’ordinaire à la campagne.

Ces trois scenes pouvoient se varier de bien des manieres ; mais la disposition en devoit être toûjours la même en général, & il falloit qu’elles eussent chacune cinq différentes entrées, trois en face, & deux sur les ailes. L’entrée du milieu étoit toûjours celle du principal acteur : ainsi dans la scene tragique, c’étoit ordinairement la porte d’un palais ; celles qui étoient à droite & à gauche, étoient destinées à ceux qui joüoient les seconds rôles ; & les deux autres qui étoient sur les ailes, servoient l’une à ceux qui arrivoient de la campagne, & l’autre à ceux qui venoient du port ou de la place publique. C’étoit à-peu-près la même chose dans la scene comique. Le bâtiment le plus considérable étoit au milieu ; celui du côté droit étoit un peu moins élevé, & celui qui étoit à gauche représentoit ordinairement une hôtellerie. Mais dans la piece satyrique il y avoit toûjours un antre au milieu, quelque méchante cabane à droite & à gauche, un vieux temple ruiné, ou quelque bout de paysage.

On ne sait pas bien sur quoi ces décorations étoient peintes ; mais il est certain que la perspective y étoit observée : car Vitruve, liv. VII. remarque que les regles en furent inventées & mises en pratique dès le tems d’Eschyle, par un peintre nommé Agatarchus, qui en laissa même un traité.

Quant aux changemens de théatre, Servius nous apprend qu’ils se faisoient ou par des feuilles tournantes qui changeoient en un instant la face de la scene, ou par des chassis qui se tiroient de part & d’autre comme ceux de nos théatres. Mais comme il ajoûte qu’on levoit la toile à chacun de ces changemens, il y a bien de l’apparence qu’ils ne se faisoient pas encore si promptement que les nôtres. D’ailleurs comme les ailes de la scene sur lesquelles la toile portoit, n’avançoient que de la huitieme partie de sa longueur, ces décorations qui tournoient derriere la toile, ne pouvoient avoir au plus que cette largeur pour leur circonférence : ainsi il falloit qu’il y en eût au moins dix feuilles sur la scene, huit de face & deux en aile ; & comme chacune de ces feuilles devoient fournir trois changemens, il falloit nécessairement qu’elles fussent doubles, & disposées de maniere qu’en demeurant pliées sur elles-mêmes, elles formassent une des trois scenes, & qu’en se retournant ensuite les unes sur les autres de droite à gauche, ou de gauche à droite, elles formassent les deux autres ; ce qui ne se pouvoit faire qu’en portant de deux en deux sur un point fixe commun, c’est-à-dire en tournant toutes les dix sur cinq pivots, placés sous les trois portes de la scene & dans les deux angles de ses retours. Discours de M. Boindin sur les théatres des anciens. Mém. de l’acad. des Belles-Lettres, tom. I. (G)