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sommation ; c’est cette connoissance qui déterminera en tel endroit & en telle circonstance à débiter son bois d’une maniere ; & dans un autre endroit & dans une autre circonstance, à le débiter autrement.

DEBITANT, s. m. (Comm.) terme en usage dans l’exploitation de la ferme du tabac. On entend par ce mot ceux qui font en détail le débit du tabac, qu’ils vont chercher en gros dans les bureaux généraux du tabac. On fait aux débitans une remise de quelqu’once ou demi-once par livre de tabac, suivant la qualité de cette marchandise, à cause du déchet que produit le trait, quand on la pese par petite partie.

Les débitans de Paris ont ordinairement un compte ouvert avec le receveur du bureau. On ne peut être débitant sans permission du fermier, sous peine d’amende & de confiscation. Dict. de Comm. de Trév. & Chambers. (G)

DEBITER, verbe act. (Musique.) terme d’opera ; rendre avec vivacité, nuances & précision un rôle de déclamation.

Le débit est le contraire de la lenteur ; ainsi débiter est chanter un rôle avec rapidité, en observant les tems, en répandant sur le chant l’expression, les nuances nécessaires ; en faisant sentir les choses de sentiment, de force, de tendresse, de vivacité, de noblesse, & tout cela sans manquer à la justesse & à l’articulation, & en donnant les plus beaux sons possibles de sa voix. Voyez Débit, Tems, Déclamation.

La scene d’opera languit, si elle n’est pas débitée ; l’acteur qui ne sait point débiter, quelque bien qu’il chante, en affoiblit l’intérêt & y répand l’ennui.

Il faut bien cependant se garder de croire que rendre un rôle avec rapidité, sans le nuancer, sans y mettre des tems, &c. soit la même chose que le débiter. Une actrice qui n’est plus, & dont on peut maintenant parler sans scrupule, parce que la vérité, qui ne sauroit plus nuire à sa personne, peut servir au progrès de l’art, chantoit très-rapidement ses rôles, faisoit faire à ses bras de très-grands mouvemens, & malgré tout cela ne débitoit point, parce qu’elle ne nuançoit point son chant, & qu’elle manquoit de justesse.

Elle a fait pendant long-tems sur ce point illusion au gros du public ; on la loüoit sur cette partie qu’elle n’avoit point, parce qu’elle chantoit avec beaucoup de rapidité, mais sans aucun agrément & sans nulle sorte de variété. Si Thevenard débitoit, comme on ne sauroit le disputer ; que ceux qui ont vû l’acteur & l’actrice, & qui doivent être maintenant de sang-froid sur ces points, jugent s’il est possible qu’elle débitât.

Mais comme l’actrice dont on parle étoit supposée débiter, en conséquence de cette prévention on la donnoit pour modele. Tel est le pouvoir de l’habitude, que sa figure mal dessinée, colossale & sans graces, passoit pour théatrale : on prenoit pour de la noblesse, une morgue insupportable ; pour gestes d’expression, des mouvemens convulsifs qui n’étoient jamais d’accord avec les choses qu’elle devoit exprimer ; & pour une voix propre à la déclamation, des sons durs, presque toûjours forcés, & souvent faux. De toutes ces erreurs, que d’inconvéniens n’ont pas dû naître !

On s’accoûtume par degrés aux disgraces des acteurs que l’on voit tous les jours ; on les juge souvent corrigés des mêmes défauts qui avoient d’abord choqué, qu’ils ont encore, & dont ils ne se déferont jamais, parce que les spectateurs ont eu la bonté de s’y faire. Les étrangers cependant arrivent de sang froid, nous leur parlons de notre opera, & ils y courent ; mais ils ouvrent envain les yeux & les oreilles, ils n’y voyent & n’y entendent rien de ce

que nous croyons y voir & y entendre : ils se parlent, nous examinent, nous jugent, & prennent pour défaut d’esprit & pour prévention, quelquefois même pour orgueil, ce qui n’est réellement l’effet que de l’habitude, de l’indifférence pour le progrès de l’art, ou peut-être d’un fond de bonté naturelle pour les personnes qui se dévoüent à nos plaisirs.

Débiter est donc à l’opera une partie essentielle à l’acteur ; & débiter est rendre un rôle de chant avec rapidité, justesse, expression, grace & variété. Prodiguons des éloges & des applaudissemens aux acteurs qui par leur travail auront acquis cette partie très-rare. Par cette conduite nous verrons infailliblement l’art s’accroître, & nos plaisirs devenir plus piquans. Voyez Chanteur, Débit, Déclamation, Récitatif. (B)

Débiter, terme d’Architecture, c’est scier de la pierre pour faire des dales ou du carreau. (P)

Débiter le cable, (Marine.) c’est détacher un tour que le cable fait sur la bitte. (Z)

Débiter une partie, un article, sur un livre, dans un compte, (Commerce.) c’est la porter à la page à main gauche du livre, qu’on appelle le côté du débit. Voyez Débit. (G)

Débiter, se dit aussi des marchandises que l’on vend facilement & avec promptitude. C’est un grand talent dans un marchand, que de savoir bien débiter sa marchandise. Dictionn. de Comm. & Trév. (G)

Débiter, (Œcon. rustiq.) se dit dans une forêt de l’exploitation des bois en planches, en cerceaux, en échalas, en merrein, lattes, chevrons, poteaux, solives, poutres, gouttieres, & autres. (K)

Débiter du bois, (Menuiserie.) c’est, après qu’il est tracé, le couper à la scie suivant les longueurs & largeurs convenables aux ouvrages qu’on en veut faire.

Débiter (à la Monnoie), c’est l’action de couper les flancs de lames de métal avec l’instrument appellé coupoir ; les monnoyeurs au lieu de dire couper une lame en flancs, se servent du terme débiter. Voy. l’article Coupoir.

DEBITEUR, s. m. (Jurisprud.) est celui qui est tenu de payer quelque chose en argent, grain, liqueur, ou autre espece, soit en vertu d’un jugement ou d’un contrat écrit ou non, d’un quasi-contrat, délit ou quasi-délit.

Le débiteur est appellé dans les lois romaines debitor ou reus debendi, reus promittendi, & quelquefois reus simplement ; mais il faut prendre garde que ce mot reus quand il est seul, signifie quelquefois le coupable ou l’accusé. L’Ecriture défend au créancier de vexer son débiteur, & de l’opprimer par des usures. Exod. xxij. v. 25.

Ce précepte a cependant été bien mal pratiqué chez plusieurs nations ; chez les Juifs, par exemple, le créancier pouvoit, faute de payement, faire emprisonner son débiteur, même le faire vendre, lui, sa femme, & ses enfans : le débiteur devenoit en ce cas l’esclave de son créancier.

La loi des douze tables étoit encore plus severe, car elle permettoit de déchirer en pieces le débiteur, & d’en distribuer les membres aux créanciers, par forme de contribution au sol la livre. Cette loi leur donnoit aussi l’option d’envoyer vendre leur débiteur comme esclave hors du pays, & d’en partager le prix ; s’il n’y avoit qu’un créancier, il ne pouvoit ôter la vie à son débiteur, ni même la liberté qui lui étoit plus chere que la vie. On ne trouve même pas d’exemple que des créanciers ayent été assez inhumains pour mettre en pieces leur débiteur, il se trouvoit toûjours quelqu’un des créanciers qui aimoit mieux que le débiteur fût vendu que tué, pour en tirer de l’argent ; desorte qu’il arrivoit ordinairement