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Danse de l’Hymen. Une troupe legere de jeunes garçons & de jeunes filles couronnés de fleurs exécutoient cette danse dans les mariages, & ils exprimoient par leurs figures, leurs pas, & leurs gestes, la joie vive d’une noce. C’est une des danses qui étoient gravées, au rapport d’Homere, sur le bouclier d’Achille. Il ne faut pas la confondre avec les danses nuptiales dont on parlera plus bas ; celle-ci n’avoit que des expressions douces & modestes. Voy. sur cette danse & son origine le I. tome du traité de la danse. (B)

Danse des Matassins ou des Bouffons. Elle étoit une des plus anciennes danses des Grecs. Les danseurs étoient vêtus de corcelets ; ils avoient la tête armée de morions dorés, des sonnettes aux jambes, & l’épée & le bouclier à la main : ils dansoient ainsi avec des contorsions guerrieres & comiques, sur des airs de ces deux genres. Cette sorte de danse a été fort en usage sur nos anciens théatres : on ne l’y connoît plus maintenant, & les délices des Grecs sont de nos jours relégués aux marionnettes. Thoinot Arbeau a décrit cette danse dans son Orchesographie. (B)

Danse memphitique. Elle fut, dit-on, inventée par Minerve, pour célébrer la victoire des dieux & la défaite des Titans. C’étoit une danse grave & guerriere, qu’on exécutoit au son de tous les instrumens militaires. Voyez Memphitique. (B)

Danses militaires. On donnoit ce nom à toutes les danses anciennes qu’on exécutoit avec des armes, & dont les figures peignoient quelques évolutions militaires. Plusieurs auteurs en attribuent l’invention à Castor & Pollux ; mais c’est une erreur qui est suffisamment prouvée par ce que nous avons déjà dit de la danse armée. Ces deux jeunes héros s’y exercerent sans doute avec un succès plus grand que les autres héros leurs contemporains ; & c’est la cause de la méprise.

Ces danses furent fort en usage dans toute la Grece, mais à Lacédémone sur-tout ; elles faisoient partie de l’éducation de la jeunesse. Les Spartiates alloient toûjours à l’ennemi en dansant. Quelle valeur ne devoit-on pas attendre de cette foule de jeunes guerriers, accoûtumés dès l’enfance à regarder comme un jeu les combats les plus terribles ! (B)

Danse nuptiale. Elle étoit en usage à Rome dans toutes les noces : c’étoit la peinture la plus dissolue de toutes les actions secretes du mariage. Les danses lascives des Grecs donnerent aux Romains l’idée de celle-ci, & ils surpasserent de beaucoup leurs modeles. La licence de cet exercice fut poussée si loin pendant le regne de Tibere, que le sénat fut forcé de chasser de Rome par un arrêt solennel tous les danseurs & tous les maîtres de danse.

Le mal étoit trop grand sans doute lorsqu’on y appliqua le remede extrème, il ne servit qu’à rendre cet exercice plus piquant : la jeunesse Romaine prit la place des danseurs à gages qu’on avoit chassés ; le peuple imita la noblesse, & les sénateurs eux-mêmes n’eurent pas honte de se livrer à cet indigne exercice. Il n’y eut plus de distinction sur ce point entre les plus grands noms & la plus vile canaille de Rome. L’empereur Domitien enfin, qui n’étoit rien moins que délicat sur les mœurs, fut forcé d’exclure du sénat, des peres conscripts qui s’étoient avilis jusqu’au point d’exécuter en public ces sortes de danses. (B)

Danse pyrrhique ; c’est la même que celle que l’on nommoit armée, que Pyrrhus renouvella, & dont quelques auteurs le prétendent l’inventeur. Voyez Danse armée. (B)

Danse du premier jour de Mai. A Rome & dans toute l’Italie, plusieurs troupes de jeunes citoyens des deux sexes sortoient de la ville au point

du jour ; elles alloient en dansant au son des instrumens champêtres, cueillir dans la campagne des rameaux verds ; elles les rapportoient de la même maniere dans la ville, & elles en ornoient les portes des maisons de leurs parens, de leurs amis ; & dans les suites, de quelques personnes constituées en dignité. Ceux-ci les attendoient dans les rues, où on avoit eu le soin de tenir des tables servies de toutes sortes de mets. Pendant ce jour tous les travaux cessoient, on ne songeoit qu’au plaisir. Le peuple, les magistrats, la noblesse confondus & réunis par la joie générale, sembloient ne composer qu’une seule famille ; ils étoient tous parés de rameaux naissans : être sans cette marque distinctive de la fête, auroit été une espece d’infamie. Il y avoit une sorte d’émulation à en avoir des premiers ; & de-là cette maniere de parler proverbiale en usage encore de nos jours, on ne me prend point sans verd.

Cette fête commencée dès l’aurore & continuée pendant tout le jour, fut par la succession des tems poussée bien avant dans la nuit. Les danses, qui n’étoient d’abord qu’une expression naïve de la joie que causoit le retour du printems, dégénérerent dans les suites en des danses galantes, & de ce premier pas vers la corruption, elles se précipiterent avec rapidité dans une licence effrénée. Rome, toute l’Italie étoient plongées alors dans une débauche si honteuse, que Tibere lui-même en rougit, & cette fête fut solemnellement abolie. Mais elle avoit fait des impressions trop profondes : on eut beau la défendre, après les premiers momens de la promulgation de la loi, on la renouvella, & elle se répandit dans presque toute l’Europe. C’est là l’origine de ces grands arbres ornés de fleurs, qu’on plante dès l’aurore du premier jour de Mai dans tant de villes, au-devant des maisons de gens en place. Il y a plusieurs endroits ou c’est un droit de charge.

Plusieurs auteurs pensent que c’est de la danse du premier jour de Mai que dériverent ensuite toutes les danses baladoires frondées par les peres de l’Eglise, frappées d’anathème par les papes, abolies par les ordonnances de nos rois, & séverement condamnées par les arrêts des parlemens. Quoi qu’il en soit, il est certain que cette danse réunit à la fin tous les différens inconvéniens qui devoient réveiller l’attention des empereurs & des magistrats. (B)

Danse des Saliens. Numa Pompilius l’institua en l’honneur du dieu Mars. Ce roi choisit parmi la plus illustre noblesse, douze prêtres qu’il nomma saliens, du sautillage & pétillement du sel qu’on jettoit dans le feu lorsqu’on brûloit les victimes. Ils exécutoient leur danse dans le temple pendant le sacrifice & dans les marches solennelles qu’ils faisoient dans les rues de Rome, en chantant des hymnes à la gloire de Mars. Leur habillement d’une riche broderie d’or, étoit couvert d’une espece de cuirasse d’airain : ils portoient le javelot d’une main & le bouclier de l’autre.

De cette danse deriverent toutes celles qui furent instituées dans les suites pour célebrer les fêtes des dieux. (B)

Danse théatrale. On croit devoir donner cette dénomination aux danses différentes que les anciens & les modernes ont portées sur leurs théatres. Les Grecs unirent la danse à la Tragédie & à la Comédie, mais sans lui donner une relation intime avec l’action principale ; elle ne fut chez eux qu’un agrément presqu’étranger. Voy. Intermede.

Les Romains suivirent d’abord l’exemple des Grecs jusqu’au regne d’Auguste ; il parut alors deux hommes extraordinaires qui créerent un nouveau genre, & qui le porterent au plus haut degré de perfection. Il ne fut plus question à Rome que des spectacles de Pilade & de Bayle. Le premier, qui