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qu’elle descend sur la poitrine, pectus. Les abbés & abbesses réguliers & régulieres en portent aussi. C’est une dévotion autorisée par plusieurs exemples de l’église greque & latine. Jean diacre nous représente S. Grégoire dans son mausolée, avec ce qu’il appelle filateria, c’est-à-dire un reliquaire d’argent pendu au cou. S. Grégoire expliquant lui-même ce terme, dit que c’est une croix enrichie de reliques. Innocent III. dit, que par cette croix les papes ont voulu imiter la lame d’or que le grand-prêtre des Juifs portoit sur le front. Les évêques ont depuis imité les papes. Thomassin. Ibid. (G)

Croix (Ordre de la) ou croisade. Ordre de chevalerie composé seulement de dames, & institué en 1668 par l’impératrice Eléonor de Gonzague femme de l’empereur Leopold, en reconnoissance de ce qu’elle avoit recouvré une petite croix d’or, dans laquelle étoient renfermés deux morceaux du bois de la vraie croix. Cette croix d’or avoit échappé à l’embrasement d’une partie du palais impérial, & fut retrouvée dans les cendres. Le feu, dit-on, avoit brûlé la boîte où elle étoit renfermée, & fondu le crystal, sans toucher au bois de la vraie croix. (G)

Croix de S. André ; c’est une croix composée de deux pieces de bois égales & passées en sautoir. On la nomme ainsi, parce qu’on prétend que ce fut avec une pareille croix que l’apôtre saint André fut martyrisé à Patras en Achaïe. La croix de S. André est l’instrument du supplice des assassins, voleurs de grand-chemin, & autres malfaiteurs que l’on condamne à la roüe. Le bourreau les étend & les lie sur cette croix posée sur un échafaut, & leur y brise les bras, les jambes, les cuisses, & les reins. V. Roue. (G)

Croix (Filles de la), Hist. ecclés. communauté de filles instituée en 1265 à Roye en Picardie, & répandue de-là à Paris & dans d’autres villes. Elles tiennent écoles & instruisent les jeunes personnes de leur sexe. Il y en a de deux sortes ; les unes ont fait les trois vœux simples de pauvreté, de chasteté, & d’obéissance ; les autres ont conservé toute leur liberté. Elles ont les unes & les autres chacune un supérieur qui gouverne toutes les maisons de leur congrégation.

Croix (Jugement de la), Hist. mod. il étoit en usage en France au commencement du jx. siecle, & consistoit à donner gain de cause à celui des deux parties qui tenoit le plus long tems ses bras élevés en croix. Il semble que cette maniere comique & folle de décider les différends des particuliers, ne pouvoit venir que dans l’esprit des Indiens du Paraguay nouvellement convertis au Christianisme. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Croix, (Jurisprud.) est la marque que le procureur de celui qui est condamné aux dépens, met sur les articles de la déclaration dont il est appellant. Voyez ci-devant Croiser.

Croix de cens, signifie un sur-cens, comme qui diroit croît de cens, incrementum censûs. Dumoulin, sur le §. 51. de l’ancienne coûtume de Paris, gl. 1. n°. 17. & Loiseau, tr. du déguerpissement, liv. I. ch. v. n°. 7. se sont trompés en disant que le croix de cens n’a pas été ainsi nommé de l accroissement du cens, mais de ce qu’anciennement, & jusqu’au tems d’Henri II, toute la petite monnoie qui servoit à payer le cens étoit marquée d’une croix. On reconnoît le contraire par une ordonnance de Philippe de Valois, du 6 Janvier 1347, qui porte, art. jx. que tous cens & croix de cens se payeront, &c. On peut voir aussi ce que dit Brodeau dans son commentaire sur le tit. des censives de la coûtume de Paris, n. 23. le gloss. de M. de Lauriere, tom. II. p. 306. & 307. & la note de M. Secousse, sur l’ordonnance de 1347.

Croix, marquée par quelqu’un qui ne sait pas

écrire, autrefois tenoit lieu de signature. Heribal, comte du palais sous le regne de Louis le Débonnaire, dans un cartulaire du monastere de Casaure, mit ainsi sa souscription, signum Heribaldi comitis sacri palatii, qui ibi fui, & proter ignorantiam litterarum signum S. crucis seci. Depuis que l’usage des lettres est devenu commun, cela ne se pratique plus guere que parmi des gens du peuple, & sur-tout de la campagne ; mais une simple croix ou marque n’est plus regardée comme une signature qui ait l’effet de rendre un acte valable ; ceux qui ne savent point signer ne peuvent s’obliger par écrit que pardevant notaire.

Croix, peine ; autrefois, à S. Geniez dans le Languedoc, on bouchoit d’une croix la porte de ceux qui refusoient de payer la taille. Ordonnance du roi Jean, du 3 Mars 1356. (A)

Croix, en termes de Blason. On la définit une piece de l’écu composée de lignes quadruples, dont deux sont perpendiculaires, & les deux autres transversales ; car il faut les imaginer telles, quoiqu’elles ne soient pas tracées exactement, mais qu’elles se rencontrent deux à deux en quatre angles droits près du point de fasce de l’écusson. Voyez Piece.

Elle n’occupe pas toûjours le même espace dans le champ de l’écu ; car quand elle n’est point chargée, cantonnée ni accompagnée, elle ne doit occuper que la cinquieme partie du champ : mais si elle est chargée, elle doit occuper le tiers. V. Croisette.

Cette armoirie fut accordée originairement à ceux qui avoient exécuté ou au moins entrepris quelque action d’éclat pour le service de Jesus-Christ & pour l’honneur du nom chrétien, & est regardée par plusieurs comme la plus honorable de tout le Blason. Ce qui la rendit fort fréquente, ce furent sans doute les expéditions & les voyages multipliés qu’on fit en la Terre-sainte ; car la plûpart de ceux qui en revinrent, chargerent leur écu d’une croix, & la croix devint une enseigne militaire.

On prétend que dans ces guerres saintes les Ecossois portoient la croix de S. André, les François une croix d’argent, les Anglois une croix d’or, les Allemands de sable, les Italiens d’azur, les Espagnols de gueules.

On compte trente-neuf différentes sortes de croix usitées dans le Blason, dont voici les noms ; les descriptions des principales d’entr’elles termineront cet article : Croix vuidée, croix ondée-vuidée, croix patée-frangée, croix patée-fichée sur le pié, croix patée sur trois pates, & fichée sur la quatrieme ; croix engrelée, croix patonnée, croix fleurie, croix patonnée-vuidée, croix avelane, croix patée avec l’ambel, croix fourchée, croix recroisettée, croix recroisettée-fichée en pointe, croix boutonnée, croix pommée, croix ordée, croix dégradée-fichée, croix potencée, croix potencée-fichée, croix du calvaire, croix recroisettée à degrés, croix patriarchale, croix ancrée, croix moulinée, croix cléchée, croix fleurdelysée, croix double fichée, croix à seize pointes, croix moulinée, croix ragulée, croix pointée-vuidée, croix pallée, croix en tau, ou croix de S. Antoine, croix vuidée & coupée, croix coupée-percée, croix moulinée percée en losanges, croix moulinée percée en quatre, croix en sautoir, ou croix de S. André, dont on parlera plus en détail à son rang, aussi-bien que des autres.

La Colombiere fait mention de 72 sortes de croix différentes ; nous n’en nommerons ici que celles que nous n’avons pas nommées plus haut, telles que la croix remplie, qui n’est autre chose qu’une croix chargée d’une autre croix ; la croix partie, c’est-à-dire moitié d’une couleur & moitié d’une autre ; la croix écartelée, c’est-à-dire dont les quartiers opposés sont de différentes couleurs ; la croix de cinq pieces, c’est-à-dire celle qui est de cinq couleurs dif-