Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/450

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Creche, voyez Mangeoire.

CRÉDENCE, sub. f. en Architecture, est dans un bâtiment le lieu où l’on renferme ce qui dépend de la table & du buffet, & qu’on appelle office. C’est aussi le buffet, Voyez Buffet.

Crédence d’autel, est une petite table à côté du grand autel, qui sert à mettre ce qui dépend du service de l’autel. (P)

CRÉDIBILITÉ, s. f. (Métaphys. & Morale.) qualité par laquelle une chose est rendue croyable ou digne d’être crue. Voyez Probabilité & Foi.

On dit d’une chose qu’elle est croyable, lorsqu’elle n’est ni évidente par elle-même, ni de nature à pouvoir être déduite & inférée certainement de sa cause ou de son effet, & que cependant il y a des preuves qui en établissent la vérité. Les choses qui paroissent immédiatement vraies, comme la blancheur de la neige, ou que le tout est plus grand que sa partie, ne sont pas appellées croyables, mais évidentes. Dans l’école on met au rang des choses croyables, celles auxquelles nous ne donnons notre consentement qu’en vertu du témoignage ou de l’autorité ; par exemple, que J. C. s’est incarné, a été crucifié, &c. Voyez Croyance.

On trouve dans les transactions philosophiques le calcul mathématique de la crédibilité du témoignage des hommes. Voyez Témoignage, Probabilité & Certitude.

CRÉDIT, s. m. (Morale & Comm.) Le crédit étant en général la faculté de faire usage de la puissance d’autrui, on peut le définir plus particulierement en fait de commerce & de finance, la faculté d’emprunter sur l’opinion conçûe de l’assûrance du payement.

Cette définition renferme l’effet & la cause immédiate du crédit.

Son effet est évidemment de multiplier les ressources du débiteur par l’usage des richesses d’autrui.

La cause immédiate du crédit est l’opinion conçûe par le prêteur de l’assûrance du payement.

Cette opinion a pour motifs des sûretés réelles ou personnelles, ou bien l’union des unes & des autres.

Les sûretés réelles sont les capitaux en terres, en meubles, en argent, & les revenus.

Les sûretés personnelles sont le degré d’utilité qu’on peut retirer de la faculté d’emprunter ; l’habileté, la prudence, l’œconomie, l’exactitude de l’emprunteur.

Ces causes, quoiqu’ordinaires, ne sont cependant ni constantes, ni d’un effet certain ; parce que dans toutes les choses où les hommes ne se sont pas dépouillés de leur liberté naturelle, ils n’obéissent souvent qu’à leurs passions. Ainsi il arrive que les sûretés réelles & personnelles ne font pas toûjours sur l’esprit des hommes une impression proportionnée à leur étendue ; on les méconnoît où elles sont, on les suppose où elles n’existerent jamais.

Par une conséquence nécessaire de ce que nous venons de dire, tout crédit a ses bornes naturelles ; il en a d’étrangeres qu’il n’est pas possible de déterminer.

Quoique les sûretés personnelles soient moins évidentes que les sûretés réelles, souvent elles n’en méritent pas moins de confiance : car en général elles tendent continuellement à procurer des sûretés réelles à celui qui les possede.

De cette considération il résulte, que si l’un & l’autre crédit excede sa proportion connue, le danger est moindre respectivement au crédit personnel.

L’objet du crédit réel ne peut disparoître, il est vrai ; c’est un grand avantage, & l’unique motif de préférence sur l’autre qui peut cesser d’exister pendant quelque tems sans qu’on le sache.

Cette différence emporte avec elle trois sortes de

risques de la part du crédit personnel : l’un est attaché à la nature des moyens qu’a l’industrie d’employer les richesses d’autrui ; le second regarde la prudence de l’emprunteur ; le troisieme, sa bonne foi.

Le premier risque s’évanoüit si le second est nul : il est constant que l’industrie ne s’exerce que pour acquérir des sûretés réelles ; que tout homme prudent gagne dans la masse générale de ses entreprises ; car un homme prudent ne cherche de grands profits, que lorsqu’il est en état de soûtenir de grandes pertes.

Le troisieme risque est le plus frappant, & le moindre cependant, si les lois sont exécutées. Le crime est facile sans doute ; mais le crédit est si favorable à l’industrie, que son premier soin est de le conserver.

Après la religion, le plus sûr garand que les hommes puissent avoir dans leurs engagemens respectifs, c’est l’intérêt. La rigueur des lois contient le petit nombre d’hommes perdus, qui voudroient sacrifier des espérances légitimes à un bénéfice présent, mais infâme.

Des différences qui se trouvent entre le crédit réel & le crédit personnel, on peut conclure qu’il est dans l’ordre :

1°. Que les sûretés réelles procurent un crédit plus facile & moins coûteux, mais borné le plus ordinairement à la proportion rigide de ces sûretés.

2°. Que les sûretés personnelles ne fassent pas un effet aussi prompt ; pouvant disparoître à l’insçû des prêteurs, ce risque doit être compensé par des conditions plus fortes : mais lorsque l’impression de ces sûretés est répandue dans les esprits, elles donnent un crédit infiniment plus étendu.

Si ces deux fortes de sûretés peuvent chacune en particulier former les motifs d’un crédit, il est évident que leur union dans un même sujet sera la base la plus solide du crédit.

Enfin moins ces sûretés se trouveront engagées, plus dans le cas d’un besoin l’opinion conçûe de l’assûrance du payement sera grande.

Tout citoyen qui joüit de la faculté d’emprunter fondée sur cette opinion, a un crédit qu’on peut appeller crédit particulier.

Le résultat de la masse de tous ces crédits particuliers, sera nommé le crédit général : l’application de la faculté dont nous venons de parler, à des compagnies exclusives bien entendues & à l’état, sera comprise sous le mot de crédit public.

Il est à propos d’examiner le crédit sous ses divers aspects, d’après les principes que nous avons posés, afin d’en tirer de nouvelles conséquences. Je supplie le lecteur d’en bien conserver l’ordre dans sa mémoire, parce qu’il est nécessaire pour l’intelligence de la matiere.

Crédit général. Commençons par le crédit général. On peut emprunter de deux manieres : ou bien le capital prêté est aliéné en faveur du débiteur avec certaines formalités ; ou bien le capital n’est point aliéné, & le débiteur ne fournit d’autre titre de son emprunt qu’une simple reconnoissance.

Cette derniere maniere de contracter une dette appellée chirographaire, est la plus usitée parmi ceux qui font profession de commerce ou de finance.

La nature & la commodité de ces sortes d’obligations, ont introduit l’usage de se les transporter mutuellement par un ordre, & de les faire circuler dans la société. Elles y sont une promesse authentique d’opérer la présence de l’argent dans un lieu & dans un tems convenus : ces promesses réparent son absence dans le commerce, & d’une maniere si effective, qu’elles mettent les denrées en mouvement à des distances infinies.