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pour faire des coupelles de toutes sortes de grandeurs, qui auront les mêmes avantages que celles qui sont faites d’os, & qui même, selon M. Cramer, leur sont préférables.

M. Stahl dit avoir essayé de faire des coupelles avec l’ardoise ordinaire dont on couvre les maisons, avec la craie, avec le gyps ; & il ajoûte qu’il a observé divers phénomenes qu’il ne détaille pas, & qu’il abandonne aux curieux. Voyez Stahl. opuscul, pag. 824. (b)

COUPELLER, v. act. (Chymie, Docimasie.) c’est passer de l’or, de l’argent, &c. à la coupelle. Voyez Coupelle.

COUPE-PAILLE, (Maréchallerie.) Le coupe-paille sert à couper la paille par petits fétus, pour que le cheval puisse la manger en guise d’avoine, après cependant qu’on l’a mêlée avec la moitié de ce grain. Je crois que cette machine a été inventée en Allemagne : les Allemands en font beaucoup d’usage. C’est une espece de canal de bois de grandeur propre à recevoir une botte de paille, il est terminé en devant par une arcade de fer ; un morceau de planche, plat en-dessous, & traversé par une barre de fer dont les deux bouts passent de chaque côté par une petite fenêtre ferrée, communique par le moyen de courroies à un marche-pié, sur lequel l’homme qui coupe la paille, met le pié pour serrer la botte de paille, qu’il avance à chaque coup de couteau qu’il donne, afin d’en couper l’extrémité par le moyen d’un rateau de fer, qu’il enfonce dans la botte. Quand la paille excede la longueur d’un grain d’avoine, il la tranche en faisant couler un couteau tout le long de l’arcade de fer ; plus elle est coupée courte, & mieux les chevaux la mangent : il est bon de la mouiller en la mêlant avec l’avoine, soit que le cheval soit sain ou malade. (V)

COUPE-PASTE, chez les Boulangers, est le nom qu’ils donnent à un instrument de fer large & presque quarré, ayant pour manche ou poignée un bord roulé sur lui-même à plusieurs replis : ils s’en servent pour couper la pâte. Voyez la Planche du Boulanger, fig. 5.

Coupe-paste, en Pâtisserie ; ce sont des especes de moules ou emporte-pieces, dont on se sert pour couper la pâte de telle grandeur que l’on veut. Voyez Pl. I. fig. 2.

COUPE-QUEUE, instrument dont les Mégissiers se servent pour couper les queues des peaux qu’ils veulent passer en mégie. Le coupe-queue n’est autre chose qu’un morceau de vieilles forces qui se sont cassées par l’anneau. Voyez Planche du Mégissier, lettre K.

COUPER, v. act. (Gram.) c’est en général faire usage d’un instrument tranchant, & l’effet produit s’appelle coupure. Mais ce mot se prend aussi dans un autre sens, & il est synonyme à mêler & tempérer ; ainsi l’on dit couper un fluide avec un autre. Ce terme a encore d’autres acceptions particulieres, dont on verra quelques-unes dans les articles suivans.

Couper un opera. Il faut couper un opera bien différemment de tous les autres ouvrages dramatiques. Quinault a coupé tous ses poëmes pour la grande déclamation : il ne pouvoit pas alors avoir une autre méthode, parce qu’il n’avoit que des sujets propres à la déclamation ; que d’ailleurs on connoissoit à peine la danse de son tems, & qu’elle n’occupoit qu’une très-petite partie de la représentation.

Ce ne fut qu’au ballet du triomphe de l’Amour qu’on introduisit en France des danseuses dans les représentations en musique ; il n’y avoit auparavant que quatre ou six danseurs qui formoient tous les divertissemens de l’opéra, & qui n’y portoient par conséquent que fort peu de variété & un agrément très médiocre ; ensorte que pendant plus de dix ans on

s’étoit passé à ce théatre d’un plaisir qui est devenu très-piquant de nos jours. Tous les ouvrages antérieurs à 1681 furent donc coupés de maniere à pouvoir se passer de danseuses ; & le pli étoit pris, si on peut s’exprimer ainsi, lorsque le corps de danse fut renforcé : ainsi Persée, Phaëton, Amadis de Gaule, Rolland & Armide, poëmes postérieurs à cette époque, furent coupés, comme l’avoient été Cadmus, Thésée, Atys, Isis, Alceste & Proserpine qui l’avoient précédée.

Quinault, en coupant ainsi tous ses opéra, avoit eu une raison décisive ; mais ceux qui l’ont suivi, avoient un motif aussi fort que lui pour prendre une coupe contraire. La danse naissoit à peine de son tems, & il avoit pressenti qu’elle seroit un des principaux agrémens du genre qu’il avoit créé : mais comme elle étoit encore à son enfance, & que le chant avoit fait de plus grands progrès ; que Lulli se contentoit de former ses divertissemens de deux airs de violons, de trois tout au plus, quelquefois même d’un seul ; qu’il falloit cependant remplir le tems ordinaire de la représentation, Quinault coupoit ses poëmes de façon que la déclamation suffît presque seule à la durée de son spectacle : trois quarts d’heure à-peu-près étoient occupés par les divertissemens, le reste devoit être rempli par la scene.

Quinault étoit donc astraint à couper ses poëmes de façon que le chant de déclamation (alors on n’en connoissoit point d’autre, voyez Coupe, Exécution, Déclamation, Opéra.) remplît l’espace d’environ deux heures & demie ; mais à mesure qu’on a trouvé des chants nouveaux, que l’exécution a fait des progrès, qu’on a imaginé des danses brillantes, que cette partie du spectacle s’est accrûe ; depuis enfin que le ballet (genre tout entier à la France, le plus piquant, le plus vif, le plus varié de tous) a été imaginé & goûté, toutes les fois qu’on a vû un grand opéra nouveau coupé comme ceux de Quinault (& tous les auteurs qui sont venus après lui, auroient crû faire un crime de prendre une autre coupe que la sienne), quelque bonne qu’ait été la musique, & quelqu’élégance qu’on ait répandu dans le poëme, le public a trouvé du froid, de la langueur, de l’ennui. Les opéra même de Quinault, malgré leur réputation, le préjugé de la nation, & le juste tribut de reconnoissance & d’estime qu’elle doit à Lulli, ont fait peu à peu la même impression ; & il a fallu en venir à des expédiens, pour rendre agréable la représentation de ces ouvrages immortels. Tout cela est arrivé par degrés, & d’une façon presqu’insensible, parce que la danse & l’exécution ont fait leurs progrès de cette maniere.

Les auteurs qui sont venus après Quinault, n’ont point senti ces différens progrès, mais ils ne sont point excusables de ne les avoir pas apperçûs ; ils auroient atteint à la perfection de l’art, en coupant leurs ouvrages sur cette découverte. Voyez Coupe.

La Mothe qui a créé le ballet, est le seul qui ait vû ce changement dans le tems même qu’il étoit le moins sensible ; il en a profité, en homme d’esprit, dans son Europe galante, dans Issé, & dans le Carnaval & la Folie, trois genres qu’il a créés en homme de génie. Voyez Ballet, Comédie ballet, & Pastorale. On ne conçoit pas comment après un vol pareil vers la perfection, il a pû retomber après dans l’imitation servile. Tous ses autres ouvrages lyriques sont coupés sur l’ancien patron, & on sait la différence qu’on doit faire de ses meilleurs opera de cette derniere espece, avec les trois dont on vient de parler.

En réduisant donc les choses à un point fixe qui puisse être utile à l’art, il est démontré, 1°. que la durée d’un opéra doit être la même aujourd’hui qu’elle l’étoit du tems de Quinault : 2°. les trois heu-