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Couler, se dit particulierement du verjus, du chasselas, & de la vigne, lorsque le suc contenu dans le fruit s’en échappe par quelque accident de la saison, qui nuit toûjours à l’abondance.

Couler le bouton, (Man.) voyez Bouton. Le maître d’académie dit quelquefois à l’écolier, quand il galoppe autour du manege, coulez, coulez ; ce qui veut dire, ne retenez pas tant votre cheval, & allez un peu plus vîte. Un cheval qui coule au galop, est celui qui va au galop uni, ou qui avance. Voyez Galop.

COULERESSE, adj. f. pris subst. en termes de Rafineur, est un grand bassin demi-circulaire, percé de trous d’un demi-pouce de diametre, & garni de deux mains de fer qui le soûtiennent sur un brancard exprès. Il doit y en avoir deux, l’un à passer la terre, & l’autre le sucre. Voyez Terre & Passer.

COULETAGE, s. m. (Jurispr.) dans la coûtume de Lille paroît être synonyme de courtage ; l’article 66 de cette coûtume dit que pour venditions, droit de couletage n’est dû. M. de Ragneau en son glossaire, prétend que ce droit est la même chose que celui de tonlieu, de maille, & de vendition ; que c’est une collecte d’un denier ou obole qui se perçoit en quelques lieux sur toutes les marchandises que l’on vend & achete, ensorte que couletage seroit dit par corruption de collectage ou collecte. Voyez ci-après Couletier ; Galland, du franc-aleu, pag. 80. derniere édition ; Cujas, observ. liv. XVI. cap. xxiij. (A)

COULETIER ou COULTIER, s. m. (Jurisprud.) à Lille signifie courtier. Voyez ci-devant Couletage. (A)

COULETTE, s. f. (Rubannier.) c’est une petite broche de fer menue & courte, emmanchée le plus souvent dans un vieux rochet qui ne pouvoit plus servir, ou dans quelque autre manche. La coulette sert à mettre dans un rochet de soie ou fil, que l’on veut survuider sur un autre. Ce rochet peut tourner sur la coulette à mesure qu’il se déroule ; on la tient droite dans la main gauche, pendant que la main droite fait tourner le rochet sur lequel on devide.

COULEUR, s. f. (Physiq.) suivant les Physiciens est une propriété de la lumiere, par laquelle elle produit, selon les différentes configurations & vîtesses de ses particules, des vibrations dans le nerf optique, qui étant propagées jusqu’au sensorium, affectent l’ame de différentes sensations. Voyez Lumiere.

La couleur peut être encore définie une sensation de l’ame excitée par l’action de la lumiere sur la retine, & différente suivant le degré de réfrangibilité de la lumiere & la vîtesse ou la grandeur de ses parties. Voyez Sensation.

On trouvera les propriétés de la lumiere à l’article Lumiere.

Le mot couleur, à proprement parler, peut être envisagé de quatre manieres différentes ; ou en tant qu’il désigne une disposition & affection particuliere de la lumiere, c’est-à-dire des corpuscules qui la constituent ; ou en tant qu’il désigne une disposition particuliere des corps physiques, à nous affecter de telle ou telle espece de lumiere ; ou en tant qu’il désigne l’ébranlement produit dans l’organe par tels ou tels corpuscules lumineux ; ou en tant enfin qu’il marque la sensation particuliere qui est la suite de cet ébranlement.

C’est dans ce dernier sens que le mot couleur se prend ordinairement ; & il est très-évident que le mot couleur pris en ce sens, ne désigne aucune propriété du corps, mais seulement une modification de notre ame ; que la blancheur, par exemple, la rougeur, &c. n’existent que dans nous, & nullement dans les corps auxquels nous les rapportons néanmoins par une habitude prise dès notre enfance : c’est une cho-

se très-singuliere & digne de l’attention des Métaphysiciens, que ce penchant que nous avons à rapporter

à une substance matérielle & divisible ce qui appartient réellement à une substance spirituelle & simple ; & rien n’est peut-être plus extraordinaire dans les opérations de notre ame, que de la voir transporter hors d’elle-même & étendre pour ainsi dire ses sensations sur une substance à laquelle elles ne peuvent appartenir. Quoi qu’il en soit, nous n’envisagerons guere dans cet article le mot couleur, en tant qu’il désigne une sensation de notre ame. Tout ce que nous pourrions dire sur cet article, dépend des lois de l’union de l’ame & du corps, qui nous sont inconnues. Nous dirons seulement deux mots sur une question que plusieurs philosophes ont proposée, savoir si tous les hommes voyent le même objet de la même couleur. Il y a apparence qu’oüi ; cependant on ne démontrera jamais que ce que j’appelle rouge, ne soit pas verd pour un autre. Il est au reste assez vraissemblable que le même objet ne paroît pas à tous les hommes d’une couleur également vive, comme il est assez vraissemblable que le même objet ne paroît pas également grand à tous les hommes. Cela vient de ce que nos organes, sans différer beaucoup entre eux, ont néanmoins un certain degré de différence dans leur force, leur sensibilité, &c. Mais en voilà assez sur cet article : venons à la couleur en tant qu’elle est une propriété de la lumiere & des corps qui la renvoyent.

Il y a de grandes différences d’opinions sur les couleurs entre les anciens & les modernes, & même entre les différentes sectes des Philosophes d’aujourd’hui. Suivant l’opinion d’Aristote, qui étoit celle qu’on suivoit autrefois, on regardoit la couleur comme une qualité résidante dans les corps colorés, & indépendante de la lumiere. Voyez Qualité.

Les Cartésiens n’ont point été satisfaits de cette définition ; ils ont dit que puisque le corps coloré n’étoit pas immédiatement appliqué à l’organe de la vûe pour produire la sensation de la couleur, & qu’aucun corps ne sauroit agir sur nos sens que par un contact immédiat ; il falloit donc que les corps colorés ne contribuassent à la sensation de la couleur, que par le moyen de quelque milieu, lequel étant mis en mouvement par leur action, transmettoit cette action jusqu’à l’organe de la vûe.

Ils ajoûtent que puisque les corps n’affectent point l’organe de la vûe dans l’obscurité, il faut que le sentiment de la couleur soit seulement occasionné par la lumiere qui met l’organe en mouvement, & que les corps colorés ne doivent être considérés que comme des corps qui réfléchissent la lumiere avec certaines modifications : la différence des couleurs venant de la différente texture des parties des corps qui les rend propres à donner telle ou telle modification à la lumiere. Mais c’est sur-tout à M. Newton que nous devons la vraie théorie des couleurs, celle qui est fondée sur des expériences sûres, & qui donne l’explication de tous les phénomenes. Voici en quoi consiste cette théorie.

L’expérience fait juger que les rayons de lumiere sont composés de particules dont les masses sont différentes entre elles ; du moins quelques-unes de ces parties, comme on ne sauroit guere en douter, ont beaucoup plus de vîtesse que les autres : car lorsque l’on reçoit dans une chambre obscure un rayon de lumiere FE (Pl. d’Optiq. fig. 5.) sur une surface réfringente AD, ce rayon ne se réfracte pas entierement en L, mais il se divise & se répand pour ainsi dire en plusieurs autres rayons, dont les uns sont réfractés en L, & les autres depuis L jusqu’en G ; ensorte que les particules qui ont le moins de vîtesse, sont celles que l’action de la surface réfringente détourne le plus facilement de leur chemin rectiligne pour