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passé & rangé en place, donne par son humidité de la souplesse aux fils de la chaîne, en humectant les apprêts dont ils sont enduits.

L’ouvrier doit travailler à pas ouvert, c’est-à-dire qu’il doit faire entrer le fil dans l’endroit où il doit rester, en tenant le pié appuyé sur la marche D ; & changer le pas, le peigne appuyé sur le même fil joignant la toile fabriquée, autrement il s’exposeroit à briser nombre de fils.

Il est bon de travailler ces toiles, sur-tout lorsqu’elles sont fines, dans des endroits un peu humides, & où la chaleur du soleil ne pénetre pas. Lorsque le tisserand reprend son ouvrage, après l’avoir quitté quelques momens, il doit passer un linge humide ou une éponge, ou autre chose semblable, sur son ouvrage à l’endroit où il a cessé de travailler, pour assouplir les apprêts en cet endroit. Il doit aussi tenir sur son métier, pendant son absence, un linge humide par la même raison.

Les chaînes se passent en lisse & dans le peigne, de la même maniere que les autres ouvriers en toile & en soie le pratiquent ; on s’aide des mêmes outils, mais il se trouve de la difficulté à manier avec les doigts les fils rompus qu’il faut réparer, soit lorsqu’on apprête la chaîne, soit tandis qu’on trame sa toile. Les doigts, en passant entre les fils du coton, y causeroient souvent du dommage ; pour le prévenir on se sert d’un crochet fait d’une aiguille de moyenne grosseur ; on la fait rougir pour la détremper, on lui donne cette forme Encyclopedie-4-p315-coton.PNG ; on fait entrer la tête de cette aiguille dans un petit bâton de 4 pouces de longueur, & gros comme une paille. Cet outil accroche les fils rompus, les dégage des fils de la chaîne, & les met à portée d’être renoüés sans endommager les autres.

Lorsque la toile est fabriquée, on la fait tremper vingt-quatre heures, & on la lave à l’eau chaude pour en faire sortir les apprêts ; on lui donne ensuite une légere lessive, puis on la met environ un mois sur l’herbe pendant l’été : elle se trouve alors suffisamment blanche, si elle est fine ; si elle est commune, on lui donne une seconde lessive, & on la met encore quelque tems sur l’herbe, jusqu’à ce qu’elle soit suffisamment blanche. Lorsque la saison ne permet pas de mettre les toiles sur l’herbe, il faut toûjours en faire sortir les apprêts, qui les pourroient endommager en peu de tems, & qui les exposeroient à être rongées par les rats.

Il reste à dire quelque chose des mousselines raiyées, comme celles qui nous viennent des Indes. Ces raiyures se font avec deux fils au lieu d’un, passés ensemble en lisse & en peigne, de sorte que quatre de ces fils vont dans la même dent. Ces fils doivent encore être plus gros que les autres qui composent le reste de la chaîne ; mais si ces fils étoient roulés tous ensemble sur la même ensuple, il arriveroit que leur grande disproportion de grosseur formeroit des monticules sur l’ensuple, qui feroient tirer certains fils & relâcheroient les autres. Pour prévenir cet inconvénient, on met la chaîne qui doit former les raiyons sur une ensuple particuliere ; c’est pour cette raison qu’on voit la place de trois au métier, savoir deux derriere pour les deux chaînes, & l’autre devant pour recevoir l’ouvrage fabriqué.

On se sert d’un temple, ou comme on dit dans les manufactures de Lyon, tempia, pour maintenir la largeur de la toile égale à la largeur du peigne, dans l’endroit où on la trame, ainsi que le pratiquent les autres tisserands.

Les mousselines fines sont bien les ouvrages les plus délicats & les plus beaux qui se fassent avec le coton filé, mais ce ne sont pas les seuls qu’on en fasse ; nous avons déjà parlé des bas ; il nous reste à achever en partie l’énumération, en nommant les camisoles,

couvertures, tapisseries, futaines, autres toiles que les mousselines, une infinité d’étoffes où le coton se trouve tissu avec la soie, le fil, & d’autres matieres.

On ne peut rien dire du prix des cotons, soit filés soit en laine ; le prix du coton en laine dépend de sa beauté & de l’abondance de la récolte ; il faut encore faire entrer en calcul la perfection de l’ouvrage, pour le prix du coton filé. Voyez Cotonnier ; voyez aussi aux autres articles de ce Dictionnaire les différentes sortes d’étoffe de coton.

Coton, (Jardinage.) duvet qu’on remarque à la surface de plusieurs fruits, tels que la pêche, &c.

Cotons, (Marine.) ce sont des pieces de bois dont on se sert à fortifier un mât, auquel on les joint étroitement. Voyez Jumelles. (Z)

COTONNÉES, adj. pris subst. (Comm.) petites étoffes fil & coton, qui se fabriquent en Hollande.

COTONNER, verb. act. il a deux significations chez les ouvriers ; l’une, c’est garnir de coton cardé, ce qu’on pratique aux vêtemens qu’on veut rendre chauds ; l’autre, c’est être couvert d’une espece de bourre, ce qui provient de mauvaise façon.

COTONNEUX, adj. (Jardinage.) se dit des fruits & légumes qui commençant à se passer, sont secs, molasses, sans goût, & mauvais à manger.

COTONNIER, s. m. xilon, (Hist. nat. bot.) Voy. à l’article Coton, la description de ce genre de plante, & différentes observations, tant sur les arbres de ce nom, que sur la laine qu’ils donnent. On dit que la tige de celui qu’on cultive à Malte & plusieurs endroits du Levant, & qui est désigné dans les auteurs de Botanique par xilon herbaceum, J. B. ou cotonnier commun, s’éleve environ à trois ou quatre piés ; qu’elle est droite, velue, ligneuse, & presque toûjours branchue ; ses feuilles alternes & semblables, au haut de la plante, à celles du petit érable, moins fermes, plus velues & plus blanchâtres ; au bas, arrondies & échancrées en quelques endroits ; ses fleurs, placées aux extrémités des branches, de la grandeur & de la figure de celles de la mauve ordinaire, jaunes sur les bords & purpurines au fond, & que son pistil devient, quand la fleur est passée, un fruit gros comme une petite noix, & divisé en plusieurs cellules pleines d’une filasse blanche qu’on appelle coton, attachée à plusieurs graines. Ce cotonnier est annuel. Le xilon arboreum ou cotonnier arbre, est commun aux Indes & n’est point annuel ; il a la tige haute de plusieurs piés ; les branches longues, ligneuses, couvertes de feuilles alternes, & peu différentes de celles du riceri, excepté par la couleur & la consistance ; la fleur jaune & de l’étendue de celle de la mauve appellée rose d’outre-mer ; le fruit plus gros que celui du cotonnier précédent, & le coton & la graine tout-à-fait pareils à son coton & à sa graine.

On peut diviser ce dernier en trois espèces, qu’on distingue par la finesse de la laine & la disposition des graines dans la gousse. La premiere donne un coton commun dont on fait des matelas & des toiles ordinaires : la seconde, un coton très-blanc & extrèmement fin, propre aux ouvrages déliés ; & la troisieme, un très-beau coton qu’on appelle à la Martinique coton de pierre, parce que les graines au lieu d’être éparses dans sa gousse, comme elle l’est aux autres, sont ammoncelées & si serrées les unes contre les autres qu’on a de la peine à les séparer, ensorte que toutes ensemble occupent le milieu du flocon.

On cultive aux Antilles une quatrieme espece de cotonnier, plus petite que les précédentes, quoique leur ressemblant à-peu-près par sa tige & ses feuilles ; le coton en est très-fin & d’une belle couleur de chamois ; on l’appelle coton de Siam ; voyez l’article Coton ; peut-être sa graine est-elle venue de Siam. On fait de sa laine des bas d’une extrème finesse. La cou-