Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/304

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

scene est en Egypte, met presque toûjours dans ses tableaux, des bâtimens, des arbres ou des animaux qui, par différentes raisons, sont regardés comme étant particuliers à ce pays.

Le Brun a suivi ces regles avec la même ponctualité, dans ses tableaux de l’histoire d’Alexandre ; les Perses & les Indiens s’y distinguent des Grecs, à leur physionomie autant qu’à leurs armes : leurs chevaux n’ont pas le même corsage que ceux des Macédoniens ; conformément à la vérité, les chevaux des Perses y sont représentés plus minces. On dit que ce grand maître avoit été jusqu’à faire dessiner à Alep des chevaux de Perse, afin d’observer même le costume sur ce point.

Enfin, suivant ces mêmes regles, il faut se conformer à ce que l’histoire nous apprend des mœurs, des habits, des usages & autres particularités de la vie des peuples qu’on veut représenter. Tous les anciens tableaux de l’Ecriture-sainte sont fautifs en ce genre. Albert Durer habille les Juifs comme les Allemands de son pays. Il est bien vrai que l’erreur d’introduire dans une action des personnages qui ne purent jamais en être les témoins, pour avoir vécu dans des tems éloignés de celui de l’action, est une erreur grossiere où nos peintres ne tombent plus. On ne voit plus un S. François écouter la prédication de S. Paul, ni un confesseur le crucifix en main exhorter le bon larron ; mais ne peut-on pas reprocher quelquefois aux célebres peintres de l’école romaine, de s’être plus attachés au dessein ; & à ceux de l’école lombarde, à ce qui regarde la couleur, qu’à l’observation fidele des regles du costume ? C’est cependant l’assujettissement à cette vraissemblance poëtique de la Peinture, qui plus d’une fois a fait nomme le Poussin le peintre des gens d’esprit : gloire que le Brun mérite de partager avec lui. On peut ajoûter à leur éloge, d’être les peintres des savans. Il y a un grand nombre de tableaux admirables par la correction du dessein, par la distribution des figures, par le contraste des personnages, par l’agrément du coloris, dans lesquels il manque seulement l’observation des regles du costume. On comprend encore dans le costume, tout ce qui concerne les bienséances, le caractere & les convenances propres à chaque âge, à chaque condition, &c. ainsi c’est pécher contre le costume, que de donner à un jeune homme un visage trop âgé, ou une main blanche à un corps sale ; une étoffe légere à Hercule, ou une étoffe grossiere à Apollon. Par M. le Chevalier de Jaucourt.

COSTUS, s. m. (Botanique exot.) Le costus des Grecs, des Latins, des Arabes, est un même nom qu’ils ont donné à différentes racines, & qu’il est impossible de connoitre aujourd’hui. L’homonymie en Botanique, fait un chaos qu’on ne débrouillera jamais.

Les anciens qui estimoient beaucoup le costus, en distinguoient deux ou trois sortes, sur la description desquels ils ne s’accordent point. Horace appelle le plus précieux, Achæmenium costum, parce que les Perses, dont Achémenes étoit roi, en faisoient grand usage. Les Romains s’en servoient dans la composition des aromates, des parfums, & ils le brûloient sur l’autel, comme l’encens, à cause de l’admirable odeur qu’il répandoit. Nous ne trouvons point dans notre costus cette odeur forte & excellente dont parlent Dioscoride, Galien & Pline ; c’est pourquoi nous le croyons entierement différent. Il est vrai que nos parfumeurs distinguent, à l’imitation de Dioscoride, trois especes de costus, sous les noms d’arabique, d’amer, & de doux ; mais aucune espece ne répond au vrai costus de l’antiquité.

Celui que nos apoticaires employent pour le costus ancien d’Arabie, est une racine coupée en

morceaux oblongs, de l’épaisseur du pouce, légers, poreux, & cependant durs, mais friables ; un peu résineux, blanchâtres, & quelquefois d’un jaune-gris ; d’un goût acre, aromatique, & un peu amer ; d’une odeur assez agréable, qui approche de celle de l’iris de Florence, ou de la violette.

Commelin prétend que c’est la racine d’une plante qui s’appelle tsiava-kua, dont on trouve la description & la figure dans l’Hott. Malabar. e. XI. pl. 15. Marcgraffe estime que c’est le paco-caatingua du Brésil.

Suivant ces deux auteurs botanistes, la racine de cette plante, dans le tems de sa seve, est blanche, tubéreuse, rempante, fongueuse, pleine d’un suc aqueux, tendre & fibrée ; celle qui est plus vieille & brisée, paroît parsemée de plusieurs petites fibres, d’un goût doux, fondant en eau comme le concombre, d’une odeur foible de gingembre. Il naît en différens endroits des racines, plusieurs rejettons qui s’élevent à la hauteur de trois ou quatre piés, & qui deviennent gros comme le doigt, cylindriques, de couleur de sang, lisses, luisans, semblables aux tiges de roseaux ; noüeux, simples, verds en dedans, & aqueux ; les feuilles sont oblongues, étroites, de la longueur de deux palmes, pointues à l’extrémité, larges dans leur milieu, attachées près des nœuds, ayant une nervûre ou une côte saillante en dessous, qui s’étend dans toute la longueur, & creusée en gouttiere en dessus, de laquelle partent de petites nervûres latérales & transversales. Ces feuilles sont très-souvent repliées en dedans, molles, succulentes, luisantes & vertes.

Cette plante croît dans les forêts de Malabar, du Brésil, & de Surinam. Linæus dans sa description du jardin de M. Clifford, en a détaillé fort au long la tige, la fleur, l’embryon, & la graine.

M. Geoffroy (mem, de l’acad. année 1740, p. 98.) pense que l’aunée est une racine fort approchante du costus ; car étant choisie, bien nourrie, sechée avec soin, & gardée long-tems, elle perd cette forte odeur qu’ont toutes celles de ce nom que nos herboristes nous apportent des montagnes, & elle acquiert celle du costus. Par M. le Chevalier de Jaucourt.

Costus, (Pharmacie & Mat. med.) Le costus des modernes, celui qu’on employe toûjours dans nos boutiques pour le costus verus ou arabicus, est une racine aromatique exotique dont nos medecins ne font presqu’aucun usage dans les préparations magistrales, quoique chez plusieurs de nos voisins, chez les Allemands, par exemple, elle soit employée dans les especes stomachiques, emmenagogues, antispasmodiques, &c.

Cette racine est mise, selon M. Geoffroi, mat. med. au nombre des remedes qui servent à l’expectoration, & des céphaliques & utérins ; elle atténue les humeurs & les divise ; elle provoque les urines & la transpiration. La dose est demi-gros en substance, & depuis deux gros jusqu’à demi-once en infusion.

On l’employe pour le costus des anciens dans la thériaque, le mithridate, l’orviétan, le grand philonium. Il donne son nom à un électuaire appellé caryocostin.

Les Apoticaires ont encore coûtume de substituer d’autres racines à la place de leur vrai costus, comme l’angélique, la zédoaire, &c. & même quelquefois une écorce connue sous le nom de cortex winteranus, costus corticosus. Voyez Ecorce de Winter.

Electuaire caryocostin. ♃ costus, gérofle, gingembre, cumin, de chaque deux gros ; diagrede, hermodates, demi once ; miel écumé, six onces : faites du tout un électuaire selon l’art. Cet électuaire est un purgatif hydragogue dont la vertu est dûe au dia-