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» L’une & l’autre fournissent des principes, qui servent à démontrer l’existence & les attributs de Dieu. Les principales matieres qu’embrasse la Cosmologie générale, se réduisent à expliquer comment le Monde résulte de l’assemblage des substances simples, & à développer les principes généraux de la modification des choses matérielles.

» C’est là le fruit le plus précieux de la Cosmologie ; il suffit seul pour en faire sentir le prix, & pour engager à la cultiver, n’en produisît-elle aucun autre. C’est ainsi qu’on parvient à démontrer que la contemplation du Monde visible nous mene à la connoissance de l’être invisible qui en est l’auteur. M. Wolf paroît extrèmement persuadé de l’utilité & de la certitude de cette nouvelle route qu’il s’est frayée, & voici comment il s’exprime là-dessus ».

In honorem Dei, confiteri cogor, me de cognitione Dei methodo scientifiâ tradendâ plurimùm sollicitum, non reperisse viam aliam, quâ ad scopum perveniri datur, quam eam quam propositio præsens monstrat, nec reperisse philosophum qui eandem rite calcaverit, etsi laude sitâ defraudandi non sint, qui nostris præsertim temporibus theologiæ naturali methodum demonstrativam applicare conati fuerint. Wolf, Cosmolog. prolegom. §. 6. in schol.

M. de Maupertuis nous a donné il y a quelques années, un essai de Cosmologie, qui paroît fait d’après les principes & suivant les vûes que nous avons exposées plus haut. Il croit que nous n’avons ni assez de faits ni assez de principes, pour embrasser la Nature sous un seul point de vûe. Il se contente d’exposer le système de l’Univers ; il se propose d’en donner les lois générales, & il en tire une démonstration nouvelle de l’existence de Dieu. Cet ouvrage ayant excité, en 1752, une dispute très-vive, je vais placer ici quelques réflexions qui pourront servir à éclaircir la matiere. J’y serai le plus court qu’il me sera possible, & j’espere y être impartial.

La loi générale de M. de Maupertuis est celle de la moindre quantité d’action, voyez-en la définition & l’exposé au mot Action : nous ajoûterons ici les remarques suivantes.

Leibnitz s’étant formé une idée particuliere de la force des corps en mouvement, dont nous parlerons au mot Force, l’a appellée force vive, & a prétendu qu’elle étoit le produit de la masse par le quarré de la vitesse, ou ce qui revient au même, qu’elle étoit comme le quarré de la vîtesse en prenant la masse pour l’unité. M. Wolf, dans les Mém. de Petersbourg, tom. I. a imaginé de multiplier la force vive par le tems, & il a appellé ce produit action, supposant apparemment que l’action d’un corps est le résultat de toutes les forces qu’il exerce à chaque instant, & par conséquent la somme de toutes les forces vives instantanées. On pourroit demander aux Leibnitiens, dont M. Wolf est regardé comme le chef, pourquoi ils ont imaginé cette distinction métaphysique entre l’action & la force vive ; distinction qu’ils ne devroient peut-être pas mettre entr’elles, du moins suivant l’idée qu’ils se forment de la force vive ; mais ce n’est pas de quoi il s’agit ici, & nous en pourrons parler au mot Force. Nous pouvons en attendant admettre comme une définition de nom arbitraire cette idée de l’action ; & nous remarquerons d’abord qu’elle revient au même que celle de M. de Maupertuis. Car le produit de l’espace par la vîtesse, est la même chose que le produit du quarré de la vîtesse par le tems. M. de Maupertuis, dans les ouvrages que nous avons cités au mot Action, ne nous dit point s’il avoit connoissance de la définition de M. Wolf ; il y a apparence que non : pour nous nous l’ignorions quand nous écrivions ce dernier article, & nous voulons ici rendre scrupuleusement à chacun ce qui lui appartient. Au reste il

importe peu que M. de Maupertuis ait pris cette idée de M. Wolf, ou qu’il se soit seulement rencontré avec lui ; car il s’agit ici uniquement des conséquences qu’il en a tirées, & auxquelles M. Wolf n’a aucune part. M. de Maupertuis est constamment le premier qui ait fait voir que dans la réfraction la quantité d’action est un minimum : il n’est pas moins constant, 1°. que ce principe est tout différent de celui-ci, que la Nature agit toûjours par la voie la plus simple ; car ce dernier principe est un principe vague, dont on peut faire cent applications toutes différentes, selon la définition qu’on voudra donner de ce qu’on regarde comme la voie la plus simple de la Nature, c’est-à-dire selon qu’on voudra faire consister la simplicité de la Nature & sa voie la plus courte, ou dans la direction rectiligne, c’est-à-dire dans la briéveté de la direction, ou dans la briéveté du tems, ou dans le minimum de la quantité de mouvement, ou dans le minimum de la force vive, ou dans celui de l’action, &c. Le principe de M. de Maupertuis n’est donc point le principe de la voie la plus simple pris vaguement, mais un exposé précis de ce qu’il croit être la voie la plus simple de la Nature.

2°. Nous avons fait voir que ce principe est très différent de celui de Leibnitz, voyez Action : & il seroit assez singulier, si Leibnitz a eu connoissance du principe de M. de Maupertuis comme on l’a prétendu, que ce philosophe n’eût pas songé à l’appliquer à la réfraction ; mais nous traiterons plus bas la question de fait.

3°. Il n’est pas moins constant que ce principe de M. de Maupertuis appliqué à la réfraction, concilie les causes finales avec la méchanique du moins dans ce cas-là, ce que personne n’avoit encore fait. On s’intéressera plus ou moins à cette conciliation, selon qu’on prendra plus ou moins d’intérêt aux causes finales ; voyez ce mot. Mais les Leibnitiens du moins doivent en être fort satisfaits. De plus, M. Euler a fait voit que ce principe avoit lieu dans les courbes que décrit un corps attiré ou poussé vers un point fixe : cette belle proposition étend le principe de M. de Maupertuis à la petite courbe même que décrit le corpuscule de lumiere, en passant d’un milieu dans un autre ; de maniere qu’à cet égard le principe se trouve vrai généralement, & sans restriction. M. Euler, dans les Mém. de l’acad. des Scienc. de Prusse, de 1751, a montré encore plusieurs autres cas où le principe s’applique avec élégance & avec facilité.

4°. Ce principe est différent de celui de la nullité de force vive, par deux raisons ; parce qu’il s’agit dans le principe de M. de Maupertuis non de la nullité, mais de la minimité ; & de plus, parce que dans l’action on fait entrer le tems qui n’entre point dans la force vive. Ce n’est pas que le principe de la nullité de la force vive n’ait lieu aussi dans plusieurs cas, ce n’est pas même qu’on ne puisse tirer de la nullité de la force vive plusieurs choses qu’on tire de la minimité d’action ; mais cela ne prouve pas l’identité des deux principes, parce que l’on peut parvenir à la même conclusion par des voies différentes.

5°. Nous avons vû à l’article Causes finales, que le principe de la minimité du tems est en défaut dans la réflexion sur les miroirs concaves. Il paroît qu’il en est de même de la minimité d’action ; car alors le chemin du rayon de lumiere est un maximum, & l’action est aussi un maximum. Il est vrai qu’on pourroit faire quadrer ici le principe, en rapportant toûjours la reflexion à des surfaces planes ; mais peut-être les adversaires des causes finales ne goûteront pas cette réponse ; il vaut mieux dire, ce me semble, que l’action est ici un maximum, & dans les autres cas un minimum. Il n’y en aura pas moins de mérite à avoir appliqué le premier ce principe à la réfraction, & il en sera comme du principe de la